Oubliez le cliché du café italien à la déco défraîchie et au mobilier usé. À Montréal, une nouvelle génération d’établissements allie le meilleur de la tradition italienne et de la « troisième vague ». Sa promesse ? Un espresso parfaitement préparé dans un environnement invitant, « sans machos ».

« Des amis me disaient : “Il n’y a pas de cafés au centre-ville. Ça prend un café là.” Je leur nommais des cafés third wave, mais ils répondaient : “C’est pas buvable ! Ça goûte la tomate verte !” », raconte Andreas Vecchio avec humour.

Pendant la pandémie, l’ex-maître d’hôtel a ouvert le Caffettiera Caffé Bar, rue Stanley. L’un des rares cafés de tradition italienne au centre-ville de Montréal.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le Caffettiera Caffé Bar a ouvert pendant la pandémie.

Vous l’avez peut-être remarqué en testant l’un ou l’autre des petits cafés indépendants de votre quartier : la mode est aux arômes fruités, floraux ou épicés, avec des notes de cerise, d’hibiscus ou de noix de muscade.

Depuis une vingtaine d’années, les cafés « troisième vague » ont pris d’assaut les grandes villes nord-américaines, dont Montréal. Le mouvement, qui met en valeur l’origine et la qualité du grain, se caractérise par une torréfaction plus légère qui permet de libérer une gamme complexe de saveurs, comparable au vin. Mais voilà, certains palais ne s’habituent pas à son goût typiquement plus acidulé et préfèrent leur remontant bien corsé.

À Montréal, une nouvelle génération d’établissements a saisi l’occasion. « Je veux amener le café italien au XXIe siècle pour ramener les clients du third wave », affirme Andreas Vecchio.

« Ici, il n’y a pas de machos »

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Andreas Vecchio a ouvert le Caffettiera Caffé Bar pendant la pandémie.

Avec son look rétro soigné et son équipement à la fine pointe de la technologie, le Caffettiera Caffé Bar n’a rien du cliché du café italien. « Pas de tolérance pour le racisme, le sexisme et le cassage de couilles », indique une affiche à l’entrée du commerce.

À Montréal, les références italiennes affichent souvent un air défraîchi, déplore Andreas Vecchio.

Ici, il n’y a pas de machos, pas de gars qui fument en face. C’est rose, c’est coloré.

Andreas Vecchio

Selon lui, les cafés italiens peuvent – et doivent – prendre exemple sur ce que font de mieux les établissements de « troisième vague », à commencer par une connaissance approfondie de leurs produits. « Si un client pose des questions, l’Italien souvent ne sait pas ce qu’il sert. C’est plate », lâche-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le Caffetteria Caffé Bar : ici, on sert du café à l’italienne.

Seule chose sur laquelle Andreas Vecchio ne fait pas de compromis : le café. C’est indiqué en gras sur son menu : son établissement ne sert pas de « cafés de style américain ». Vous pouvez néanmoins y savourer un espresso parfaitement préparé, surmonté d’une savoureuse couche de crema.

Torréfié à Rome, son mélange maison de grains arabica et robusta produit un concentré onctueux et mi-corsé qui ne déçoit jamais. Les cafés de « troisième vague » ont plutôt tendance à varier leur mélange selon la disponibilité du moment.

Le café italien, c’est la philosophie du shampoing. Tous les jours, je voudrais que mes cheveux soient parfaits. Donc, mon shampoing, je ne le change pas.

Andreas Vecchio

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le Café Americano emprunte lui aussi les codes visuels des cafés de spécialité.

Une stratégie de marketing « intelligente »

« Créer un café qui a l’air d’un café de troisième vague, mais où l’on sert du café italien, pour moi, c’est une stratégie très intelligente », observe Pierre-Yann Dolbec, professeur associé de marketing à Concordia et spécialiste du marché du café.

Situé avenue du Mont-Royal, le Café Americano emprunte lui aussi les codes visuels des cafés de spécialité : une déco moderne, des couleurs pastel et bientôt une machine pour imprimer des images sur son latté au lait d’avoine… 

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Angelo Montuoro, propriétaire du Café Americano

Malgré ce que suggère la première impression, il s’agit bien d’un café de tradition italienne, comme il est indiqué sur la vitrine du commerce. « Il y a une certaine idée d’un café italien avec beaucoup de bois, qui sent un peu vieux. Je voulais un café moderne », explique Anthony Montuoro.

Son père, Angelo Montuoro, a ouvert le commerce il y a moins d’un an, quelque temps après avoir cofondé avec des amis d’enfance Lido, un café italien dans Verdun. Le Café Americano était plutôt à l’image d’un café italien traditionnel avant de faire peau neuve au printemps dernier.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le Café Americano emprunte lui aussi les codes visuels des cafés de spécialité.

Depuis, les ventes ont explosé. « Quand on a commencé, on vendait 20 à 30 cafés par jour. On est rendu à 200 par jour, se réjouit Angelo Montuoro. Oui, la clientèle change, et les cafés italiens doivent s’adapter. »

Café glacé, chaï, matcha : sa carte de boissons compte plus que les classiques espresso et cappuccino. Selon lui, le plus important demeure la qualité de l’espresso, corsé sans être amer, qu’il extrait d’un mélange maison torréfié en Italie et au Québec. « On entend toujours les clients dire qu’ils sont contents qu’on ait ouvert, qu’ils attendaient d’avoir un café italien », raconte Anthony Montuoro.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Le Café Americano emprunte lui aussi les codes visuels des cafés de spécialité.

Une offre mieux balancée

Il n’y a pas que dans les cafés de tradition italienne que les amateurs de café corsé sont mieux servis. Ces dernières années, les établissements de « troisième vague » se sont rendu compte qu’ils boudaient un nombre important de consommateurs. « Il y a beaucoup de cafés qui maintenant rebalancent leur offre. Ils se doivent d’offrir une torréfaction qui soit plus développée, tout en offrant les mêmes services, les mêmes valeurs et la même éthique », note Tomas Sanchez, fondateur de la start-up Th3rdwave.

Lui-même l’a constaté de première main. Son entreprise livre des boîtes découvertes qui permettent d’explorer différents grains. « Quand on a commencé, on avait juste un profil light roast. Maintenant, on achète du light, medium et dark roast avec différents profils de saveurs. » Et ça marche ? « Ça élargit notre clientèle. »

Consultez le site du Caffettiera Caffé Bar Consultez le site du Café Americano