Qui a gagné le deuxième et ultime débat des chefs de la campagne ? Et qui en est le grand perdant ? Quel effet ce second affrontement aura-t-il sur le vote ? Notre experte invitée, la politologue de l’Université Concordia Mireille Paquet, fait le point sur la performance des chefs, et répond au passage à des questions posées par nos lecteurs.

La performance de François Legault

« François Legault a essayé de commencer le débat sur une note positive, tant dans ses propos que dans son attitude. Cette approche n’a toutefois pas duré, alors qu’il a dû essuyer beaucoup d’attaques frontales de tous les autres candidats, en plus de faire face à plusieurs épisodes où ses adversaires semblaient s’unir dans leur désapprobation de ses idées. La portion du débat sur l’environnement en est un bon exemple. Pendant toute la soirée, Legault a attaqué en priorité Gabriel Nadeau-Dubois et Éric Duhaime, laissant plus d’espace à Dominique Anglade et à Paul St-Pierre Plamondon. De nouveau, M. Legault s’en est pris à de multiples reprises à ce qu’il appelle la “taxe orange” de Québec solidaire. Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a continué d’utiliser un style didactique pour communiquer ses plans aux électeurs, mais a semblé manquer d’enthousiasme. »

La performance de Dominique Anglade

« Dominique Anglade s’est appliquée à rester très positive pendant toute la durée de ce deuxième débat. Elle n’a toutefois pas mis de l’avant beaucoup de promesses concrètes, et a plutôt misé sur l’émotion afin de créer un lien avec les électeurs. La cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) a parlé entre autres de sa famille, de santé mentale et a réussi à amener la question de l’égalité entre les femmes et les hommes à plusieurs reprises. Cette performance ne lui aura pas nui, mais, en même temps, ne se soldera probablement pas par beaucoup de nouveaux votes au scrutin. »

La performance de Gabriel Nadeau-Dubois

« La soirée de Gabriel Nadeau-Dubois s’est bien déroulée, malgré les attaques incessantes de François Legault. Le co-porte-parole solidaire a continué de se présenter comme un choix réaliste pour les électeurs plus à gauche sur l’échiquier, en plus de réaffirmer l’engagement de son parti en matière de transition climatique. Face aux attaques de MM. Legault et Duhaime, il s’est bien défendu sans être agressif. Il a atteint son objectif de présenter une vision différente de l’avenir de la province, en faisant appel à l’élaboration d’un nouveau “projet de société”. Son positionnement à gauche, néanmoins, a parfois été éclipsé par les propos souvent à teneur très sociale-démocrate du chef du Parti québécois (PQ). »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES LA PRESSE

Mireille Paquet, politologue de l’Université Concordia

La performance de Paul St-Pierre Plamondon

« Paul St-Pierre Plamondon a brillé pendant ce débat. Il était très à l’aise et avait un contrôle impressionnant des angles de caméra. On le voyait souvent écouter les autres candidats avec aise et intérêt. Il a souligné les éléments phares de sa plateforme, dont la protection de la langue française et des intérêts du Québec. M. St-Pierre Plamondon a aussi mis de l’avant beaucoup de propositions en matière de redistribution et de justice sociale, qui empiétaient parfois sur les positions souvent attribuées à Québec solidaire (QS). »

La performance d’Éric Duhaime

« Éric Duhaime semblait essoufflé par moments pendant ce deuxième débat. Il a présenté les valeurs chères à son parti, en particulier celle de la liberté. M. Duhaime apparaissait moins solide sur certains dossiers, mais a investi beaucoup de son énergie à attaquer Legault sur la question du troisième lien. Ce faisant, il semble avoir fait le choix stratégique de parler directement aux électeurs de la région de Québec, en soulignant leurs anxiétés quant aux infrastructures de transport, mais aussi en se présentant comme le seul chef n’ayant pas “abandonné” les gens de la région de Québec. »

Comment se dessine maintenant le paysage politique ?

« Un enjeu central, ce [jeudi] soir, était de comprendre de quoi sera faite l’opposition à l’Assemblée nationale. À moins d’un revirement dramatique, la CAQ et François Legault devraient reprendre le pouvoir avec un gouvernement majoritaire. Par contre, il reste encore des inconnues quant au succès des autres partis. Ce deuxième débat a permis aux chefs du PQ, de QS et du PLQ de présenter leur vision des prochaines années et, bien entendu, d’attaquer François Legault. D’ailleurs, les partis aspirant à l’opposition se sont très peu attaqués entre eux, à part un accrochage entre Anglade et Duhaime sur le thème des droits des Québécois anglophones et un échange corsé entre St-Pierre Plamondon et Nadeau-Dubois en immigration. »

Qui a été visé, qui a le plus attaqué, et pourquoi ?

« C’est François Legault qui a continué d’être attaqué de toute part et qui a dû défendre ses réalisations tout en présentant ses plans pour un second mandat. On a vu M. Legault attaquer en priorité M. Nadeau-Dubois, ce qui montre un désir de limiter au maximum les gains potentiels de QS à l’Assemblée nationale et, par le fait même, diviser le plus possible le vote entre les différents potentiels partis de l’opposition. Cette stratégie pourrait générer une opposition hautement fractionnée, ce qui augmenterait la marge de manœuvre du futur gouvernement. »