Le parcours de Donald Trump à travers le système judiciaire américain vous semble aussi tortueux que le labyrinthe de Dédale ? Voici quelques éléments pour vous y retrouver.

À combien de procès médiatisés fait face Donald Trump ?

Six procès font les manchettes : quatre au criminel et deux au civil. À cela, il faut ajouter que dans 35 États, des individus s’adressent aux tribunaux pour tenter de rendre inadmissible le nom de M. Trump sur les bulletins de vote aux primaires. Enfin, les avocats du 45e président des États-Unis plaident en cour son immunité durant son mandat présidentiel de 2017 à 2021.

Par où commencer ?

Par l’inéligibilité de Donald Trump. Estimant qu’il est directement responsable de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, et se basant sur l’article 3 du 14e amendement de la Constitution, des Américains contestent le droit du républicain de se présenter aux primaires. Des tribunaux du Colorado et du Maine leur ont donné raison. Mais la décision est suspendue, car elle fait l’objet d’un débat juridique autour de l’interprétation du fameux article 3 du 14e amendement.

PHOTO JASON ANDREW, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Partisans de Donald Trump entourant le Capitole, le 6 janvier 2021

Que dit cet article ?

Il interdit à tout officier public ayant prêté serment d’exercer une fonction publique s’il s’est engagé dans une insurrection ou une rébellion contre le gouvernement américain. La question est de savoir si la fonction présidentielle répond à cette définition. L’affaire pourrait se rendre jusqu’à la Cour suprême, dominée 6-3 par des juges conservateurs.

Est-ce que ce sera le cas ?

« J’ai l’impression que les juges de la Cour suprême n’ont pas envie d’avoir le dernier mot, dit Jason Opal, professeur titulaire au département d’histoire et études classiques de l’Université McGill. Ils vont dire qu’il est préférable que le Congrès se prononce, ce que permet le 14e amendement. » Il est aussi possible que la Cour suprême aille jusqu’au bout et rende une décision, observe Valérie Beaudoin, chercheuse associée à l’Observatoire des États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. « La Cour suprême pourrait décider que cette spécificité ne s’applique pas à la présidence. »

Qu’en est-il de l’immunité ?

Cette question a été soulevée par les avocats de M. Trump en amont du procès qui doit commencer le 4 mars à Washington, où l’ancien président fait face à quatre chefs d’accusation relatifs aux évènements du 6 janvier 2021. « Il est très intéressant de se pencher sur la question et de voir jusqu’où peut s’étendre l’immunité présidentielle, dit Valérie Beaudoin à ce sujet. M. Trump parle d’immunité absolue. Un peu comme si les présidents américains étaient des rois. »

Cette question ira-t-elle aussi devant la Cour suprême ?

Possible. En fait, le procureur spécial du département de la Justice, Jack Smith, qui a porté les accusations dans ce dossier, a tenté en décembre de porter la cause devant la Cour suprême en lui demandant une décision rapide. Il a subi un revers. Les neuf juges du plus haut tribunal du pays lui ont dit de suivre la procédure normale. La cause est actuellement devant le tribunal fédéral d’appel de la cour de Washington.

De toutes les causes, laquelle serait la plus dommageable pour M. Trump ?

PHOTO FOURNIE PAR LE BUREAU DU SHÉRIF DU COMTÉ DE FULTON, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Photo d’identité judiciaire de Donald Trump prise lors de son arrestation en août 2023 en Géorgie

Selon Valérie Beaudoin, le procès qui pourrait avoir le plus de conséquences est celui qui doit s’amorcer en août en Géorgie. Là, la procureure du comté de Fulton, Fani Willis, a porté des accusations contre 19 personnes pour tentative de renverser les résultats de l’élection. « Ça veut dire qu’il est plus facile d’avoir des individus accusés qui décident de collaborer avec des procureurs », expose-t-elle. Mme Beaudoin et Jason Opal soulèvent aussi le fait que si Donald Trump est reconnu coupable, il ne pourra recevoir ou s’attribuer le pardon présidentiel. « Car ce n’est pas un procès d’ordre fédéral, mais étatique », indique M. Opal. « En Géorgie, vous devez passer un minimum de temps en prison avant de demander un pardon et la décision est prise en comité », précise Mme Beaudoin.

