(New York) Le spectacle est devenu familier. Donald Trump quitte l’une de ses résidences pour se présenter devant la justice dans une grande ville américaine. Les chaînes d’information continue suivent en direct chaque étape de son itinéraire, du départ de son cortège de limousines jusqu’à son arrivée au tribunal, en passant par le décollage et l’atterrissage de son avion privé.
Mais la destination de l’ancien président jeudi après-midi revêtait une importance symbolique que n’avaient pas New York ni Miami, les deux premières villes où il a plaidé non coupable à des accusations criminelles après avoir été inculpé et mis en état d’arrestation.
Parti de son club de golf de Bedminster, au New Jersey, le prédécesseur et successeur potentiel de Joe Biden a remis les pieds à Washington pour la deuxième fois depuis son départ ignominieux de la Maison-Blanche, le 20 janvier 2021.
Et, dans un tribunal situé à un jet de pierre du Capitole des États-Unis, il a lui-même prononcé la réponse à l’accusation pour les seuls crimes qu’il a été accusé jusqu’à présent d’avoir commis en tant que président, fonction à laquelle il rêve d’être réélu en 2024.
« Non coupable », a répondu Donald Trump à la juge Moxila Upadhyaya, qui lui demandait comment il entendait plaider aux quatre chefs d’accusation retenus contre lui par un grand jury à l’issue d’une longue enquête sur ses efforts pour s’accrocher au pouvoir après sa défaite contre Joe Biden lors de l’élection présidentielle de 2020.
À Miami, dans l’affaire des documents classifiés, un des avocats de Donald Trump avait plaidé non coupable au nom de son client aux 37 chefs d’accusation retenus contre lui.
« Une journée très triste pour l’Amérique », dit Trump
À Washington, Donald Trump devra répondre aux quatre chefs d’accusation suivants : complot visant à frauder les États-Unis, complot visant à menacer les droits d’autrui, complot visant à entraver une procédure officielle devant le Congrès et entrave à une procédure officielle.
C’est donc dire que le 45e président devra faire face à au moins 78 chefs d’accusation au cours des prochains mois.
« C’est une journée très triste pour l’Amérique », a-t-il déclaré avant de remonter dans l’avion qui l’a ramené au New Jersey, où il n’a pas prononcé de discours en soirée comme il l’avait fait après ses mises en état d’arrestation à New York et à Miami.
Il s’agit de la persécution d’un adversaire politique. Cela n’aurait jamais dû se produire en Amérique.
Donald Trump, ancien président des États-Unis
Bataille pour la durée du procès
La juge Upadhyaya a fixé au 28 août prochain la date de la première audience préliminaire, soit cinq jours après le premier débat télévisé entre les candidats républicains à la présidence. D’ici là, les parties devront présenter leurs arguments en faveur de la date de leur choix pour le début du procès.
Les procureurs fédéraux ont déjà signalé leur préférence pour un procès rapide qui commencerait avant la fin de l’année et se terminerait avant l’élection présidentielle de 2024. Les avocats de Donald Trump s’opposeront à un tel calendrier et tenteront de multiplier les délais.
La décision reviendra à la juge Tanya Chutkan, qui pourrait se prononcer sur le début du procès dès l’audience du 28 août.
En attendant, les avocats et les alliés de Donald Trump ont déjà adopté une défense commune dans cette affaire. Défense qui consiste à affirmer que l’acte d’accusation visant l’ancien président est une attaque contre la liberté d’expression et la défense des intérêts politiques.
« Et il n’y a rien de plus protégé par le premier amendement que le discours politique », a précisé John Lauro, l’un des avocats de l’ancien président, sur CNN.
Notre défense va se concentrer sur le fait que nous avons maintenant une administration qui a criminalisé la liberté d’expression et la position d’une administration précédente pendant une élection présidentielle. C’est sans précédent.
John Lauro, l’un des avocats de Donald Trump, sur CNN
Cette défense ne semble pas tenir compte d’un paragraphe clé de l’acte d’accusation selon lequel « l’accusé avait le droit, comme tout Américain, de parler publiquement de l’élection et même d’affirmer, à tort, qu’il y avait eu une fraude déterminante pour le résultat de l’élection et qu’il avait gagné ».
