Il y a 15 ans, les panneaux solaires, les éoliennes et les véhicules à batterie étaient largement considérés comme des technologies de niche, trop coûteuses et peu fiables pour être utilisées par le grand public.

Mais l’énergie propre est devenue bon marché bien plus rapidement que prévu. Depuis 2009, le coût de l’énergie solaire a chuté de 83 %, tandis que le coût de production de l’énergie éolienne a diminué de plus de moitié. Le prix des cellules des batteries au lithium-ion a diminué de 97 % au cours des trois dernières décennies.

Aujourd’hui, l’énergie solaire et l’énergie éolienne sont les nouvelles sources d’électricité les moins chères sur de nombreux marchés, produisant 12 % de l’électricité mondiale et continuant d’augmenter. Cette année, pour la première fois, les investisseurs mondiaux devraient investir plus d’argent dans l’énergie solaire – environ 380 milliards de dollars – que dans le forage pétrolier.

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Installation de panneaux solaires à Edmond, en Oklahoma

La baisse rapide des coûts de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne et des batteries est attribuable aux premiers investissements des gouvernements et aux améliorations constantes apportées au fil du temps par des centaines de chercheurs, d’ingénieurs et d’entrepreneurs du monde entier.

Le monde a produit près de 3 milliards de panneaux solaires à ce jour, et chacun d’entre eux a été l’occasion pour les gens d’essayer d’améliorer le processus. Et toutes ces améliorations progressives s’additionnent pour donner quelque chose de très spectaculaire.

Gregory Nemet, expert en énergie solaire à l’Université du Wisconsin à Madison

L’afflux d’argent a constitué une force tout aussi puissante que les avancées technologiques.

Aux États-Unis, le président Joe Biden a signé, au cours des deux premières années de son mandat, un trio de lois allouant des fonds sans précédent aux énergies propres. Une loi bipartisane de 1000 milliards de dollars sur les infrastructures a permis d’améliorer le réseau électrique, d’acheter des bus électriques pour les écoles et de construire un réseau national de chargeurs de véhicules électriques. La loi bipartisane CHIPS and Science Act a mis de côté des milliards de dollars pour les semi-conducteurs indispensables à la construction automobile. Enfin, la loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act), qui fête son premier anniversaire cette semaine, est de loin la tentative la plus ambitieuse de lutte contre les changements climatiques de l’histoire des États-Unis.

Cette loi historique prévoit des allègements fiscaux pour les véhicules électriques, les pompes à chaleur et les améliorations de l’efficacité énergétique, la fabrication de panneaux solaires et d’éoliennes et la production d’hydrogène propre. Le gouvernement investit également dans des efforts visant à capter les émissions de carbone et à les stocker avant qu’elles n’atteignent l’atmosphère, ainsi que dans des technologies permettant de les éliminer directement de l’air.

Estimés à l’origine à 391 milliards de dollars entre 2022 et 2031, les allègements fiscaux se sont révélés si populaires auprès des fabricants et des consommateurs qu’on évalue aujourd’hui leur coût à 1200 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie.

Ensemble, ces trois lois ont incité les entreprises à annoncer au moins 230 milliards de dollars d’investissements dans l’industrie manufacturière jusqu’à présent. En Géorgie, un fabricant sud-coréen de panneaux solaires, Qcells, construit une usine d’une valeur de 2,5 milliards de dollars. Au Nevada, Tesla construit une nouvelle usine de camions électriques d’une valeur de 3,6 milliards de dollars. Dans l’Oklahoma, les installations d’Enel et de Canoo sont prêtes à bénéficier de la loi sur la réduction de l’inflation, tout comme une nouvelle usine de batteries de 4,4 milliards de dollars envisagée par Panasonic, le conglomérat japonais.

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Les autobus scolaires électriques d’IC Bus, à Tulsa

« Grâce à cette loi, l’envie d’investir aux États-Unis est grande », a déclaré Giovanni Bertolino, cadre chez Enel, ajoutant que l’usine que son entreprise est en train de construire à Tulsa n’existerait pas sans la loi sur la réduction de l’inflation.

