La saison des sucres s’accompagne d’un élan de renouveau et parfois d’une pointe de nostalgie, comme La Presse a pu le constater à la lecture de vos témoignages. En voici quelques-uns.

Un élixir à offrir

J’ai pris ma retraite en 2008. J’ai alors troqué Montréal pour l’air frais de la campagne et 100 acres de terre en grande partie boisée d’érables. J’ai fait couper de belles pruches, construit une petite ""cabane » avec un ami, installé un poêle Aston 24 X 60, un sirotier, des tuques filtrantes, bref, la totale ! Je fais de 150 à 200 bouteilles de sirop d’érable bon an, mal an, car il est hors de question de mettre un tel nectar dans des boîtes de conserve. Je n’en vends pas, je le donne à la famille, aux amis, à la Popote Roulante locale et à tous ceux que je rencontre et qui pourront l’apprécier. Cette année marque ma dixième saison d’activité. À 78 ans, je me demande pendant encore combien d’années j’aurai cet incontestable privilège d’être un bouilleur de grand cru !

Jean-Pierre Bordua, Ulverton

Une passion transmise aux générations suivantes

PHOTO FOURNIE PAR PASCALE CLOUTIER

Monsieur Cloutier en compagnie de ses deux petits-fils qui prennent aujourd’hui la relève.

Il y a presque 30 ans, mes parents rêvaient de construire une petite sucrerie sur leur terre des Laurentides. En bons citadins, ils n’avaient ni connaissances en la matière ni ressources : un rêve un peu fou au bout duquel ils sont toutefois allés, une fois retraités. Pendant deux décennies, ils ont travaillé fort pour entailler 800 érables et produire "leur" sirop. Sans le savoir, ils ont transmis leur passion de l’érable et de la forêt à deux de leurs petits-enfants qui reprennent les rênes de leur petite exploitation. Mes parents sont maintenant âgés de 79 ans et de 77 ans et la fierté se lit dans leurs yeux. On dit souvent qu’en voyant lire leurs parents, les enfants lisent à leur tour… Je crois que c’est la même chose pour la forêt et le sirop d’érable. C’est contagieux !

Pascale Cloutier, Nominingue

Une érablière comme terrain de jeu

PHOTO FOURNIE PAR FRANÇOIS BEAUDRY

La cabane de François Beaudry, à Saint-Élie-de-Caxton

J’ai ce souvenir de la "terre à bois" de mon père, fils de cultivateur. Enfants, nous quittions la ville en famille pour aller explorer notre jungle abritant un ruisseau, les pistes d’ours imaginaires, une végétation riche et des oiseaux inconnus. Tout était peur et mystère. Je me rappelle aussi ce vestige de cabane à sucre envahie par la mousse et la végétation, avec des tuyaux rouillés, des artéfacts de chaudières et des tôles déformées par le temps. Il n’est pas surprenant qu’à 27 ans, ma conjointe et moi ayons investi dans une terre à bois, quitte à nous promener en "bazou" pendant quelques années. C’était en 1980. S’en est suivi la construction d’un camp en bois rond, plus tard remplacé par un chalet, puis ce fut la cabane à sucre. Cette dernière a généré une fièvre printanière qui revient chaque année comme pour casser l’hiver. Tout se passe vite en saison. Avec plus de 400 entailles, il nous faut des bras, et ils arrivent toujours à point nommé avec les parents et les amis. Nous ne faisons aucune vente, aucun chiffre d’affaires : juste des litres de sirop qui sont offerts en "pots-de-vin" en prévision des années suivantes !

François Beaudry, Saint-Élie-de-Caxton

Des sourires qui valent de l’or

PHOTO FOURNIE PAR YVES CARIGNAN

La cabane de Manon Roy et Yves Carignan

Mon épouse et moi avons une petite érablière de 340 entailles. Tout a commencé en 2014, alors que j’écoutais l’émission Un chef à la cabane. Comme je travaillais de la maison depuis deux ans, il me démangeait de faire un travail manuel. Nous ne connaissions rien à l’acériculture, mais nous avions le désir de produire ce sirop qui fait partie de notre culture. Nous avons donc acheté un chalet et fait la location d’une terre dans la région de Lanaudière. Nous avons vite réalisé que faire du sirop, ce n’est pas seulement faire bouillir l’eau d’érable ! C’est énormément de travail et ce n’est surtout pas pour en tirer un profit que nous le faisons. Mais lorsque nous voyons des sourires dans notre petite érablière, on se dit que ces moments et ces souvenirs valent bien le profit qu’on pourrait faire !

Manon Roy et Yves Carignan, Saint-Donat

À la manière d’avant

PHOTO FOURNIE PAR JOËL MARTINEAU 

La cabane de Joël Martineau à Saint-Augustin de Mirabel

Nous possédons une érablière de type artisanal sans électricité ni eau courante. Fidèle à la "méthode d’antan", l’eau d’érable y est récoltée à la chaudière, chauffée au bois, filtrée avec un bonnet de feutre, coton et papier, puis mise en boîte à la main : c’est 900 chaudières à ramasser, heureusement avec l’aide de la famille et d’amis. Tout le monde arrive avec sa bonne humeur pour partager notre enthousiasme de faire un sirop d’érable comme il y a plus de 60 ans et raconter les anecdotes des années passées. On assiste malheureusement ensemble aux changements climatiques, tout en espérant continuer encore plusieurs années à alimenter notre passion pour la fabrication d’un bon sirop d’érable !

Joël Martineau, Saint-Augustin

Un projet collectif

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE COUTURIER-DUBÉ

La cabane de la famille Couturier-Dubé

Nous avons acheté une petite érablière avec nos quatre enfants en 2015 et depuis ce temps, nous produisons environ 40 gallons de sirop d’érable par année. Les journées à la cabane commencent tôt et finissent tard. Elles sont souvent remplies d’amis, réunis autour d’un réduit (succulent petit mélange d’eau d’érable bouillie et de gin). Les après-midis de tire sur la neige font le plaisir des petits et des grands. De voir nos petits-enfants lécher la « palette » nous rend heureux. Notre sirop est le meilleur, selon nous… Ce doit être le résultat de tous nos efforts et de ces bons moments partagés !

La famille Couturier-Dubé, Saint-Pacôme

Note : Les propos ont été remaniés pour des raisons de concision.