Il est possible de trouver un vin sur le site de la Société des alcools (SAQ) selon sa région, selon sa couleur et, depuis quelques jours, selon la quantité de sucre qu’il contient. Or, ce nouveau critère de recherche ne fait pas que des heureux. En effet, cette nouvelle politique d’affichage ne s’applique qu’au vin, et pas aux spiritueux.

Les conseillers en succursale et les agents importateurs sont unanimes : le goût des produits n’est plus le seul critère de sélection des consommateurs. Ils cherchent dorénavant des produits qui contiennent le moins de sucre possible.

La SAQ l’a remarqué aussi. Dans la section commentaires de son application mobile, les consommateurs lui demandaient d’ajouter un filtre de recherche par taux de sucre. C’est maintenant possible.

Or, cette nouveauté inquiète l’industrie.

« On valorise les vins qui n’ont pas beaucoup de grammes de sucre par litre », note Catherine Lessard, directrice générale d’A3 Québec, qui représente 78 agences de vins, de bières et de spiritueux. « Il manque des éléments dans l’équation. »

Pour sa part, le président du Regroupement des agences spécialisées dans la promotion des importations privées des alcools et des vins (RASPIPAV), Pierre Birlichi, se réjouit de la transparence de la SAQ. Il croit cependant que la société d’État doit aller plus loin pour aider les consommateurs à comprendre ce qui se trouve dans le verre. « Pourquoi ne pas mettre un taux d’acidité et le point d’équilibre ? Parce que si le vin est équilibré, vous ne goûtez plus le sucre », dit-il.

Benoît Marsan, professeur au département de chimie de l’Université du Québec à Montréal et spécialiste de la science du vin, croit qu’il faut éduquer davantage les amateurs de vin.

On ne peut pas se baser seulement sur le sucre d’un vin. Le riesling par exemple a tellement d’acidité que le sucre permet de créer l’équilibre.

Benoît Marsan, professeur au département de chimie de l’UQAM

Celui-ci ajoute que, contrairement à la croyance populaire, le sucre résiduel du vin apporte peu de calories.

« C’est l’alcool qui apporte les calories, indique-t-il. Dans un verre de vin à 12 % d’alcool, la portion de 150 ml correspond à 100 calories. Si le vin contient 2 g de sucre par litre, ça ajoute seulement 1 calorie, donc 101. Il ne faut pas devenir fou avec ça ! »

En plus de permettre une recherche selon le taux de sucre, le site internet de la SAQ permet maintenant de sélectionner sa bouteille selon la quantité d’alcool. Les deux filtres seront offerts sur l’application mobile en novembre.

Équité demandée

Comme pour le vin, il est aussi possible de choisir un spiritueux selon la quantité d’alcool. Il n’est toutefois pas possible de savoir combien de sucre contient sa liqueur ou son gin préféré. Une façon de faire que Catherine Lessard trouve injuste. « On a demandé un traitement équitable pour tous les produits, ajoute-t-elle. Pas seulement pour le vin. »

La porte-parole de la SAQ, Linda Bouchard, précise que la société d’État n’a pas l’intention de publier le taux de sucre contenu dans les spiritueux. « Ce n’est pas une exigence dans l’analyse de nos produits, explique-t-elle. On ne prévoit pas l’afficher. »

En Ontario, la LCBO n’affiche pas non plus le taux de sucre des spiritueux qu’elle commercialise.

En attendant, le président du RASPIPAV, Pierre Birlichi, espère que la SAQ prendra les devants et ajoutera une nouvelle information sur son site : la quantité de sulfites ajoutés dans chaque vin. « Plein de producteurs se disent nature, mais ils ne le sont pas, ajoute-t-il. Ça serait clair ! »

Questionnée à ce sujet, Linda Bouchard avance que la société d’État n’envisage pas non plus d’ajouter cette donnée sur son site, puisque ce chiffre n’est pas stable. « Entre la quantité de sulfites analysée et ce que le vin contient, la valeur pourrait changer », croit-elle.