Ça pourrait être anodin, l’ouverture d’un nouveau comptoir libanais dans un centre commercial. Mais pas quand ça se passe au Time Out Market et que c’est la naissance d’une superbe enseigne de mezzes raffinés. Après les explosions de Beyrouth, en 2020, Nadim Hammoud est rentré à Montréal avec sa famille et a cofondé Mezzmiz, en pleine crise sanitaire.

On a rarement goûté à un houmous aussi crémeux que celui du Mezzmiz. C’est comme déposer de la soie sur son palais. Nadim nous explique que son chef utilise la plus haute qualité de pois chiches et qu’il les fait cuire à feu doux pendant pas moins de deux jours. Les peaux se séparent d’elles-mêmes, puis les légumineuses sont ensuite transformées en purée ultralisse par un appareil particulièrement performant.

« C’est sûr que je peux faire un houmous en cinq minutes avec une boîte de pois chiches achetée, mais je n’obtiendrai jamais cette texture et ce goût », assure le restaurateur, bien satisfait de notre appréciation de « sa » trempette.

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Le houmous du Mezzmiz est un des plus crémeux en ville.

Au menu du Mezzmiz, qui est à la fois un emplacement au Time Out Market et un service de livraison à partir d’une « cuisine fantôme » de Saint-Laurent, il y a aussi une muhammara à l’acidité parfaite, un poulet au citron confit et aux olives bien tendre, un shawarma de filet mignon parfumé et plusieurs autres spécialités. Les végétariens et les végétaliens ont leurs « plateaux » sur mesure composés d’un assortiment de bouchées sans viande, d’une part, et sans aucun produit animal, de l’autre.

Retour à Montréal

Si l’exécution des recettes traditionnelles libanaises est aussi élevée et « fidèle », c’est que l’équipe du Mezzmiz débarque directement de Beyrouth. Nadim Hammoud est arrivé le premier, avec sa femme et leurs deux enfants. Le spécialiste de l’immobilier commercial devenu restaurateur a quitté le Liban en vitesse après les explosions de l’été 2020, qui ont fait plus de 200 morts, des milliers de blessés et beaucoup de désolation. Ses restaurants ont été complètement détruits par les déflagrations provenant du port.

Mais même avant ce drame, Nadim se sentait de plus en plus insatisfait, voire inquiet de sa vie au Liban. Né à Montréal, il y est déménagé avec sa famille à l’adolescence. C’était en 1994. « Tout ce qui est venu avant 2005 était magnifique. J’ai découvert le Liban, le soleil à longueur d’année. On était entourés de beaucoup de famille là-bas. »

Puis, après l’assassinat de l’homme d’État Rafiq Hariri, le malaise s’est réinstallé dans ce pays qui avait connu peu de temps avant (1975-1990) une guerre civile terrible causant l’exode de presque 1 million de personnes.

Le pays a recommencé à sombrer dans des problèmes qui grandissaient à mesure. Dans les deux dernières années, l’économie s’est écroulée, la COVID-19 est arrivée — mais ce n’était pas notre priorité ! —, puis il y a eu les explosions du port. C’est là que j’ai décidé de prendre mes enfants et mon épouse et de déménager.

Nadim Hammoud, cofondateur de Mezzmiz

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Le cofondateur du Mezzmiz, Nadim Hammoud, est né à Montréal et a vécu au Liban pendant 25 ans, puis est revenu à Montréal avec sa famille à l’été 2020.

« Je considère toujours Montréal comme ma ville. Je voulais que mes enfants sortent de cette situation et aient une enfance plus proche de la mienne », ajoute-t-il.

Son associé, Rony Zibara, est propriétaire de la magnifique Villa Chamoun, dans le nord du Liban. C’est un créateur de marques qui se promène entre New York, Londres, Paris et Los Angeles, entre autres.

« Plutôt que d’essayer de gérer les restaurants à distance, on a vendu. Puis on a commencé à faire venir des gens qui travaillaient avec nous là-bas, explique M. Hammoud. On a décidé de mettre notre énergie dans une ville qui, on l’espère, a un avenir. Ici, notre plus gros problème, c’est la COVID-19. Le reste, c’est très confortable. » Au total, neuf collègues de l’ancien groupe de restauration sont maintenant à Montréal.

Au Liban, dès 2010, l’équipe avait bâti une société de restauration multiconcepts offrant des spécialités nord-américaines — voire carrément montréalaises — peu connues de la population locale, comme le smoked meat, la poutine et le mac n cheese. Elle a même embauché une équipe de Montréal pour apprendre à l’équipe de Beyrouth comment traiter le smoked meat, faire des sandwiches deli parfaits, etc. Il y a aussi eu un concept de hamburger gourmet. « Les burgers que je mangeais au Liban n’étaient pas bons ! », n’hésite pas à déclarer celui qui a voyagé partout dans le monde. Puis le groupe « .co » (deli.co, BRGR.co, etc.) a fait un détour culinaire en Italie et a ramené un pizzaiolo et sa famille de Naples. Ainsi naissait Pzza.co !

Cuisine raffinée et rassembleuse

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Mezzmiz vient de s’installer au Time Out Market, dans le Centre Eaton.

À Montréal, où il y a abondance de delis, burgers et pizzas, Nadim Hammoud et ses partenaires ont décidé d’offrir une cuisine de soleil, fraîche et saine. « Ici, la cuisine libanaise s’est développée en fast-food, plutôt qu’en cuisine raffinée. Mais c’est typiquement une diète qui est bonne pour la santé, avec de l’huile d’olive, des pois chiches, des aubergines, des légumes frais, du citron, du yogourt, des choses complètement naturelles. »

Montréal est une ville qui adore manger et les gens veulent explorer des saveurs différentes. Nous leur offrons un autre visage de la cuisine libanaise, comme le Damas le fait pour la cuisine syrienne.

Nadim Hammoud, cofondateur de Mezzmiz

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C’est ainsi que l’on « mezzmiz » au Liban, avec un assortiment de petits plats.

Après avoir amené l’Amérique à Beyrouth, il amène donc Beyrouth en Amérique. « Au Liban, quand on s’assoit à table, on mezzmiz. On met 10-15 variétés de plats devant soi et on grignote. Il y aura toujours plein de choix. Vous ne verrez pas la couleur de la table ! »

Avant la COVID-19, l’équipe avait déjà l’intention d’ouvrir un grand restaurant au centre-ville, où il allait tenter de reproduire l’ambiance très animée de Beyrouth. Juste avant la signature du bail, la pandémie a commencé et le modèle du Mezzmiz s’est transformé en service de livraison.

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Ce poulet au citron confit et aux olives est d’une tendreté exceptionnelle.

« On s’est lancés en septembre 2021. Avec notre page Instagram et le bouche-à-oreille, on a rapidement eu une clientèle très sophistiquée, régulière, qui commandait pour des petits soupers de famille, d’amoureux, des anniversaires. “Vous avez fait chez ma sœur, chez ma cousine. C’est l’anniversaire de mon père, on veut vous essayer.” Et ici, quand les gens apprécient quelque chose, ils nous appellent et ils sont tellement reconnaissants. Ça fait du bien, surtout en ce moment », dit Nadim Hammoud.

Consultez le site du Mezzmiz