(Satigny) Les steaks végétariens se multiplient dans les supermarchés pour la saison des grillades avec l’engouement pour les alternatives à la viande. Mais comment réplique-t-on le goût du bœuf dans des produits à base de protéines de pois, soja, haricots noirs, patate douce ou betterave ?

En partie grâce à l’intelligence artificielle, répond le groupe suisse Firmenich, un des grands fabricants mondiaux d’arômes, qui conseille et fournit la foule de compagnies en démarrage et géants de l’alimentation partis à l’assaut de ce marché en pleine expansion.

Retrouver le goût du bœuf dans un burger végétarien suppose un important travail sur les saveurs, textures, couleurs, mais aussi sur la tenue à la cuisson ou sensation en bouche pour que ces produits ressemblent à s’y méprendre à de la viande.

« Ce qui est très complexe, c’est de retrouver une protéine qui ressemble à de la viande à partir d’une protéine végétale », explique Emmanuel Butstraen, président de la division Arômes, lors d’un entretien avec l’AFP au siège social de l’entreprise, à Satigny, près de Genève.

Une des grandes difficultés est d’éviter les arrière-goûts désagréables. Les protéines de pois ont tendance à dégager « beaucoup d’amertume » auxquels les papilles sont « très sensibles », prend-il en exemple.

PHOTO FABRICE COFFRINI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Pour les masquer ou les compenser avec d’autres saveurs, les aromaticiens s’appuient une immense bibliothèque d’ingrédients à partir duquel vont être composées les saveurs. Compte tenu des centaines et centaines de combinaisons possibles, Firmenich fait appel à l’intelligence artificielle.

Les protéines végétales peuvent laisser des notes vertes (qui rappellent les pommes ou poires vertes), des arrière-goûts de haricots, de l’astringence ou encore une sensation de sécheresse, détaille Jérome Barra, le directeur de l’innovation, spécialisé dans les technologies du goût.

Pour les masquer ou les compenser avec d’autres saveurs, les aromaticiens s’appuient une immense bibliothèque d’ingrédients qui est comme « un piano à 5000 touches », décrit-il, à partir duquel vont être composées les saveurs. Compte tenu des centaines et centaines de combinaisons possibles, Firmenich fait appel à l’intelligence artificielle.

Le goût du barbecue

« L’intelligence artificielle peut générer des millions de pistes », s’enthousiasme M. Barra, les algorithmes permettant de passer en revue une vaste palette de saveurs, mais aussi d’intégrer les préférences des consommateurs, des contraintes techniques ou réglementaires et ainsi filtrer les combinaisons d’ingrédients à partir desquelles les aromaticiens vont pouvoir créer des saveurs qu’ils vont ensuite pouvoir tester en cuisine avec un chef.

L’intelligence artificielle leur a notamment permis d’élaborer un arôme qui réplique la saveur spécifique de la viande cuite au barbecue, les algorithmes aidant à retrouver les notes grillées qui existent dans le monde végétal.

PHOTO FABRICE COFFRINI, AFP

« L’intelligence artificielle peut générer des millions de pistes », s’enthousiasme Jérome Barra, le directeur de l’innovation, spécialisé dans les technologies du goût. Les algorithmes permettant de passer en revue une vaste palette de saveurs, mais aussi d’intégrer les préférences des consommateurs, des contraintes techniques ou réglementaires et ainsi filtrer les combinaisons d’ingrédients à partir desquelles les aromaticiens vont pouvoir créer des saveurs qu’ils vont ensuite pouvoir tester en cuisine avec un chef.

« L’alimentation à base de plante est un basculement très important dans la consommation », constate Gilbert Ghostine, le directeur général de Firmenich, pour qui les alternatives à la viande, mais aussi aux produits laitiers font partie des tendances à plus fort potentiel de croissance dans la nutrition.

« Je vois cette tendance se renforcer encore et encore à l’avenir », affirme le patron de l’entreprise suisse.

Selon une étude de la banque Credit Suisse, le marché des alternatives à la viande et aux produits laitiers pèse déjà environ 14 milliards de dollars au niveau mondial et atteindre 143 milliards de dollars d’ici 2030 et 1400 milliards d’ici 2050.

Avec l’essor des régimes flexitariens et des préoccupations autour de l’empreinte carbone de la viande, ce marché des alternatives végétariennes est en plein essor sous l’influence de compagnies en démarrage américaines telles que Beyond Meat ou Impossible Foods, mais aussi des géants de l’alimentation, tels que Nestlé ou Unilever, qui se sont eux aussi lancés dans la course.

« Les steaks, escalopes et autres burgers végétaux sont des aliments très transformés dont l’intérêt dépend des ingrédients qui les composent et qui varie d’un produit à l’autre », juge toutefois Muriel Jaquet, diététicienne pour la société suisse de nutrition, contactée par l’AFP.

Cet organisme, qui travaille notamment avec le ministère suisse de la Santé, recommande de manger une portion par jour de viande, poisson, œufs ou alternatives comme le tofu ou seitan, et conseille pour ces steaks végétariens de vérifier leur teneur en sel, sucres et graisses en optant pour « ceux dont le taux de protéines est intéressant ».

Après un bond de 11,4 % en 2019, les ventes de substituts de viande ont décéléré en 2020, avec une croissance de 1,3 % en 2020, mais devraient connaître un rebond de 5,1 % en 2021 et de 6,3 % en 2022, selon le cabinet d’études Euromonitor International. Par comparaison, les produits carnés, plus affectés par la crise sanitaire, n’ont connu qu’une progression de 0,3 % en 2020, avec une reprise plus modeste de 2,9 % attendue en 2021 et de 4,6 % en 2022.