Peut-être voudrez-vous servir des vins québécois avec la tourtière et la dinde, cette année ? Les premiers vins portant le sceau officiel « IGP Vin du Québec » sont arrivés sur le marché au cours des derniers mois. Ils sont issus du millésime 2018. Mais plusieurs consommateurs et vignerons ont sourcillé lorsqu’ils ont vu la mention « Ecocert » sur des bouteilles de vin non biologique. Explications.

« C’est vrai que l’association est vite faite dans la tête des gens : Ecocert égale bio. Mais ça prend un organisme certificateur pour contrôler l’IGP [indication géographique protégée] et le Conseil des vins du Québec a choisi ce certificateur-là », explique Marjolaine Mondon, qui s’occupe de la reconnaissance et du maintien des appellations au Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV).

Il est en effet important de savoir qu’Ecocert Canada ne certifie pas que les produits biologiques, bien que ce soit l’activité principale de l’organisme et celle à laquelle la très grande majorité des consommateurs l’associent. Ecocert certifie désormais une bonne partie des appellations réservées et termes valorisants qui voient le jour au Québec, comme l’agneau de Charlevoix, le cidre de glace et le fromage de vache de race canadienne, entre autres.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Il est en important de savoir qu’Ecocert Canada ne certifie pas que les produits biologiques, bien que ce soit l’activité principale de l’organisme.

En novembre 2018, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a officiellement reconnu l’indication géographique protégée (IGP) « Vin du Québec ». La certification privée « Vin du Québec » existait déjà. Elle appartenait au Conseil des vins du Québec (CVQ, anciennement AVQ) et était contrôlée par Ecocert depuis le millésime 2009, mais la mention du certificateur n’est apparue sur la bouteille qu’à partir du moment où la marque est devenue une véritable IGP.

« C’est le CARTV qui exige que le nom de l’organisme certificateur Ecocert apparaisse maintenant sur la bouteille », nous a expliqué Jean Joly, président du Conseil des vins d’appellation du Québec (CVAQ) et propriétaire du Vignoble du marathonien.

Pour obtenir l’IGP, les vins du Québec doivent respecter un cahier des charges qui énonce les règles. Ils doivent être élaborés à 100 % avec des raisins cultivés dans la province. De plus, ils sont soumis à un comité d’agrément, qui fait un test de goût à l’aveugle afin d’éliminer les vins avec des défauts. Il y aurait environ 1,2 million de bouteilles de 160 vins (millésime 2018) dans l’IGP Vin du Québec, cette année.

Les vignobles bio boudent l’appellation

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Le Domaine Bergeville, qui fait des bulles à North Hatley, est certifié par Ecocert en biologique ET en biodynamie.

La grande majorité des vignobles biologiques certifiés du Québec (Les Pervenches, Négondos, Pigeon Hill, Météores) ne participent pas à l’IGP Vin du Québec. « Je paie déjà 1500 $ pour ma certification bio avec Pro-Cert et on ne produit que 5000 bouteilles par année, explique Manon Rousseau, du vignoble Pigeon Hill. Je ne vais pas m’ajouter une autre certification [NDLR : selon nos calculs, les frais de la certification de l’IGP s’élèvent à plus de 1500 $]. Entre l’IGP et le bio, c’est sûr que je choisis le bio. »

Le Domaine Bergeville, qui fait des bulles à North Hatley, est certifié par Ecocert en biologique ET en biodynamie. Eve Rainville et Marc Théberge, vignerons propriétaires du vignoble, ont tout de même décidé de faire partie de l’IGP Vin du Québec. Pourquoi ? Parce que le domaine vend environ 5000 bouteilles par année à la SAQ et qu’en étant certifié IGP Vin du Québec, il a droit à un retour de 2 $ par bouteille grâce au Programme d’appui au positionnement des alcools québécois (PAPAQ). C’est 10 000 $ par année, ce qui fait plus qu’absorber les frais d’adhésion à l’IGP.

Si, un jour. on arrêtait de vendre à la SAQ, on arrêterait peut-être aussi l’IGP.

Eve Rainville, vigneronne, copropriétaire du Domaine Bergeville

Cela dit, la vigneronne apprécie le fait que le Conseil des vins du Québec fasse beaucoup de promotion pour l’appellation et les vins qui en font partie. « Et il ne faut pas oublier que la raison d’être initiale de l’IGP était de limiter la fraude dans le vin québécois, de s’assurer que le raisin dans la bouteille soit bien celui que les domaines disaient y avoir mis ! »

« L’IGP assure une traçabilité du raisin, des vendanges à la bouteille. Un agronome évalue le potentiel de récolte juste avant les vendanges », confirme Jean Joly, du CVAQ.

Un processus à peaufiner

Cela dit, le processus serait encore imparfait sur plusieurs plans, entre autres en ce qui a trait au comité d’agrément. Celui-ci, composé d’un bassin d’environ 20 dégustateurs, décide quels vins obtiennent l’appellation et quels vins échouent. C’est, du reste, le même fonctionnement partout où les appellations existent, qu’on parle de la VQA en Ontario ou des AOC en France. Plusieurs vignerons décident de sortir du cadre pour éviter de se faire dire que leurs vins ne sont pas assez « typiques » de l’appellation.

Le pinot noir Les Entêtés, du Domaine du Nival, était considéré comme un des meilleurs vins québécois du millésime 2017 par un groupe de spécialistes, qui comprenait les sommelières Vanya Filipovic, Nadia Fournier, Jessica Harnois et Élyse Lambert, entre autres. Les Entêtés 2018 a été refusé, à l’aveugle, par le comité d’agrément, parce qu’il traversait une phase de « réduction », un défaut passager qui affecte parfois les vins plus naturels. Cela n’a pas inquiété le vigneron Mathieu Beauchemin outre mesure, puisqu’il avait déjà vendu toutes ses bouteilles. Il a néanmoins décidé de ne plus participer à l’IGP.

Le site du Conseil des vins du Québec parle d’« assurer le respect des normes viticoles et des meilleures pratiques au champ » dans la section de son site web qui parle de l’IGP. Une vigneronne qui connaît bien le processus d’inspection d’Ecocert (pour l’IGP) a expliqué que l’employé(e) s’intéressait surtout à la bonne gestion des produits chimiques puissants.

« Ecocert va vérifier le triple rinçage des contenants de pesticides et s’assurer que le délai d’entrée dans le vignoble après épandage soit indiqué et respecté, par exemple. »

Bref, il ne faut pas confondre IGP Vin du Québec et certification biologique. L’IGP certifie avant tout que le jus dans la bouteille est fait avec des raisins québécois cultivés dans la vaste zone géographique délimitée. Pour s’assurer d’acheter un vin biologique, il faut que la mention « bio » se trouve sur la bouteille ou très bien connaître son vigneron lorsque celui-ci clame faire du « bio non certifié ». « Ça demande une hypervigilance du consommateur », conclut Mario Plante, du vignoble biologique Négondos, certifié par Québec Vrai.