Alors que la droite songe à durcir les pratiques en vigueur, l'État français vient de démontrer de nouveau qu'il ne badine pas avec les fonctionnaires qui refusent de se conformer à ses exigences en matière de laïcité.

Le comité de discipline de la préfecture de police de Paris a recommandé il y a quelques semaines la suspension pour 2 ans, dont 18 mois avec sursis, d'une agente de surveillance de la capitale affectée à la circulation, soit l'équivalent de 6 mois de suspension sans solde.

Selon les autorités, l'agente en question, que l'on désigne sous le nom de Nora B., s'est vu reprocher à plusieurs reprises de porter le voile dans le service de police où elle est affectée.

Elle a été suspendue de ses fonctions en novembre en attendant le dénouement du processus disciplinaire.

«Elle est déçue, c'est normal, mais qu'est-ce qu'elle peut faire ? C'est le plus fort qui fait la loi», a déclaré hier à La Presse le conjoint de la policière lors d'une brève entrevue téléphonique.

Nora B. a déjà expliqué au journal Metro que ses difficultés avaient commencé il y a plusieurs années lorsque certains supérieurs se sont mis à l'admonester parce qu'elle portait sous sa casquette un filet pour retenir ses cheveux, qu'ils assimilaient à un foulard.

Devoir de neutralité

En réaction à la pression exercée, elle a entrepris de garder le voile qu'elle porte dans le privé jusqu'à l'entrée du bâtiment où elle devait se rendre pour travailler, puis, finalement, jusqu'au vestiaire.

«Je ne l'ai gardé qu'une journée pendant le service car j'étais à bout, et encore, j'étais dans les bureaux ce jour-là et je n'étais pas en uniforme», a-t-elle souligné.

Contrairement au gouvernement de Jean Charest, qui n'entend pas légiférer au-delà du niqab et de la burqa, la loi française ne permet pas le port du voile (hijab) dans la fonction publique.

Plusieurs cas ont fait les manchettes dans les dernières années, notamment à Lyon, où une fonctionnaire des transports a contesté devant les tribunaux une suspension découlant du port du voile.

L'ex-premier ministre Dominique de Villepin avait fait circuler en 2007 une «charte de la laïcité» dans laquelle il est précisé que «tout agent public a un devoir de stricte neutralité».

«Le fait (...) de manifester ses convictions religieuses dans l'exercice de ses fonctions constitue un manquement à ses obligations», souligne le document, préparé avec l'aide du Haut Conseil à l'intégration (HCI).

Rapport crucial

Ce conseil, qui agit à titre consultatif auprès du gouvernement, vient de transmettre au premier ministre François Fillon un rapport qui recommande d'étendre l'obligation de neutralité aux élus ainsi qu'à des collaborateurs occasionnels de l'État, comme les jurés ou encore les mères qui agissent à titre d'accompagnatrices dans les sorties scolaires.

Ces recommandations, qui visent à «réaffirmer» la laïcité de l'État et non à défendre une «laïcité dure», au dire du HCI, sont mises de l'avant alors que le gouvernement français réitère son intention de légiférer pour interdire la burqa et le niqab.

Comme il l'a déjà dit à plusieurs reprises, le premier ministre a déclaré lundi qu'il souhaitait faire adopter une loi permettant l'interdiction «la plus large possible».

Le Conseil d'État a cependant prévenu hier, dans un rapport commandé il y a quelques mois, que toute loi visant à interdire purement et simplement le port du voile intégral risquerait d'être renversée.

La plus haute juridiction administrative du pays recommande plutôt aux élus de baser une éventuelle interdiction sur la notion de sécurité publique et de l'appliquer dans des «circonstances particulières en temps et en lieu».

Les préfets pourraient se voir attribuer le pouvoir d'interdire le voile intégral dans des manifestations sportives ou des établissements comme les banques ou les bijouteries ainsi que dans les lieux où sont rendus les services publics.

Le rapport laisse une grande latitude au gouvernement, qui promet de procéder dans les semaines qui viennent.

En Belgique

La Belgique devrait pour sa part franchir aujourd'hui une étape décisive vers l'interdiction totale du voile islamique intégral dans l'»espace public», donc y compris dans la rue.

La commission de l'Intérieur de la Chambre des représentants (députés) doit voter aujourd'hui sur cette proposition de loi,qui prévoit que les personnes qui «se présenteront dans l'espace public le visage masqué ou dissimulé, en tout ou en partie, par un vêtement de manière telle qu'ils ne soient plus identifiables» seront punies d'une amende ou d'une peine de prison d'un à sept jours. Des exceptions sont prévues pour les manifestations festives telles que les carnavals.