Sacré, le cacao ? Dans les rituels de cacao cérémoniel, la célèbre fève révèle son visage le plus pur. Regard sur un phénomène inspiré des traditions mayas qui grandit en Amérique du Nord.

Peut-être avez-vous noté, au sein de vos établissements de bien-être ou de yoga préférés, la floraison d’un rituel bien particulier : celui du cacao sacré. Mais avant de commettre une hérésie en vous jetant sur la première tablette de chocolat qui passe pour vous y initier, écoutez plutôt ces deux professeurs rompus à cette cérémonie de dégustation holistique et spirituelle.

  • Bien qu’elle ressemble à un chocolat chaud, la décoction se veut beaucoup plus noble.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Bien qu’elle ressemble à un chocolat chaud, la décoction se veut beaucoup plus noble.

  • Avant de procéder à la dégustation, du bois de santal, de l’encens ou des herbes peuvent être brûlés.

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    Avant de procéder à la dégustation, du bois de santal, de l’encens ou des herbes peuvent être brûlés.

  • Harold Bonneville cherchait une autre boisson que le café. Après avoir essayé le matcha et le maté, il a découvert le potentiel du cacao sacré.

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    Harold Bonneville cherchait une autre boisson que le café. Après avoir essayé le matcha et le maté, il a découvert le potentiel du cacao sacré.

  • La pâte de cacao se présente sous forme de bloc.

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    La pâte de cacao se présente sous forme de bloc.

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Assis en tailleur devant une table basse où trônent trois tasses, Harold Bonneville brûle un bâtonnet de bois de santal, et des volutes de fumée s’élèvent dans la lumière matinale. Puis il verse avec application le contenu d’une casserole dans les récipients, soulevant un second nuage de vapeur. La couleur du liquide semble fort familière, faisant mousser des souvenirs d’enfance. Mais que l’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas d’un simple chocolat chaud, mais de cacao cérémoniel, issu de fèves récoltées, apprêtées et consommées dans un cadre inspiré par les traditions mayas.

De tels ateliers sont de plus en plus offerts en Amérique du Nord, notamment par des centres et des professeurs de yoga, comme c’est le cas de M. Bonneville. « Ce n’est pas simplement une dégustation, c’est plus holistique et spirituel », souligne ce dernier, nous invitant à tremper les lèvres et l’esprit dans l’onctueuse boisson.

Rituel et reconnaissance

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Ce n’est pas une simple dégustation, mais un temps de méditation et d’introspection, qui peut aussi être un moment d’ouverture et de partage.

Habituellement, ses séances se déroulent en phases : célébration autour du cacao, chants, transmission d’éléments historiques sur la fève, méditation, puis cours de yoga, le tout parfois sublimé par la présence d’une sonothérapeute. « Tout cela va venir amplifier cette expérience de connexion au cœur, le cacao agissant comme un vasodilatateur naturel, explique le yogi. Le cacao déploie ses effets lentement, sur plusieurs heures, on le consomme donc avant la séance pour lui laisser le temps d’agir. J’aime bien l’associer au yin yoga, où l’on tient les postures un certain temps, pour faire en sorte qu’on le sente circuler. »

Prenant certes racine dans les traditions d’Amérique centrale, les rituels sont adaptés selon chacun. Florence Say, conférencière et professeure de yoga, de tai-chi et de qi gong, en organise depuis cinq ans, mettant l’accent sur la reconnaissance. « Les participants se disposent en cercle, on fait brûler des feuilles de sauge, puis on entre dans un état méditatif et introspectif où l’on remercie la nature, la vie, la terre, on dépose une intention positive, on chante des mantras. Ce n’est donc pas purement maya, même si on reste dans cette tradition », indique-t-elle.

La théorie du cacao

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Les blocs peuvent être râpés ou effrités au couteau.

Après avoir décortiqué une séance, penchons-nous sur la tasse. Un cacao « de grade cérémoniel », c’est quoi ? « Ce n’est pas un cacao ordinaire comme on en achète en grande surface ou en épicerie, précise d’emblée Florence Say, c’est une pâte de cacao pur, produite manuellement en Amérique centrale ou du Sud. »

Harold Bonneville complète : « Tout est fait traditionnellement : la plantation, la récolte, la fermentation, le séchage au soleil, le rôtissage, la sélection faite à la main par des femmes des communautés mayas, le nettoyage des fèves, et enfin la transformation en pâte. »

  • Pour les ateliers, chaque participant est invité à apporter sa tasse favorite.