Et quelle est la portée du procès à New York pour fraudes financières ?

Selon Bill Minutaglio, journaliste, ancien professeur à l’Université du Texas à Austin et auteur d’une biographie de George W. Bush, le procès intenté à New York contre M. Trump (à titre d’homme d’affaires) et ses fils pour fraudes financières pourrait grandement l’affecter. « On l’accuse d’avoir gonflé la valeur de ses diverses propriétés. Cela pourrait se traduire par la perte du droit à faire des affaires à New York et mettre en péril le financement de ses immeubles, dit M. Minutaglio. Car une bonne partie de l’empire commercial de Trump a été bâti sur des emprunts favorables. Et n’oublions pas que la décision du tribunal n’est pas de déterminer si Trump est coupable ou non, mais quel sera le montant de l’amende. » Le procureur de la Ville de New York lui réclame 370 millions US. Le jugement est attendu sous peu.

Lisez le parcours judiciaire de Donald Trump en 2023

Les dates importantes en 2024

Du 5 au 11 janvier

Derniers témoignages et plaidoiries dans le procès pour fraudes financières intenté par la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, contre Donald Trump et ses fils Eric et Donald Jr. L’État leur réclame 370 millions en dollars américains pour avoir censément gonflé la valeur de leurs propriétés pour obtenir de meilleures conditions de prêts et d’assurances. Une décision doit être rendue par le juge Arthur Engoron dans les prochaines semaines.

16 janvier

PHOTO EDUARDO MUNOZ, REUTERS

La journaliste E. Jean Carroll à sa sortie du tribunal de Manhattan jeudi

Début d’un second procès civil en diffamation intenté par la journaliste E. Jean Carroll contre Donald Trump devant la cour fédérale de Manhattan. Après avoir perdu un premier procès en 2023 – et avoir été condamné à verser 5 millions – l’ancien président a formulé de nouveaux commentaires à son égard.

8 février

La Cour suprême entend la cause dans laquelle Donald Trump est disqualifié des bulletins de vote aux primaires du Colorado et du Maine. La décision sera vraisemblablement rendue avant le 5 mars, date du « Super Tuesday » où les primaires seront entre autres tenues dans ces deux États.

4 mars

À la veille du « Super Tuesday » doit s’amorcer le procès de Donald Trump devant la cour fédérale de Washington, DC, où il fait face à quatre accusations liées aux évènements du 6 janvier 2021 au Capitole. Les avocats de Trump tentent de faire dérailler le procès en arguant l’immunité du président. Une cour d’appel doit se pencher sur la question. En décembre, la Cour suprême a refusé la demande du procureur Jack Smith de se pencher sur la question en priorité.

25 mars

PHOTO MARKUS SCHREIBER, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Stormy Daniels, en 2018

Date inscrite à l’agenda de la cour du district de Manhattan où M. Trump fait face à 34 chefs d’accusation entourant le versement de 130 000 $ à l’actrice de films pour adultes Stormy Daniels pour acheter son silence avant l’élection présidentielle de 2016. Le 15 janvier, Mme Daniels s’est déclarée « prête à témoigner » au procès.

20 mai

PHOTO FOURNIE PAR LE DÉPARTEMENT DE LA JUSTICE AMÉRICAIN, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Boîtes de documents saisis à Mar-a-Lago par le FBI

Début à Miami, en Floride, du procès de M. Trump dans l’affaire des documents présidentiels qui, au lieu d’être envoyés aux Archives nationales, se trouvaient dans sa propriété de Mar-a-Lago. L’ancien président fait face à 37 chefs d’accusation dans cette cause.

Août 2024

En Géorgie, la date du procès intenté par Fani Willis, procureure du comté de Fulton, contre Donald Trump, n’a pas encore été fixée. Mais Mme Willis et son équipe souhaitent que celui-ci s’amorce en août 2024. Dans cette cause, M. Trump est l’une des 19 personnes accusées d’avoir comploté pour faire changer les résultats de l’élection présidentielle où Joe Biden avait été déclaré vainqueur dans cet État. Encore ici, les avocats du 45e président des États-Unis tentent de faire annuler le procès.