Le Directeur général des élections du Québec (DGEQ) a lancé aux candidats un appel à la vigilance, jeudi, en rappelant que les lieux de vote « doivent être neutres et impartiaux », au moment où plusieurs partis s’accusent mutuellement de tenter d’influencer le vote des électeurs aux abords des bureaux de scrutin.

Dans une série de tweets publiée jeudi matin, le DGEQ affirme en effet que « les électrices et les électeurs ne doivent subir aucune pression, aucune influence lorsqu’ils vont voter », ajoutant que « la Loi électorale encadre la présence de certaines personnes ainsi que la publicité partisane sur les lieux de vote ».

Élections Québec rappelle qu’une personne candidate « peut se présenter dans un lieu de vote pour y exercer son droit de vote et assister aux activités “liées au vote”, mais qu’elle ne peut ni accueillir les électrices et les électeurs, ni les aborder, ni dire son nom ou le parti pour lequel elle se présente ».

Un candidat ne peut pas non plus « se rendre à une table de vote ni à l’isoloir pendant qu’une électrice ou un électeur exerce son droit de vote » ni « inciter les électeurs à exercer leur droit de vote en sa faveur ». « Personne ne peut utiliser de signe permettant de connaître son appartenance politique ni manifester son appui ou son opposition à un parti ou à une personne candidate. Toute publicité partisane est également interdite », insiste encore l’organisme.

Ce dernier indique qu’il ne « commentera pas de cas précis sur les médias sociaux », mais étudie « toute source d’information qui pourrait nous aider à faire respecter les lois électorales du Québec ».

Des attaques de partout

Ces derniers jours, plusieurs partis se sont mutuellement reproché de tenter d’influencer le choix des électeurs. À Sherbrooke, la candidate caquiste Caroline St-Hilaire a exigé que Québec solidaire (QS) rappelle ses bénévoles à l’ordre, alors que des militants auraient distribué selon elle des dépliants partisans à proximité des lieux de vote. Les solidaires ont toutefois rejeté ces accusations, affirmant n’avoir organisé « aucune distribution de tracts dans les pavillons de vote de l’Université de Sherbrooke ».

Dans La Peltrie, en banlieue de Québec, le député de la Coalition avenir Québec, Éric Caire, a également porté plainte au directeur de scrutin à l’endroit de son adversaire du Parti conservateur du Québec, Stéphane Lachance.

Dans deux vidéos publiées sur Facebook, ce dernier invite les supporteurs conservateurs à afficher leurs couleurs une fois qu’ils ont voté. « Le conseil que je vais vous donner, c’est : faites-vous identifier, procédez à votre vote, et une fois que votre bulletin sera dans la boîte et que tout sera enregistré, dézippez votre manteau et montrez fièrement vos couleurs par la suite », peut-on l’entendre dire dans l’une de ces vidéos.

Le PCQ se défend en affirmant que son candidat sous-entendait « bien évidemment que ce serait à l’extérieur du lieu de vote » qu’il était possible d’afficher ses couleurs « puisqu’il venait de dire que c’est interdit de s’afficher dans un lieu de vote ».

À Laval-des-Rapides, le député libéral Saul Polo déplore que son adversaire Céline Haytayan se comporte de façon « inquiétante », en discutant avec des électeurs. La situation aurait d’ailleurs été signalée au directeur du scrutin de la circonscription, selon lui, après que la caquiste se fut rendue à plusieurs reprises – une fois même avec un avocat – au bureau de vote des Galeries Laval pour « parler à des électeurs », malgré le malaise des responsables sur place.

« L’inexpérience d’une candidate ne peut pas suffire à expliquer tout ça, surtout quand elle s’est déjà fait expliquer la veille qu’elle était à l’extérieur des règles d’élections. C’est très inquiétant pour la démocratie », s’est indigné M. Polo, qui a été mis au fait de la plainte récemment.

Les bureaux de vote, des « sanctuaires »

La multiplication des points de vote avec l’ajout des campus universitaires comme lieux de vote pourrait faire croître ce genre d’anecdotes, estime le directeur scientifique de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval, Éric Montigny.

« La multiplication des plaintes vient du fait qu’il y a peut-être plus de partis, ajoute-t-il. Dans un sous-sol d’église, avec une seule porte d’accès, c’est plus facile à surveiller que sur un campus avec plusieurs entrées. » La popularité grandissante du vote par anticipation, et donc l’allongement de la période où il est possible de voter, pourrait être un autre facteur expliquant la multiplication des incidents sur les lieux de vote qui doivent rester des « sanctuaires », croit Éric Montigny.

Par courriel, le DGEQ précise qu’il fera état du nombre de plaintes reçues et des dossiers ouverts dans son prochain rapport annuel de gestion 2021-2022. « Si les gestes constituent une infraction à la Loi électorale, un constat d’infraction pourrait être [remis] », affirme le porte-parole, Gabriel Sauvé-Lesiège.