À quelques jours de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, les enjeux autochtones ont été complètement évacués du deuxième débat des chefs, à Radio-Canada jeudi soir, déplorent des leaders des Premières Nations.

Au lendemain de la joute oratoire qui a opposé les leaders des cinq principaux partis, le chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, Ghislain Picard, n’a pas tardé à faire entendre son mécontentement par rapport à cette absence.

« Selon nous, [la question autochtone] devrait être incontournable, surtout à quelques jours de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation [qui aura lieu le vendredi 30 septembre] », souligne-t-il.

Alors que les principaux partis politiques au Québec présentent un nombre record de candidats autochtones à ces élections provinciales, Ghislain Picard se questionne : « Qu’est-ce que ça va prendre pour qu’on parle des enjeux autochtones rendus là ? »

TVA Nouvelles, lors du premier débat, avait « fait mieux » selon lui, en le contactant au préalable pour lui demander quelle question pourrait être posée sur le sujet. Même si la question posée par le modérateur Pierre Bruneau (sur l’existence du racisme systémique au Québec) « n’était pas celle » qu’il aurait choisie, Ghislain Picard souligne cette « courtoisie », alors que rien de tel n’a été fait par Radio-Canada, affirme-t-il.

Si les enjeux concernant les Premières Nations sont souvent perçus comme relevant du gouvernement fédéral, plusieurs exemples récents ont démontré que ce n’était pas le cas, dit-il, notamment avec l’adoption par Québec de la Loi autorisant la communication de renseignements personnels aux familles d’enfants autochtones disparus ou décédés à la suite d’une admission dans un établissement.

Or, selon Ghislain Picard, l’absence des enjeux autochtones dans cette campagne électorale montre que les partis n’ont « pas de vision » ou encore qu’ils ne se sont « pas vraiment fixé d’horizon sur ces questions-là », ce qu’il déplore. « Radio-Canada, tu me déçois. J’aurais dû gager », avait-il écrit sur Twitter plus tôt en matinée.

« On n’est pas sur la même planète »

Ce genre de critiques est revenu souvent dans les milieux autochtones depuis jeudi soir. « Les grands perdants sont les Autochtones », s’est aussi désolé sur Facebook Ghislain Néquado, attaché politique du Conseil de la nation Anishnabe de Lac-Simon.

« J’ai écouté de façon inutile le débat des chefs pour les élections provinciales du Québec 2022. Aucun sujet sur les Premières Nations, à moins que j’aie manqué un bout. Mais il y avait cinq grands thèmes », a-t-il encore déploré. Selon lui, « les enfants québécois, les étudiants et les aînés québécois » ont aussi été négligés.

Pour la directrice aux relations avec les Premières Nations et Inuits au Centre d’innovation des Premiers Peuples, Viviane Michel, cette exclusion des enjeux autochtones est aussi inacceptable. « Je n’en revenais pas en écoutant le débat jeudi soir. On n’est aucunement mentionnés dans aucun enjeu. C’est comme si on n’est pas sur la même planète », juge-t-elle.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Viviane Michel, directrice aux relations avec les Premières Nations et Inuits au Centre d’innovation des Premiers Peuples

C’est comme si on n’existait pas quand c’est le temps dans les élections, on est comme sans importance. Ça fait depuis longtemps qu’on crie haut et fort qu’on est ignorés complètement de l’État, mais là, c’est une autre preuve.

Viviane Michel, directrice aux relations avec les Premières Nations et Inuits au Centre d’innovation des Premiers Peuples

L’ancienne présidente de l’organisme Femmes autochtones du Québec affirme que les Autochtones doivent avoir « une vraie place de conversation ». « Est-ce qu’on doit élire un ministre autochtone ? Ça ferait définitivement réagir le Québec. Je me dis : peut-être qu’on est rendus à se doter de notre propre gouvernement, complètement autochtone », lance-t-elle encore.

Mme Michel confie d’ailleurs avoir été sondée par le passé pour rejoindre un parti politique. « J’ai refusé, car je n’y crois plus. Il n’y a eu aucune avancée ni aucun changement tangible pour les Premières Nations. Il y a trop de promesses jamais réalisées ou tenues au fil des années », insiste-t-elle.