La directrice de scrutin de la circonscription de Gouin, Marie Vallée, a entravé lundi le travail des journalistes qui suivaient le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, alors qu’il allait voter. Les autres chefs de parti n’ont pas eu ces problèmes. En soirée, le Directeur général des élections du Québec (DGEQ), Pierre Reid, a présenté ses excuses.

À son arrivée au bureau de vote. M. Nadeau-Dubois et son équipe ont été interpellés par Mme Vallée, qui refusait que les photographes et les caméramans suivent le chef parlementaire solidaire sortant près de la boîte où il dépose son bulletin de vote. La tradition veut pourtant que les médias soient accueillis dans les bureaux de vote au moment où les chefs exercent leur droit démocratique.

La directrice de scrutin a finalement décidé d’accepter la présence des médias, mais en exigeant à plusieurs reprises qu’ils se placent « le long du mur ». Malgré les explications répétées des photographes, qui affirmaient qu’il serait plus facile de s’avancer près de la boîte afin d’éviter de photographier des citoyens venus exercer leur droit de vote, Mme Vallée a maintenu sa consigne.

À un moment, elle a même déploré que les journalistes bloquaient pendant quelques minutes « le déroulement du vote des petits électeurs », c’est-à-dire les enfants qui accompagnent leurs parents et qui participent à un exercice de simulation de vote.

« Vous autres, c’est une faveur qu’on vous fait », a-t-elle dit aux photographes qui demandaient à Mme Vallée qu’on les laisse faire leur travail.

« Moi, je suis au service des 45 000 électeurs, pas d’un seul. Merci. C’est ma déclaration », a-t-elle finalement affirmé, chassant les médias hors du local.

Pendant ce temps, l’équipe de Québec solidaire qui accompagnait le chef était désemparée. Le parti a confirmé aux journalistes qu’il avait entrepris des démarches auprès du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) afin de confirmer que les journalistes pouvaient bel et bien être accueillis pour prendre des images du vote. Selon nos informations, un haut responsable de son bureau avait même écrit à QS au cours des derniers jours pour rappeler que « lors du vote de [François] Legault la semaine dernière, il y avait plus de 20 médias sur place ».

En début de soirée lundi, le DGEQ, Pierre Reid, a présenté ses excuses et a qualifié l’incident de « regrettable ». « On veut éviter que se reproduise une telle situation. […] La presse est autorisée à prendre des photos. Ça fait partie de la couverture des élections », a dit M. Reid.

« Je pense que les règles ont besoin d’être réévaluées pour assurer une pleine couverture journalistique et assurer une équité pour tous les candidats au moment où ils déposent leur vote », a-t-il ajouté.

Quatre chefs votent

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois

Avant cet incident, alors qu’il marchait avec sa conjointe et leur enfant dans les rues de sa circonscription, Gabriel Nadeau-Dubois a incité les citoyens à exercer leur droit, lundi.

« Ce n’est pas une journée très stressante, parce qu’on a fait ce qu’on a pu. J’ai donné tout ce que j’avais à donner. J’ai présenté notre projet aux gens et là les gens vont décider. Je suis très serein. Je m’en vais voter dans mon quartier. Les Québécois vont prendre leur décision », a-t-il dit.

Après 36 jours de campagne, c’est le Jour J. Tour à tour, les chefs des différentes formations politiques vont se déplacer aux urnes pour voter et en appeler aux Québécois à faire de même.

Dominique Anglade s’est déplacée lundi dans un bureau de vote de sa circonscription de Saint-Henri–Sainte-Anne pour exercer son devoir de citoyenne. « C’est le Jour J, c’est le Jour J », a lancé la cheffe du Parti libéral du Québec au moment de mettre son bulletin de vote dans l’urne.

« J’ai le sentiment d’avoir tout donné dans cette campagne, d’avoir mis toutes les idées de l’avant, d’avoir été à l’écoute et, surtout, d’avoir été moi-même. C’est pour ça que j’ai le sentiment du devoir accompli », a déclaré Mme Anglade lors d’une brève mêlée de presse. Elle se dit « fébrile » à quelques heures de la soirée électorale, qui sera célébrée à Montréal dans le cas des libéraux.

« Je suis très confiante, tout va dépendre de la sortie de vote. C’est important de dire aux Québécois d’aller voter. C’est l’exercice qu’on doit faire aujourd’hui. Chacun a livré sa campagne. Maintenant, la parole est aux Québécois », a ajouté la leader libérale. La campagne de Dominique Anglade a connu un départ laborieux parsemé d’embûches surtout liées à l’organisation. Mais elle estime avoir redressé la barre au cours des deux dernières semaines.

