Ils aspirent à être élu premier ministre du Québec, le 3 octobre prochain. Au cours des prochains jours, les chefs des cinq principaux partis répondront aux questions de nos journalistes.

(Laval) S’il formait un gouvernement, Éric Duhaime conserverait le marché du carbone du Québec à contrecœur. Dans un monde idéal, le chef du Parti conservateur du Québec préférerait l’abolir, mais il a décidé de ne pas aller aussi loin en campagne électorale.

« On n’a pas dit qu’on ne le conserverait pas, a-t-il d’abord répondu lors d’une table éditoriale avec La Presse. Il y a quelque chose dans le programme, mais ce n’est pas très restrictif. »

L’échange sur le sujet a duré cinq minutes durant cette entrevue d’un peu plus d’une heure. L’entrevue avec l’équipe éditoriale s’est déroulée à distance vendredi après-midi, alors que l’autocar d’Éric Duhaime filait vers Lévis pour le dernier grand rassemblement conservateur de la campagne électorale.

Sur la question du marché du carbone, le chef du Parti conservateur du Québec (PCQ) s’est d’abord montré évasif, a tergiversé et s’est plaint que le son coupait au moment où il était appelé à clarifier sa position.

Sous un gouvernement conservateur, est-ce que le marché du carbone resterait, oui ou non ? « Dans un monde idéal, non. C’était ça notre point de départ quand on s’est réunis en congrès », a-t-il fini par lâcher.

Donc, il serait aboli ? « Il y a eu des discussions, on l’a fait dans le programme, mais ça ne fait pas partie de la proposition en campagne électorale », a-t-il précisé.

Éric Duhaime fait la différence entre le programme de son parti, adopté en congrès par 800 membres du PCQ en novembre 2021, et sa plateforme électorale. « La plateforme a préséance sur le programme », a-t-il précisé.

Dans sa plateforme électorale, la formation politique promet d’« exiger l’abolition de la taxe fédérale sur le carbone tout en maintenant la Bourse du carbone au Québec », qui doit « avoir priorité » sur le prix imposé par Ottawa. Son programme indique que les conservateurs établiraient « des taxes sur le carbone les moins élevées possible », mais ne contient rien sur l’abolition du marché du carbone québécois.

Ce système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (GES) a été mis sur pied en 2013 par le gouvernement péquiste de Pauline Marois pour mettre un prix sur la pollution dans l’espoir de la réduire. L’année suivante, le Québec a joint sa Bourse du carbone à celle de la Californie. Les revenus qu’il en tire sont versés au Fonds d’électrification et de changements climatiques – l’ancien Fonds vert – qui sert à financer des mesures de réduction et d’adaptation.

Éric Duhaime promet de « réviser en profondeur » la mission de ce fonds et d’« éliminer les projets inutiles ». Il verserait les sommes générées par le prix du carbone dans un Fonds des générations qui servirait à financer l’adaptation aux changements climatiques si la hausse des températures le justifie.

Aucune cible de réduction des GES

Contrairement à Québec solidaire et au Parti québécois, le PCQ ne présente pas de plan de lutte contre les changements climatiques. Il reconnaît toutefois leur existence, même si Éric Duhaime a refusé de faire un lien avec la tempête qui s’est abattue sur les Îles-de-la-Madeleine. Il se défend d’être un climatosceptique.

Je n’embarquerai pas dans l’hypocrisie politicienne qu’on a connue au Québec depuis trois décennies.

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

Comment lutterait-il contre le réchauffement planétaire ? Par l’électrification des transports, qui serait financée grâce à l’exploitation des hydrocarbures et par l’utilisation de nouvelles technologies. Certainement pas en se fixant une cible de réduction des GES. À quoi bon avoir une cible si on est incapable de la respecter ?, fait-il valoir.

« C’est très facile d’avoir de beaux principes avec de belles cibles, a-t-il lâché. C’est beaucoup moins simple politiquement, puis beaucoup moins vendeur de commencer à dire concrètement qu’est-ce que vous allez éliminer au Québec pour atteindre ces cibles-là. »

Il voudrait également tenir compte dans le bilan québécois de la réduction des GES réalisée à l’étranger, dans les pays qui achèteraient le gaz naturel produit ici, moins polluant. Éric Duhaime ne préconise pas de revoir les formules internationales de calcul des GES, mais de « considérer aussi ce qu’on a fait pour le reste de la planète ».

Contre le registre des armes à feu

À quoi ressemblerait le contrôle des armes à feu au Québec avec les conservateurs ? Le PCQ n’a pas répondu au questionnaire envoyé en début de campagne par PolySeSouvient. Éric Duhaime avait pourtant indiqué qu’il le ferait lorsqu’il s’est fait poser la question en conférence de presse le 7 septembre. « Je n’ai pas vu le questionnaire, très honnêtement », a répondu le chef conservateur lorsque La Presse l’a questionné vendredi. Il n’était donc pas en mesure de donner une position précise sur la création d’un programme de rachat des armes de poing au Québec, l’appui à un amendement au projet de loi C-21 pour interdire les armes d’assaut au Canada ou ce qu’il ferait pour lutter contre les armes à feu illégales. « Nous, notre position, c’était surtout contre le registre [des armes à feu] », a-t-il indiqué.

Lors d’un rassemblement en Beauce à la veille du déclenchement de la campagne électorale, Éric Duhaime avait affirmé que son parti « ne s’attaquera pas aux honnêtes propriétaires de fusils de chasse », mais plutôt « aux criminels qui font rentrer des guns illégalement chez nous ». Les conservateurs ont également promis l’ajout de 400 policiers en réaction aux fusillades dont la fréquence est en augmentation à Montréal. « Quand on réduit les contrôles, il y a des conséquences », a déploré Nathalie Provost, qui a survécu à la tuerie de Polytechnique et qui est membre de PolySeSouvient. Le collectif a fait parvenir son questionnaire à deux reprises au PCQ, qui n’y a pas répondu, mais qui a ajouté le groupe à sa liste d’envoi.

« Je me faisais l’avocat du diable »

Éric Duhaime a justifié certaines de ses anciennes déclarations controversées à la radio. « C’est très facile quand on a quatre heures par jour devant un micro de prendre une phrase et de faire passer le monde pour des imbéciles », a-t-il affirmé. Il avait notamment affirmé que l’éducation et les hôpitaux n’étaient pas un droit, mais un privilège, et que seuls les gens qui paient des impôts devraient avoir le droit de vote. Il a soutenu qu’il se faisait « l’avocat du diable » à l’époque dans le cadre d’une tribune téléphonique avec Bernard Drainville.

En 2016, il a affirmé que le dépôt d’une tête de porc devant la mosquée de Québec ne constituait pas un crime haineux. Il a indiqué qu’il comparait ce geste à une fusillade survenue dans le bar gai Pulse à Orlando, aux États-Unis. « C’est sûr que c’est pris hors contexte, c’est sûr que ça a l’air fou et que je suis obligé de défendre ça, a-t-il reconnu. Mais c’est malhonnête de prendre un extrait comme ça hors contexte et de me faire passer pour toutes sortes d’affaires. »