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    Pour les ateliers, chaque participant est invité à apporter sa tasse favorite.

  • La pâte de cacao utilisée est fabriquée selon des critères spécifiques.

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    La pâte de cacao utilisée est fabriquée selon des critères spécifiques.

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On obtient ainsi un produit final très brut et exempt d’additifs. Il peut se présenter sous forme de bloc, de bâtonnets ou de pépites morcelées, mais quiconque essaiera de le croquer s’y cassera les dents, tant il est dense ! Mme Say recourt à une râpe pour l’effriter et concocter sa boisson, tandis que M. Bonneville emploie un couteau.

Pour préparer sa boisson, Florence Say se montre plutôt puriste, n’utilisant que des ingrédients jadis accessibles aux Mayas et de l’eau de source. Au cacao râpé, elle ajoute des épices, comme du poivre ou de la sauge. « Dans la tradition, on y met aussi du clou de girofle, du piment ou du poivre de Cayenne, qui vont désinfecter. Pour ma part, je n’en mets pas, sinon c’est trop fort ! », indique-t-elle.

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Pour le yogi, le café stimule à court terme, pour un effet sur la productivité, tandis que les effets du cacao se déploient longuement sur des heures, soutenant la créativité.

Harold Bonneville, lui, aime bien concocter un cacao sacré à la croisée des chemins, faisant appel, par exemple, à l’ayurveda. Il a également le souci de ses hôtes découvrant ce produit assez particulier en le rendant plus accessible.

« Ça se rapproche du café dans les notes d’amertume et ça peut être assez amer, surtout avec de l’eau. C’est pourquoi je fais fondre le cacao dans du lait d’avoine bio, qui le rend plus texturé, puis je rajoute du Cayenne, de la cardamome, du gingembre et un sucrant tel que du sirop d’érable ou du miel », détaille-t-il. Le prof de yoga adapte aussi les dosages, qui montent théoriquement à 42 g de pâte de cacao par personne. « Ça fait beaucoup pour quelqu’un qui n’a pas l’habitude, alors j’utilise plutôt 25 g. »

  • La concoction est mijotée une bonne heure avant d’être servie.

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    La concoction est mijotée une bonne heure avant d’être servie.

  • Certains maîtres de cérémonie invitent les participants à déposer une intention positive lors du rituel.

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    Certains maîtres de cérémonie invitent les participants à déposer une intention positive lors du rituel.

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Le résultat final, que nous avons goûté, est surprenant, légèrement épicé, avec une amertume contenue et un bon équilibre des épices. L’onctuosité du liquide incite aussi à un recueillement méditatif. « Cela vient activer des hormones du bonheur, une légère euphorie, une ouverture du cœur. Des émotions et des énergies vont se libérer, j’ai déjà vu des participants verser des larmes », avertit le yogi, qui pointe la bonne teneur en magnésium, en zinc, en cuivre et en antioxydants du cacao. « C’est très riche et très nourrissant », souligne quant à elle Florence Say, sans préciser si elle parlait du corps ou de l’âme. Mais on s’en doute : probablement des deux.

Consultez le site de Harold Yoga Consultez le site d’Eve Marquis Yoga

Où trouver du cacao cérémoniel ?

Autant le cacao et le chocolat ordinaires courent les rues, autant la pâte de cacao cérémoniel est plus ardue à dénicher. D’emblée, notre duo de yogis souligne qu’il ne s’agit pas d’une appellation officielle et que des critères géographiques et de production s’appliquent. « Il faut bien vérifier la provenance », insiste Harold Bonneville. Ils utilisent notamment de la pâte de cacao provenant du Guatemala fabriquée dans les règles de l’art (de type Alma del Fuego, pour Mme Say). Le prix fournit aussi un indice, soit de 60 $ à 70 $ pour un bloc de 450 g environ. Un bon plan d’approvisionnement : Holistika, boutique en ligne fondée par deux Québécoises faisant le pont entre le Guatemala et le Québec.

Consultez la boutique Etsy de Holistika

Cacao sacré de Harold Bonneville

  • 3/4 de tasse de lait d’avoine
  • 20 à 25 g de pâte de cacao

Laisser chauffer les ingrédients à feux doux environ 1 heure. Les plus pressés peuvent faire bouillir de l’eau, laisser légèrement refroidir puis tout passer au mélangeur. « Ça sera plus liquide, mais plus mousseux », note M. Bonneville.