(Washington) « C’était captivant », lance Joe Biden mardi peu après une inculpation historique de Donald Trump. Mais c’est un film qu’évoque le président américain, sûrement pas le destin judiciaire de son grand rival, qu’il se garde bien de commenter.

Le démocrate de 80 ans sortait d’une projection d’« Oppenheimer », après avoir dîné avec son épouse Jill Biden dans un restaurant de poisson de la station balnéaire de Rehoboth (Delaware, est), où il passe des vacances.

Le film de Christopher Nolan est consacré à Robert Oppenheimer, le physicien américain qui a mis au point la bombe atomique.  

S’il fallait chercher l’équivalent d’une déflagration nucléaire dans la vie politique américaine, l’inculpation annoncée mardi de l’ancien président républicain ferait l’affaire.

Donald Trump, qui a toutes les chances d’affronter à nouveau Joe Biden en 2024, est accusé d’avoir tenté d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020.

C’est la troisième inculpation en quelques mois du milliardaire républicain. Les autres portent sur une affaire financière et sur le traitement de ses archives d’ancien président. Une quatrième pourrait suivre, à propos des opérations électorales en 2020 dans l’État de Géorgie.

« No comment »

Le démocrate, connu pour ses gaffes et ses commentaires impulsifs, se révèle jusqu’ici remarquablement discipliné en ce qui concerne les procédures contre Donald Trump.  

En mars dernier, après la première inculpation de Donald Trump, dans une affaire d’achat du silence d’une vedette du porno, le président américain était venu à la rencontre des journalistes pour déclarer, successivement : « Je n’ai pas de commentaire », « je ne vais pas parler de l’inculpation de Trump », « je n’ai aucun commentaire à faire », et « je n’ai pas de commentaire sur Trump ».

Le président américain n’a pas vraiment le choix, surtout quand la justice fédérale est à l’œuvre, ce qui est le cas dans l’affaire des archives et dans l’enquête sur l’élection de 2020.

Le moindre mot de sa part viendrait alimenter le discours des partisans de Donald Trump, qui l’accusent d’instrumentaliser l’appareil judiciaire.

L’actuel président compte donc sur cet effet cinématographique et télévisuel que l’on appelle le « split screen », l’écran divisé en deux.

Ennui et décontraction

D’un côté, Donald Trump, avec les procédures qui s’empilent et ces images déjà historiques de l’ancien président, renfrogné, sur le banc d’une salle d’audience new-yorkaise au printemps dernier.  

L’on ne sait pas pour l’heure si Donald Trump comparaîtra en personne le jeudi 3 août, pour une audience préliminaire à Washington dans l’affaire autour de l’élection de 2020.  

De l’autre côté de l’écran, donc, Joe Biden, qui sera encore à Rehoboth jeudi. Peut-être à la plage comme dimanche dernier ? Ou à vélo, son activité favorite de l’été ?

L’image même de la tranquillité d’esprit et de la décontraction.

Si Donald Trump, d’une manière ou d’une autre, est « captivant », le démocrate de 80 ans assume – il l’a déjà dit lui-même – d’être « ennuyeux. »

L’octogénaire, candidat pour un second mandat, parie que les Américains veulent du calme, de la prévisibilité, et surtout de la prospérité.

Joe Biden entend célébrer, le 16 août, le premier anniversaire d’une gigantesque loi d’investissements, l’« Inflation Reduction Act ».

Avant cela, il ira dans l’ouest vanter les « Bidenomics » – sa stratégie économique, selon lui responsable de la robuste croissance et du solide marché du travail.

Le président américain, dont la cote de popularité n’est vraiment pas flamboyante, tient-il là le scénario d’une superproduction électorale en 2024 ? Ce n’est pas sûr, mais Joe Biden veut croire que l’ennui, mortel au cinéma, est une vertu dans l’isoloir.