Après la tourmente des scandales de pédophilie, le pape Benoît XVI a annoncé hier un resserrement des règles pour les prélats accusés d'agression sexuelle. Évêques et cardinaux sont maintenant sur un pied d'égalité avec les prêtres à ce sujet, et la pornographie juvénile est pour la première fois visée. Le Vatican a plaidé un effort de rigueur et de transparence, alors que ses critiques l'accusaient de changements cosmétiques.

Le pape Benoît XVI a resserré hier les règlements concernant les prêtres accusés d'agression sexuelle. La période de prescription a été portée à 20 ans après la majorité de la victime, le processus de destitution du prêtre jugé coupable est plus rapide, les évêques et cardinaux peuvent être accusés directement au Vatican et les juges des tribunaux religieux habilités à évaluer les accusations peuvent être des laïcs.

«C'est essentiellement une codification des pratiques actuelles», explique John Allen, le vaticaniste de l'hebdomadaire américain The National Catholic Reporter. «La plupart de ces mesures étaient déjà comprises dans une série d'aménagements apportés en 2003 aux règles édictées en 2001. Par exemple, dans les tribunaux canoniques américains, il était difficile de n'avoir que des religieux. Alors on permettait depuis 2003 que des laïcs en fassent partie. On avait aussi accepté d'accélérer le processus de laïcisation de prêtres reconnus coupables d'agression sexuelle. Pour ce qui est de la prescription, elle était de toute façon régulièrement levée au cas par cas.»

Les règles de 2001 et les aménagements de 2003 avaient été concoctés par le cardinal Ratzinger alors qu'il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avant qu'il soit élu pape, en 2005.

Les deux grandes nouveautés sont la mention expresse de la possession et de la distribution de pornographie juvénile et des agressions commises contre des déficients intellectuels. «On dit que la pornographie juvénile est un crime grave, note Gilles Routhier, qui enseigne la théologie à l'Université Laval. Il est difficile de déterminer comment ça va jouer dans les procès canoniques, mais c'est certainement un durcissement des attitudes du Vatican. C'est moins grave qu'une agression sexuelle, mais ce n'est pas à prendre à la légère.»

Quant aux agressions commises contre des déficients intellectuels, qui sont maintenant considérés comme aussi graves que la pédophilie même si la victime est adulte, leur mention est rendue nécessaire par un cas qui a fait les manchettes ce printemps, celui d'un prêtre du Midwest américain dont les victimes fréquentaient un institut pour sourds. Le prêtre a fini par mourir avant la fin du procès canonique, qui a été compliqué par le fait qu'il relevait d'un diocèse différent de celui où avaient été commis les crimes. Le pape, alors cardinal, avait refusé d'intervenir auprès des évêques pour accélérer le processus. «Benoît XVI sait depuis 2001 qu'il faut un responsable au Vatican pour s'occuper de ces cas et éviter que les procès canoniques prennent trop de temps», dit M. Allen.

La destitution accélérée est en quelque sorte un revirement pour le pape. Dans les années 80, il avait cherché à endiguer la vague de demandes de prêtres qui voulaient quitter la vie religieuse, jugeant qu'il était illogique qu'il soit plus difficile de dissoudre le sacrement du mariage que celui de l'ordination. Ce faisant, il avait retardé la destitution de certains prêtres pédophiles. Un tel cas en Californie a fait couler beaucoup d'encre au printemps: il s'agissait d'un prêtre reconnu coupable de pédophilie au criminel, qui voulait quitter la prêtrise mais qui a dû attendre une demi-douzaine d'années pour le faire. Peu après avoir quitté les ordres, il s'est de nouveau fait arrêter pour pédophilie.

«On peut maintenant destituer un prêtre par décret, sans même attendre un procès canonique, observe M. Allen. Benoît XVI a plusieurs fois parlé de renouveau de l'Église par les scandales de cette année. Il veut des prêtres qui vont porter le message de l'Église, ce qui n'est pas possible quand on fait ce genre de choses.»

La présidente de l'Association des victimes de prêtres du Québec, France Bédard, estime que les changements proposés sont insuffisants. «Benoît XVI perdait de la crédibilité et il voulait sauver la face, dit Mme Bédard. Mais qu'y a-t-il de concret? Je ne vois rien pour aider les victimes. Et c'est bien beau de destituer les prochains prêtres accusés, mais que fera-t-on pour ceux qui sont déjà accusés? Il faut que les victimes soient mieux écoutées par les évêques.»

Aux États-Unis, le Survivors Network of Those Abused by Priests a comparé les règles annoncées hier au fait de tirer sur un éléphant avec un tire-pois.

Depuis le mois de mars, l'Église catholique a été secouée par une série de scandales de pédophilie dans plusieurs pays. En Allemagne, notamment, l'un s'est en partie déroulé dans la région de Munich quand le pape y était archevêque, au début des années 80. Le Vatican est aussi aux prises avec des poursuites aux États-Unis.