(Saint-Marc-de-Figuery) Critiqué pour avoir refusé de donner un statut particulier aux langues autochtones dans sa loi 96, François Legault promet maintenant un projet de loi pour les protéger « de la même façon qu’on protège le français avec la loi 101 ».

Il a pris cet engagement après avoir été interpellé par un survivant d’un pensionnat qui reprochait à la classe politique d’ignorer les enjeux autochtones pendant la campagne électorale.

François Legault a mis son chapeau de premier ministre vendredi matin pour souligner la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation – ou Journée du chandail orange pour les communautés autochtones. Il a participé à une cérémonie de commémoration sur le site de l’ancien pensionnat autochtone de Saint-Marc-de-Figuery, près d’Amos en Abitibi.

Ouvert en 1955, ce pensionnat a été fermé en 1973 et démoli plus tard ; on retrouve sur place une stèle commémorative. C’était l’un des 12 pensionnats construits au Québec par le gouvernement fédéral et l’Église catholique.

Environ 200 enfants autochtones par année, arrachés à leurs parents et dépouillés de leur culture, le fréquentaient.

« Moi, j’ai mangé beaucoup de volées, a raconté Édouard Kistabish, qui a été pensionnaire pendant huit ans. J’ai vu certains soirs qu’un frère venait chercher un petit gars pour l’amener dans sa chambre et tout. »

L’homme de 74 ans a ensuite dit à M. Legault que les Autochtones « aussi font partie du Québec », mais que « des fois, [ils] se sent[ent] ignorés ». « Surtout ces temps-ci, en élections. Pas aucun parti n’en parle vraiment », des droits et des enjeux des Autochtones. « Ce n’est pas juste moi qui pense de même. Plusieurs dirigeants [autochtones] pensent comme ça. »

Je peux vous promettre que si c’est moi qui suis choisi [le 3 octobre], on va passer plus de temps avec vous autres. Il faut mieux se connaître, essayer d’avancer ensemble, d’égal à égal, nation à nation, communauté à communauté.

François Legault, premier ministre du Québec

François Legault a qualifié de « terrible » ce qui s’est produit dans les pensionnats autochtones.

En plus de vouloir conclure des ententes avec les 55 communautés autochtones – sur le développement économique, la santé et l’éducation, par exemple –, il a répondu qu’il faut « essayer aussi de protéger » les langues autochtones. « Et ça, nous, on est bien placés pour comprendre ça, avec la situation du français en Amérique du Nord. » Il s’est dit « très d’accord » avec l’idée d’enseigner davantage les langues autochtones aux enfants des communautés dans les écoles primaires.

Lors d’une mêlée de presse à Amos, le chef caquiste a précisé qu’il entend déposer, s’il est reporté au pouvoir, « un projet de loi pour travailler à mieux protéger les langues autochtones », « de la même façon qu’on protège le français avec la loi 101, avec la loi 96 ». Il n’a pas donné un aperçu de ce que contiendrait cet éventuel texte législatif. « Ce ne sera pas à moi de décider le comment. On va en discuter avec les communautés autochtones. »

« Évidemment, [les langues autochtones] sont dans une situation bien plus critique que le français. Pourtant, le français sera toujours vulnérable en Amérique du Nord. Donc, il faut aider les communautés autochtones à ce que les enfants et les petits-enfants gardent les langues originales, les langues autochtones. Je suis prêt à faire des efforts, même à investir », a-t-il ajouté.

La réforme de la loi 101 condamnée

L’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador a condamné l’adoption de la réforme de la loi 101 du gouvernement Legault (le projet de loi 96) en disant qu’elle cause des « injustices linguistiques majeures ». « Nier les droits des autres pour affirmer les siens et affirmer brutalement sa suprématie sur d’autres nations qui partagent un même territoire est indigne d’un gouvernement qui se respecte », a-t-elle soutenu le printemps dernier.

L’an dernier, l’annonce de la découverte des restes de 215 enfants dans une fosse commune sur le terrain de l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops, en Colombie-Britannique, a ravivé de douloureux souvenirs dans les communautés autochtones et a relancé l’idée de mener des fouilles au Québec. Les Anishinabeg de l’Abitibi-Témiscamingue – qui ont fréquenté le pensionnat de Saint-Marc-de-Figuery – se sont prononcés récemment en faveur de fouilles sur le site, qui est par ailleurs toujours contaminé par l’amiante.

Toutefois, en plus de la nation algonquine, le Conseil de la Nation atikamekw doit aussi se prononcer sur des fouilles éventuelles, ce qui n’a pas été fait à ce jour. Il y aurait toujours des consultations parmi les membres des communautés concernées en Mauricie (Manawan, Opitciwan et Wemotaci).