Les réglementations accélèrent également la transition énergétique. M. Biden a proposé de nouvelles limites fédérales de pollution pour les pots d’échappement et les cheminées, mais plusieurs États agissent de leur propre chef. La Californie, dont la puissance commerciale influence l’ensemble de l’industrie automobile, prévoit arrêter les ventes de nouvelles voitures à essence d’ici 2035 et de nouveaux camions à moteur diesel d’ici 2036, et une poignée d’États lui emboîtent le pas.

Les investissements considérables consentis par les États-Unis ont suscité une vive réaction de la part d’autres pays riches. Les pays qui s’étaient initialement plaints que les États-Unis subventionnaient injustement les fabricants d’énergies propres se sont depuis engagés dans une sorte de course aux subventions.

Le Canada, la Corée du Sud et d’autres pays ont fait pression pour que leurs entreprises aient un meilleur accès aux mesures d’incitation américaines, tout en offrant des subventions aux entreprises américaines.

En Chine, qui est à la fois le premier pollueur mondial et le leader mondial en matière d’énergie renouvelable, le gouvernement continue d’investir dans toutes les étapes de la production d’énergie propre, des cellules solaires aux batteries, en passant par les turbines éoliennes, etc.

Un « point d’inflexion »

La maison de Steve Uerling à Tulsa est un modèle d’efficacité énergétique. Il a remplacé toutes ses ampoules à incandescence par des DEL. Cette année, il a installé une pompe à chaleur et des panneaux solaires sur le toit. Et il conduit une Ford Fusion hybride rechargeable et une Tesla Model 3.

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Présentation d’une Tesla Model X à Riverton, au Wyoming

M. Uerling, ingénieur en mécanique, a déclaré qu’il voulait voir l’énergie renouvelable décoller en Oklahoma et qu’il essayait d’apporter sa contribution. Mais c’est aussi son portefeuille qui l’a poussé à agir.

Mon coût de carburant équivaut à une consommation d’essence de 200 milles par gallon. Nous rechargeons la nuit, lorsque le tarif de l’électricité est beaucoup plus avantageux.

Steve Uerling, ingénieur en mécanique

Des millions de personnes dans tout le pays font des calculs similaires. Les véhicules électriques sont de loin le segment de l’industrie automobile qui connaît la croissance la plus rapide, avec des ventes record de 300 000 unités au deuxième trimestre 2023, soit une augmentation de 48 % par rapport à l’année précédente. Les Tesla font désormais partie des voitures les plus vendues dans le pays, et Ford a augmenté sa production du F-150 Lightning, la version électrique de sa célèbre camionnette, après qu’une forte augmentation de la demande initiale a créé une liste d’attente.

L’action des pouvoirs publics aide également les véhicules plus lourds à passer à l’électricité. Les ventes d’autobus scolaires électriques montent en flèche, en grande partie grâce à des subventions fédérales d’un montant de 5 milliards de dollars qui peuvent couvrir 100 % du coût pour les communautés à faibles revenus.

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Station de recharge pour véhicules électriques à Tulsa

De manière inhabituelle, sept constructeurs automobiles – BMW Group, General Motors, Honda, Hyundai, Kia, Mercedes-Benz Group et Stellantis – dépensent 1 milliard de dollars dans le cadre d’une coentreprise pour construire 30 000 ports de recharge sur les grands axes routiers et d’autres sites aux États-Unis et au Canada.

Le changement est si rapide que certains des constructeurs automobiles américains les plus connus se préparent à un monde où les voitures et les camions à essence n’existeront plus.

General Motors, qui détient la plus grande part de marché de tous les constructeurs automobiles aux États-Unis, s’est engagé à ne vendre que des véhicules à zéro émission d’ici à 2035. Il s’agit d’un « point d’inflexion unique dans une génération » pour ce constructeur automobile vieux de 114 ans, selon Mary Barra, directrice générale de General Motors. Lors d’une interview, Mme Barra a déclaré que son entreprise avait commencé à envisager un avenir entièrement électrique en 2020.

Mme Barra s’attend à une croissance exponentielle à mesure que le coût des batteries diminuera et que le nombre de stations de recharge augmentera dans tout le pays. « Je pense qu’il s’agira d’une trajectoire ascendante, a-t-elle déclaré. Ce sera un peu cahoteux, mais une croissance cahoteuse. »

Cet article a été publié à l’origine dans le New York Times.

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