« Il avait également le droit de contester officiellement les résultats de l’élection par des moyens légaux et appropriés », peut-on également lire dans le document.
William Barr, ex-procureur général des États-Unis durant le mandat de Donald Trump, a fait allusion à ce passage en critiquant la défense initiale offerte par l’entourage de son ancien patron.
« Comme l’indique l’acte d’accusation, [les procureurs fédéraux] ne s’attaquent pas à ses droits garantis par le premier amendement, a-t-il déclaré sur CNN mercredi soir. Il peut même mentir. Il peut dire aux gens que l’élection a été volée alors qu’il sait que ce n’est pas le cas. Mais cela ne vous autorise pas à participer à un complot. »
« Enfermez-le ! »
Deux jours après son inculpation, Donald Trump a comparu dans un tribunal qui avait déjà vu défiler des centaines de ses partisans accusés de divers crimes relativement à l’assaut du 6 janvier 2021 contre le Capitole. Ses partisans étaient beaucoup moins nombreux jeudi aux abords de l’édifice.
Des critiques de Donald Trump s’y trouvaient également. Certains d’entre eux ont scandé : « Enfermez-le ! »
Un dispositif de sécurité important avait été déployé pour assurer le maintien de la paix.
Dans la salle d’audience, les journalistes ont noté la présence du procureur spécial Jack Smith, chargé des enquêtes sur l’affaire des documents classifiés et sur le complot préélectoral allégué. Donald Trump a jeté quelques regards dans sa direction sans montrer d’émotion.
Cinq mètres seulement séparaient les deux hommes.
Les autres démêlés de Trump avec la justice
Avant même d’être inculpé pour ses tentatives d’inverser les résultats de la présidentielle de 2020, l’ancien président Donald Trump était sous l’œil de la justice américaine. Survol.
Archives de la Maison-Blanche
Donald Trump a été inculpé cet été par la justice fédérale dans le cadre d’une enquête portant sur sa gestion négligente de documents confidentiels. Il a comparu mi-juin devant un tribunal de Miami, où il a plaidé non coupable aux 37 premiers chefs d’accusation retenus contre lui. Inculpé fin juillet de chefs supplémentaires, il a de nouveau nié en bloc. Donald Trump est accusé dans ce dossier d’avoir mis la sécurité des États-Unis en péril en conservant des documents confidentiels dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride. Un procès est prévu en mai 2024.
L’affaire Stormy Daniels
Donald Trump a été inculpé par la justice de l’État de New York et accusé d’avoir « orchestré » des paiements en vue d’obtenir le silence de trois individus dont les révélations auraient pu lui être dommageables pour l’élection présidentielle de 2016. En cause notamment, 130 000 $ US versés à l’actrice pornographique Stormy Daniels pour qu’elle taise une relation extraconjugale supposée remontant à 2006. De tels paiements ne sont pas illégaux en soi, mais M. Trump les a inscrits comme « frais juridiques » dans les comptes de son entreprise. L’ancien président a plaidé non coupable – un procès est également attendu.
L’élection de 2020 en Géorgie
L’ancien président pourrait être inculpé en Géorgie pour son implication dans une tentative de fraude électorale dans cet État clé du sud-est du pays, remporté d’une courte tête par Joe Biden en 2020. Une procureure enquête depuis 2021 sur le milliardaire républicain et a chargé un grand jury – un panel de citoyens doté de pouvoirs d’enquête – de déterminer s’il existait assez d’éléments pour l’inculper. Elle est parvenue à recueillir des témoignages de ses proches et a laissé entendre qu’elle pourrait demander une inculpation d’ici la fin du mois d’août.
Condamnations à New York
Donald Trump a été condamné en mai par un tribunal civil de New York à verser 5 millions en dommages et intérêts à l’ancienne journaliste E. Jean Carroll. Il a été jugé responsable de l’agression sexuelle vécue par Mme Carroll en 1996. Dans une autre affaire, la Trump Organization avait été condamnée en janvier – à New York également – à une amende maximale de 1,6 million pour fraudes financières et fiscales, une première au pénal pour le groupe, qui attend un procès au civil à l’automne.
Bruno Marcotte, La Presse, et l’Agence France-Presse