(Montréal) Quelques heures avant son arrivée à Rouyn-Noranda mercredi soir, François Legault a minimisé les risques pour la santé de la population associés aux émissions d’arsenic de la Fonderie Horne. « Ce n’est pas aussi dramatique que certains le disent », a-t-il soutenu mercredi.

Lors d’une entrevue au 98,5 FM, l’animateur Paul Arcand a questionné le chef caquiste au sujet de la sortie de trois médecins de Rouyn-Noranda pour qui la situation n’est « pas sécuritaire » et le sera seulement lorsque la norme québécoise sera respectée.

« Ça dépend de la définition de sécuritaire, a répliqué M. Legault. Moi, j’invite tout le monde à Rouyn-Noranda à lire le rapport de la Santé publique. Ce n’est pas aussi dramatique que certains le disent. »

Il n’a pas donné sa propre définition de « sécuritaire », mais on connaît les conclusions des experts, qu’il invite à lire. La Direction de santé publique de l’Abitibi-Témiscamingue a publié en mai 2022 des données alarmantes sur l’état de santé des habitants du quartier Notre-Dame, voisin de la Fonderie Horne. Il y a plus de cancers du poumon, mais aussi plus de maladies pulmonaires obstructives chroniques, plus de naissances de bébés de faible poids, et une espérance de vie réduite de cinq ans par rapport à l’ensemble des Québécois.

De plus, selon un rapport de l’Institut national de santé publique du Québec publié en juillet, « les émissions historiques d’arsenic et de cadmium de la Fonderie Horne sont associées à un risque estimé accru de cancer dépassant le seuil de risque considéré comme négligeable au Québec ». Le niveau actuel des émissions « n’est pas tolérable », affirmait le directeur national de santé publique, le DLuc Boileau.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

François Legault, chef de la Coalition avenir Québec

C’est aux gens de Rouyn-Noranda, ce n’est pas à Gabriel Nadeau-Dubois et pas à nous, de dire ce qui arrive avec la Fonderie Horne.

François Legault, chef de la Coalition avenir Québec

« Il y a une décision à prendre par les citoyens de Rouyn-Noranda, parce qu’on parlait de santé mentale tantôt… Demain matin, si 650 employés, et on parle de milliers si on ajoute les emplois indirects, perdent leur emploi, il y a des conséquences aussi », a-t-il plaidé.

Legault reprend les arguments de Glencore

Québec a décidé récemment de demander à la fonderie de la multinationale Glencore d’atteindre, d’ici cinq ans, une moyenne annuelle de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air – c’est tout de même cinq fois plus élevé que la norme québécoise. Elle avait jusqu’ici l’autorisation de rejeter dans l’air jusqu’à 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube.

François Legault reprend les arguments de l’entreprise selon lesquels, comme il l’a lui-même rappelé, « ce n’est pas faisable à court terme de descendre à 3 nanogrammes ».

Dans un communiqué diffusé mardi, les médecins Frédéric Bonin, Marie-Pier Lemieux et Clodel Naud-Bellavance ont tenu à « rectifier des faits importants dans le dossier de la qualité de l’air à Rouyn-Noranda ». Ils se disent « préoccupés » par les propos de M. Legault voulant que « la Santé publique dit que c’est sécuritaire ». Ce n’est pas ce qu’a dit la Santé publique, insistent-ils.

Tant que la norme québécoise ne sera pas respectée, « il y aurait à Rouyn-Noranda davantage de retards de croissance intra-utérins et de bébés de faible poids, plus de risques pour les enfants d’avoir des impacts neurodéveloppementaux (baisses de QI, troubles d’apprentissage) et plus de risque de développer un cancer, particulièrement pour les enfants, car le risque cumulatif est plus grand », affirment les trois médecins. Ramener les émissions d’arsenic à 15 ng/m⁠3 ne rendrait pas la situation sécuritaire, selon eux. Ils demandent une rencontre avec M. Legault lors de son passage à Rouyn-Noranda jeudi « pour lui présenter ces données importantes et lui permettre de prendre la juste mesure de la situation environnementale actuelle à Rouyn-Noranda ».

Gabriel Nadeau-Dubois réplique

De passage à Sherbrooke, où il tente de ravir la circonscription de Saint-François à la Coalition avenir Québec en y présentant la médecin spécialiste en santé publique Mélissa Généreux, le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a rappelé la promesse de son parti.

« On a pris un engagement clair que la santé des gens de Rouyn-Noranda, ça deviendra avec QS la priorité numéro un, et ça ne veut pas dire fermer la fonderie. Ça veut juste dire demander à la fonderie de prendre ses responsabilités », a-t-il dit.

M. Nadeau-Dubois a également raconté avoir rencontré une jeune femme enceinte lors de son dernier passage en Abitibi-Témiscamingue qui s’inquiétait pour la santé de son enfant à naître.

PHOTO KAROLINE BOUCHER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

Quand j’entends un témoignage comme ça, je ne suis pas capable de fermer les yeux. Je ne suis pas capable de minimiser. Je ne suis pas capable, comme François Legault, de faire de la politique avec ça.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

La circonscription de Rouyn-Noranda–Témiscamingue est passée aux mains de Québec solidaire en 2018. La Coalition avenir Québec a recruté comme candidat l’ancien député libéral Daniel Bernard, qui a siégé sous le gouvernement Charest ayant autorisé la Fonderie Horne à rejeter dans l’air jusqu’à 100 nanogrammes d’arsenic par mètre cube.

Avec Hugo Pilon-Larose, La Presse