Plus de femmes que jamais siégeront à l’Assemblée nationale. Autour de 60 femmes ont été élues lundi lors des élections provinciales, un sommet historique.

Au moment d’écrire ces lignes, le nombre de femmes élues était en voie de passer de 52, en 2018, à 58.

« On a fait élire le plus grand nombre de femmes dans toute l’histoire du Québec. Wow, quelle belle gang », a tout de suite mentionné François Legault dans son discours lundi soir.

« C’est très réjouissant. Et je me dis aussi que c’est normal. On est en 2022, ça devrait faire longtemps », commente Esther Lapointe, directrice générale du Groupe Femmes, Politique et Démocratie, un organisme autonome pour la promotion d’une plus grande participation des femmes à la vie politique.

Le nombre d’aspirantes parlementaires cette année avait dépassé tous les records précédents, alors que 49 % des candidatures pour les quatre principaux partis étaient des femmes. Au total, tous partis confondus, on comptait 343 femmes parmi 880 candidats.

« C’est une victoire sans précédent des femmes », note le politologue André Lamoureux. Le chargé de cours du département de science politique de l’UQAM mentionne un autre moment historique : le gain de Kateri Champagne Jourdain, élue pour la Coalition avenir Québec dans Duplessis, devenant la première Innue élue à l’Assemblée nationale.

Le visage du Parlement change de plus en plus. Deux partis ont mené la tendance paritaire vers le haut en présentant plus de femmes que d’hommes à ces élections. Quelque 70 candidates ont porté les couleurs de Québec solidaire durant la campagne, soit 56 % des aspirants députés solidaires. Les femmes comptaient pour 55 % de la cohorte caquiste, qui présentait 69 candidates.

« Les femmes représentent la moitié de la population, ce n’est que justice qu’elles aient droit aux décisions au même titre que les hommes, affirme Esther Lapointe. Elles ne sont pas plus fines ou meilleures que les hommes, elles sont complémentaires. Elles doivent être à la table pour trouver des solutions qui leur conviennent et non se les faire imposer. »

Les femmes du Salon bleu

De plus en plus, les femmes gagnent des sièges à l’Assemblée nationale. Mme Lapointe l’explique en partie par un effet d’entraînement. « Le fait qu’il y avait plus de candidates à la dernière élection, le fait qu’il y ait eu 42 % de femmes élues en 2018, sans oublier l’effet Pauline Marois et l’effet Valérie Plante… Les femmes ont des modèles, elles peuvent se dire que si [ces femmes-là] sont capables, c’est possible », observe-t-elle.

L’ancienne attachée politique ne manque toutefois pas de souligner qu’il reste bien du chemin à faire. Le Conseil pour le statut de la femme (CSF) indique que la présence féminine en politique est d’abord et avant tout affectée par les difficultés de recrutement. Dans un mémoire publié en 2020, l’organisme fait état de règles du jeu politique qui ne tiennent pas suffisamment compte de la réalité des femmes, mais qui favorisent aussi les hommes, « plus habitués à développer et entretenir des cercles d’influence ». « Les acquis en la matière sont fragiles », lit-on encore dans le document envoyé à La Presse par le CSF.

Le problème à régler pour atteindre une vraie parité n’est plus aux urnes, estime André Lamoureux.

Dans la tête de certains individus, il y a encore des préjugés, mais je ne pense pas que le Québec discrimine beaucoup au moment du vote.

André Lamoureux, politologue

Même observation chez Esther Lapointe : « Les études le démontrent, l’électorat n’est pas sexiste, dit-elle. On sait même qu’au palier municipal, [les femmes] ont un certain avantage. » D’après elle, il faut légiférer pour « garantir et pérenniser la parité », mais aussi amener cette parité au sein des équipes politiques.

Il reste désormais à voir si le cabinet de François Legault sera bel et bien paritaire. C’était le cas après les élections de 2018, mais des remplacements en défaveur des femmes ministres avaient ramené un déséquilibre. « Il y a un bassin de femmes compétentes, ce n’est pas ce qui manque », note André Lamoureux. Esther Lapointe, elle, craint que le gouvernement se situe dans la zone paritaire, mais que le 50-50 ne soit pas respecté. « Un conseil des ministres [est formé] de personnes nommées. Dans ce cas, c’est la parité qu’il faut, pas une zone entre 40 et 60 %. Et il faut que les femmes aient des ministères importants. »