PHOTO EVAN BUHLER, LA PRESSE CANADIENNE

Paul St-Pierre Plamondon

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon est de son côté allé voter en matinée dans la circonscription de Camille-Laurin, à Montréal, et invite tous les Québécois à faire de même.

« Aujourd’hui, c’est une belle journée ensoleillée, une journée idéale pour aller voter. Pourquoi on va voter ? Au fond, on vote pour la démocratie, pour s’assurer qu’il y ait un gouvernement et des oppositions qui ont des voix différentes qui sont entendues dans une assemblée nationale qui travaille pour le meilleur intérêt du Québec. C’est ça, l’objectif », a-t-il dit.

Il a souligné que « chaque vote a une valeur symbolique », mais également « une valeur réelle sur le plan électoral ».

« Le jour du vote, ce n’est vraiment pas la journée ni des slogans ni des analyses. C’est vraiment de dire aux gens : c’est une valeur fondamentale de notre société que de s’exprimer à travers le vote. C’est rare, une fois aux quatre ans. Aujourd’hui, mon message se résume à ça ; exercer ce droit fondamental », a-t-il lancé aux journalistes.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Éric Duhaime

Il s’en est fallu de peu pour que le vote au bureau de scrutin où le chef du Parti conservateur du Québec, Éric Duhaime, s’est rendu soit compromis. Tandis qu’il était à l’intérieur pour voter, le chauffeur de la caravane conservatrice a éteint un incendie dans un camion dont le moteur s’est enflammé, à quelques centaines de mètres de là. Le camion transportait du fertilisant pour les pelouses, ce qui aurait pu causer une explosion… Il y a finalement eu plus de peur que de mal.

M. Duhaime a voté dans la circonscription de Chauveau, accompagné de son conjoint. Il s’agit de son premier vote conservateur sur la scène politique québécoise puisque par le passé, il avait voté pour l’Action démocratique du Québec et la Coalition avenir Québec.

« On n’a peut-être pas le même stress que les autres partis parce qu’on est la seule formation politique aujourd’hui qui est certaine de faire mieux que la dernière fois », a-t-il blagué. En 2018, le PCQ avait obtenu 1,46 % du vote, soit moins de 60 000 voix. Aujourd’hui, la formation politique compte autant de membres.

« On a toujours fait mieux que les attentes et j’ai confiance que ce soir, ça va être encore le cas », a-t-il affirmé. Il espère un taux de participation élevé qui, selon lui, avantagerait son parti. « C’est important. C’est une élection qui pourrait marquer l’histoire du Québec », a-t-il indiqué.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

François Legault a voté par anticipation le 25 septembre.

Contrairement aux autres chefs, et dans un geste rarissime pour un leader politique, François Legault avait voté par anticipation le 25 septembre.

Lundi avant-midi, le chef caquiste s’est rendu au quartier général électoral de son parti à Québec pour non seulement lancer un appel au vote, mais faire valoir sa plateforme électorale devant des militants et des bénévoles. C’est inhabituel en ce jour de scrutin, mais tout à fait légal.

« Après vérification, la Loi électorale ne prévoit pas d’interdiction pour un candidat de faire campagne le jour de l’élection », affirme le Directeur général des élections du Québec.

Il est toutefois interdit de faire des actions partisanes sur les lieux d’un bureau de vote. Une formation politique ne peut pas non plus diffuser de publicités dans les médias le jour du scrutin.

« On est tous un peu stressés », mais « sereins » d’ici le dévoilement des résultats, a lancé François Legault à ses militants, entouré de 12 candidats de la grande région de Québec.

« Tout le travail que vous avez fait dans les dernières semaines pour identifier nos sympathisants, bien l’aboutissement, c’est aujourd’hui. On le sait – et ce n’est pas vrai juste au Québec, c’est vrai pas mal partout – les gens ne vont pas tous voter, ont d’autres préoccupations, d’autres priorités. Pourtant, c’est un devoir de citoyen. Vous avez un devoir de rappeler le devoir. Il faut appeler, aller cogner aux portes, dire à nos sympathisants : on a besoin de votre vote », a-t-il affirmé.

Le chef caquiste a montré l’exemple : il a pris le téléphone pour inciter des électeurs de Jean-Lesage, circonscription détenue par Québec solidaire depuis 2018, à se rendre aux urnes.

Plus d’un électeur sur cinq a exercé son droit de vote avec un taux de participation de 22,92 % au vote par anticipation. Il s’agit d’une hausse marquée par rapport à 2018. C’est la première fois que la barre des 20 % est franchie.