Le festival YUL EAT, qui se tiendra du 9 au 15 septembre, propose un repas intitulé « Le goût du futur ». Une idée qui a attiré notre attention. Que mangerons-nous dans 50 ans ? se sont demandé chefs, mixologue, maraîchère, diététiste et journaliste. Le fruit de leur réflexion sera servi au Labo culinaire de la SAT, le mercredi 11 septembre.

C’est un numéro du magazine Caribou (à l’automne 2018) tout entier tourné vers l’avenir qui a inspiré les programmatrices de YUL EAT. Le « nutritionniste urbain » Bernard Lavallée en était le rédacteur en chef invité. Avec Geneviève Vézina-Montplaisir, cofondatrice de Caribou, il anime la soirée, qui se veut plus ludique qu’alarmiste.

Question de donner un peu le ton, nous avons interrogé quelques artisans du repas sur ce qui les préoccupe lorsqu’ils pensent à l’alimentation de demain, et sur ce qui leur donne espoir. Car il ne faut pas oublier les initiatives inspirantes en agriculture, en alimentation et en restauration. L’avenir s’entrevoit toujours mieux avec un brin d’optimisme !

Aaron Langille — Restaurant Le Diplomate

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Aaron Langille est chef du restaurant Le Diplomate.

Ce qui l’inquiète

« Ces jours-ci, ce qui me préoccupe le plus est sans doute notre dépendance aux viandes d’élevages industriels. Est-ce qu’on peut gérer ça avant de faire brûler la planète ? Je ne crois pas qu’un mouvement du balancier vers le végétarisme et le véganisme soit la solution. Il pourrait générer encore plus de monocultures de soya et d’autres légumineuses, qui comportent aussi des risques inhérents. J’ai peur que les êtres humains soient trop paresseux ou trop niaiseux pour comprendre qu’un écosystème a besoin d’équilibre et que cet équilibre n’est pas facile à atteindre. »

Ce qui lui donne espoir

« J’ai espoir pour les prochaines générations. Je crois que la mienne a hérité d’un monde pourri et que nous sommes pas mal réduits à nommer et à identifier les erreurs, pour que nos enfants les réparent. Ma génération va faire ce qu’elle peut, mais ce n’est pas celle qui va changer le monde. »

Emily Homsy et David Gauthier — Bar St-Denis

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Emily Homsy et David Gauthier sont chefs du Bar St-Denis.

Ce qui les inquiète

« La surpêche m’inquiète beaucoup, dit Emily Homsy. Aurons-nous encore accès à du poisson sauvage dans 50 ans ? Je ne sais pas. C’est sûr que le thon bluefin est celui que tout le monde — dont je suis — craint de voir disparaître. Mais il y a plein d’autres espèces menacées. Je suis convaincue qu’il y aura de plus en plus de poisson d’élevage dans nos assiettes. »

Ce qui leur donne espoir

« Je pense qu’il y a des solutions intéressantes du côté de l’agriculture urbaine, de l’agriculture verticale, des petits potagers individuels que les gens peuvent faire chez eux. Dans la restauration qu’on pratique, David et moi, en plus d’utiliser un maximum de produits venant de fermes locales, on se sert de micropousses qu’on fait nous-mêmes. Il y a plein de choses qui peuvent pousser sous des lampes et que les gens pourraient avoir chez eux. »

David Ollu — Restaurant Hélicoptère

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

David Ollu est chef du restaurant Hélicoptère.

Ce qui l’inquiète

« À l’échelle mondiale, ce qui me préoccupe le plus pour l’alimentation dans les 50 prochaines années, c’est le réchauffement climatique et l’accès à l’eau pour l’agriculture. J’ai l’impression que la température va augmenter rapidement et que ça va entraîner des conflits armés dans plusieurs régions du monde. Il y aura sans doute un impact direct sur l’accès à des aliments à prix abordables. Un bouleversement de cet ordre entraînerait une crise humanitaire sans précédent. »

Ce qui lui donne espoir

« Plusieurs belles choses se passent au Québec. L’agriculture a retrouvé une certaine popularité au sein de ma génération. Je connais plusieurs personnes qui sont retournées en région pour travailler dans de petites fermes. Cette agriculture permet de rapprocher les consommateurs de la terre, d’avoir des produits plus frais et d’assurer une certaine autonomie alimentaire aux Québécois. Au restaurant, nous travaillons beaucoup avec des entrepreneurs locaux, dont certains pratiquent l’agriculture urbaine, comme Blanc de Gris et Pousse-Toit, installés dans Hochelaga. Les agricultures locale et urbaine sont de bonnes pistes pour l’avenir. »

Vyckie Vaillancourt - Entreprise O’Citrus et Ferme Vaillancourt

PHOTO FOURNIE PAR YUL EAT

Vyckie Vaillancourt produit des agrumes en serre, à Laval. Elle a aussi repris la ferme familiale.

Ce qui l’inquiète

« L’effet des changements climatiques sur les cultures me préoccupe. Il y a de moins en moins de pluie l’été et de plus en plus de chaleur, ce qui génère un problème d’irrigation adéquate. Les printemps pluvieux et froids causent des retards dans la plantation aux champs et demandent un meilleur drainage des sols. Les hivers froids et glacés rendent la production en serre difficile, avec les coûts de chauffage actuels. »

Ce qui lui donne espoir

« Le Québec a tout le potentiel et les ressources pour devenir autosuffisant à longueur d’année avec la production en serre. Moi, j’arrive à y faire pousser des agrumes ! En améliorant nos capacités de chauffage avec des moyens écologiques (panneaux solaires, géothermie, etc.), nous pourrions produire ce que l’on veut. Le gouvernement devra par contre soutenir cette tendance en investissant dans les technologies pour aider les producteurs à chauffer leurs serres en hiver, et ce, à moindre coût, afin de ne pas rendre les produits inaccessibles à la population. »

Timothée Vielajus — Labo culinaire de la SAT

PHOTO FOURNIE PAR YUL EAT

Timothée Vielajus est chef du Labo culinaire de la Société des arts technologiques.

Ce qui l’inquiète

« Ce qui me préoccupe beaucoup, c’est l’utilisation à outrance de pesticides et d’insecticides. On épuise les sols et ces importantes ressources que sont nos terres agricoles deviennent stériles, ne produisent plus, ne rapportent plus d’argent. Les légumes cultivés avec tous ces produits chimiques ne sont pas bons pour la santé. Ils ne sont même pas bons au goût ! »

Ce qui lui donne espoir

« Ce qui me donne espoir, c’est de voir toutes sortes de gens quitter des boulots payants en milieu urbain pour devenir maraîchers. Il y en a aussi qui deviennent boulangers, bouchers, charcutiers afin d’épouser des valeurs plus humaines et anciennes. C’est bon pour la terre, pour les restaurateurs, pour les consommateurs. Ça crée de beaux réseaux de gens qui travaillent main dans la main pour se soutenir. »