(Washington) Des séquences de vidéosurveillance enregistrées lors de l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole des États-Unis et récemment rendues publiques ont ravivé de vieilles théories du complot sur les réseaux sociaux, avec les encouragements de certains élus conservateurs et personnalités médiatiques.  

Le sénateur dans l’État de l’Utah, Mike Lee, et la représentante de Géorgie, Marjorie Taylor Greene, fervents supporters de l’ancien président américain Donald Trump, ont joint leurs voix à une marée d’influenceurs de droite qui maintiennent que des caméras ont filmé un homme « déguisé » en Trumpiste, portant l’emblématique casquette rouge MAGA (« Make America Great Again »), et le montrant supposément en possession d’un badge d’officier de police.

« J’ai hâte d’interroger le chef du FBI, Christopher Wray, à ce sujet lors de notre prochaine audience », a déclaré M. Lee, sur le réseau social X.

En réalité, l’homme qui a été filmé le 6 janvier est un partisan de Donald Trump, originaire de Chicago. Il apparaît dans un clip récemment rendu public après que le nouveau président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a ordonné la diffusion de milliers d’heures de vidéosurveillance du Capitole.

Kevin James Lyons, identifiable par sa tenue dans la vidéo, travaillait comme technicien chauffagiste jusqu’à ce qu’il soit condamné à plus de quatre ans de prison en juillet dernier, selon des documents judiciaires. Parmi les quelque 1200 personnes arrêtées, M. Lyons a été reconnu coupable de six chefs d’accusation.

L’homme est désormais le dernier pion d’une campagne de désinformation en ligne, une tactique qui selon les experts, viserait à détourner les regards de la responsabilité de l’ancien président des États-Unis dans la contestation de l’élection de Joe Biden en 2020.

Un autre homme inculpé dans l’attaque du 6 janvier, Ray Epps, a porté plainte pour diffamation contre Fox News en juillet après que son ancien présentateur, Tucker Carlson, a faussement affirmé à l’antenne qu’il était un agent de la police fédérale américaine, recruté dans le but de piéger les partisans de Trump lors de l’assaut du Capitole.

« Déconnecté des faits »

Des documents judiciaires indiquent que M. Lyons s’était filmé s’introduisant dans le bureau de Nancy Pelosi et posant avec une photo dérobée des affaires de l’ancienne présidente de la Chambre des représentants. Il avait également empoché un portefeuille et traité les forces de police de Nazis.

D’autres clips de vidéosurveillance prouvent aussi que M. Lyons avait une cigarette électronique à la main – et non un badge de police, comme certains affirment sur les réseaux.

L’élu conservateur anti-Trump, Adam Kinzinger, a répondu aux déclarations de M. Lee sur le réseau social, le qualifiant « d’idiot déconnecté des faits ».

« Il s’agit d’une e-cigarette », a-t-il ajouté.

La députée Greene et d’autres sont désormais revenus sur leurs déclarations, y compris le site d’extrême droite Gateway Pundit, après que des journalistes et internautes ont passé les images au peigne fin.

Keven Ruby, enquêteur du « Chicago Project » sur la sécurité et menaces nationales, a déclaré que l’analyse de plus de 1130 cas réalisée par son équipe n’avait trouvé aucune preuve d’infiltration de la foule de Trumpistes par des agents de la police fédérale américaine (FBI).

Sur les réseaux sociaux, cependant, d’autres théories conspirationnistes continuent de circuler. Une vidéo montrant un homme se faisant enlever des menottes avait alimenté de nouvelles rumeurs « d’agents doubles », jusqu’à ce que l’homme soit à son tour identifié et inculpé en octobre pour l’attaque présumée d’un policier.

« Réécrire l’histoire »

Interrogé à ce sujet par l’AFP, le FBI a renvoyé vers les récentes déclarations de son directeur, qui a « catégoriquement » démenti toute orchestration des violences du 6 janvier par l’agence. Une source des forces de l’ordre au Capitole a également déclaré à l’AFP qu’il était « faux » de maintenir que les autorités fédérales soient à l’origine de l’attaque.  

Laura Thornton, de l’alliance transatlantique « German Marshall Fund » aux États-Unis, a déclaré à l’AFP que la responsabilité des évènements du 6 janvier incombait à M. Trump.

Lors de ses meetings, l’ancien président « présente les insurgés du 6 janvier comme des “otages” » de la justice, a-t-elle commenté et il « promet de tous les gracier ».

Sur son réseau, Truth Social, Trump a félicité Johnson pour avoir relayé les vidéos, affirmant qu’elles « révèleraient ce qui s’est réellement passé » ce jour-là. Il a également partagé un message de M. Lee, s’interrogeant sur combien de membres de la foule étaient réellement des « agents fédéraux ».

Michael Jensen, chercheur à l’université du Maryland, a déclaré qu’il était « pratiquement certain » que de telles affirmations continuent de circuler en ligne, surtout après que l’ancien animateur de Fox News, M. Carlson, s’est emparé à son tour de ces théories.  

« Tout cela fait partie d’un effort plus large visant à réécrire l’histoire de cette journée, à minimiser la gravité des crimes commis et à soutenir la campagne électorale de l’ancien président », a-t-il conclu.