Les chefs des principaux partis se présenteront ce jeudi soir au deuxième et dernier débat de la campagne chacun avec des objectifs bien distincts. Survol.

Legault veut faire mieux

Les caquistes le reconnaissent : François Legault n’a pas eu une bonne performance lors du Face-à-Face la semaine dernière.

On s’étonne même que le parti n’ait pas perdu des plumes dans les sondages depuis. Le chef a lui-même admis qu’il devrait « améliorer » sa prestation au prochain débat, ce jeudi soir. Autant sur le fond que sur la forme.

On veut d’abord raffiner le langage non verbal : pas question de revoir un François Legault renfrogné, faisant constamment la moue. Il était étonnant d’entendre le chef expliquer qu’il ne savait pas que la caméra le filmait au moment où les autres l’attaquaient ; il est le seul chef à avoir déjà pris part à un débat des chefs auparavant (2012, 2014 et 2018).

Malmené par ses adversaires la semaine dernière, il répliquait en tentant de détricoter les promesses électorales des autres sans vraiment parler de ses idées – quitte parfois à être hors sujet, une autre erreur à éviter.

François Legault cherchera à mettre davantage de l’avant sa plateforme électorale. La formule de Radio-Canada s’y prêtera mieux. Il faut s’attendre à ce qu’il cherche à imposer sa « question de l’urne ».

Avec l’inflation, avec l’incertitude économique mondiale, avec les taux d’intérêt qui n’arrêtent pas d’augmenter, je pense que la question de l’urne est autour de l’économie. Qui est capable d’aider les Québécois et remettre de l’argent dans leur portefeuille ?

François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, mardi

M. Legault voudra ainsi se prêter au jeu de la comparaison. Contrairement à ses rivaux, il déteste les simulations de débat avec des membres de son équipe personnifiant les autres chefs. Il s’en tient à des conseils sur les messages à mettre de l’avant et à une révision des dossiers. Ce n’est pas parce qu’il est comptable qu’on lui bourrera le crâne de chiffres : quelques données clés seront retenues pour éviter de s’emmêler les pinceaux et de perdre l’auditoire.

Tommy Chouinard, La Presse

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec

À la rencontre de « la vraie Dominique »

Avec des sondages qui lui sont défavorables et un début de campagne laborieux, Dominique Anglade mise gros sur ce deuxième affrontement pour inverser la tendance et faire bouger l’aiguille en sa faveur.

La cheffe du Parti libéral du Québec a glissé à 16 % dans les intentions de vote, selon le plus récent sondage Léger, ce qui la place à égalité avec ses adversaires de Québec solidaire et du Parti conservateur du Québec, une première pour l’opposition officielle.

Plusieurs châteaux forts des libéraux sont par ailleurs menacés, à commencer par Saint-Henri–Sainte-Anne, où elle veut se faire réélire.

Bien que Mme Anglade martèle que la campagne est loin d’être terminée, le temps commence à manquer. Sur le terrain, cela se sent. Elle a été la seule à faire campagne mercredi, alors que tous ses adversaires fourbissaient leurs armes en coulisses en prévision du débat.

Signe qu’elle n’a pas le luxe de perdre une journée de visibilité. Dominique Anglade a aussi changé de stratégie et y va davantage à l’instinct. Mardi, elle a laissé de côté ses notes préparées par son équipe pour s’adresser aux membres de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Elle est plus décontractée et est apparue plus à l’aise pour passer ses messages. C’est ce style qu’elle veut adopter pour le dernier débat. « C’est la vraie Dominique », a-t-elle résumé mercredi. L’histoire dira si elle aura attendu trop longtemps avant de la révéler.

Fanny Lévesque, La Presse

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

En quête de l’opposition officielle

Gabriel Nadeau-Dubois le répète à qui veut l’entendre : le 3 octobre, c’est l’élection de « la dernière chance » pour le climat. Mais le co-porte-parole de Québec solidaire devra travailler fort pour imposer ce thème lors du deuxième et dernier débat de la campagne, jeudi, à Radio-Canada.

Face à lui, deux de ses principaux adversaires, François Legault et Dominique Anglade, affirment déjà que la question de l’urne est l’économie. Et sur ce front, il risque d’entendre souvent l’expression « taxe orange ».

Avec ses engagements de surtaxe sur les véhicules « ultrapolluants » et l’impôt qu’il veut augmenter pour les citoyens qui détiennent plus de 1 million en actifs nets, le chef parlementaire de QS passe beaucoup de temps à se défendre de s’en prendre à la classe moyenne. Ces minutes perdues ne lui permettent pas de braquer les projecteurs sur les bouleversements sociaux et politiques que provoqueront les changements climatiques.

Après un premier débat réussi la semaine dernière, M. Nadeau-Dubois voudra remettre l’environnement au premier plan. Les sondages affirment que les Québécois se préoccupent des changements climatiques, même si le sujet n’est pas celui qui s’impose, à ce jour, au moment de voter.

Les sondages indiquent aussi que les partis de l’opposition à François Legault se séparent de façon quasi égale les électeurs qui ne veulent plus de la Coalition avenir Québec au pouvoir. Si, pour Gabriel Nadeau-Dubois, la campagne est la « dernière chance » pour le climat, le débat de jeudi est aussi l’une de ses dernières chances de lancer des attaques qui feront mouche dans l’opinion publique.

Car au terme de la soirée, tous les yeux seront rivés sur la course qui mènera l’un des chefs à finir bon deuxième, le 3 octobre. Et pour l’instant, quoi qu’en pense M. Nadeau-Dubois, Québec solidaire n’est pas le seul parti à pouvoir viser l’opposition officielle.

Hugo Pilon-Larose, La Presse

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Un peu plus haut, un peu plus loin

Paul St-Pierre Plamondon a eu un bon premier débat, où il s’est fait connaître des Québécois. Ça lui a permis de hausser sa cote de popularité et de tirer sa formation politique hors de l’abîme. Mais il doit poursuivre sur sa lancée pour que le Parti québécois sorte de la marginalité dans laquelle il s’est enfoncé.

Depuis le déclenchement des élections, le Parti québécois (PQ) est passé de 9 % à 13 % dans les intentions de vote. M. Plamondon, qui était largement inconnu du public, a visiblement été apprécié pour sa prestation au Face-à-Face de TVA : même si Gabriel Nadeau-Dubois demeure le favori des sondés comme chef de l’opposition officielle (entre 28 % et 30 %), M. St-Pierre Plamondon est désormais deuxième, à 21 %. Fin août, il était bon dernier, avec 12 %.

Mais ces résultats sont en deçà de la dégelée qu’a subie le parti indépendantiste en 2018 (17 %, 10 députés). Il ne reste que deux semaines à Paul St-Pierre Plamondon pour convaincre les Québécois s’il veut aller encore plus loin et rattraper le peloton des partis de l’opposition.

Dire dans ce contexte que le débat de ce jeudi soir est crucial relève de la litote. Son équipe s’attend à ce qu’il soit une cible de François Legault, qui l’a attaqué la semaine dernière sur sa surtaxe aux pétrolières, qui aurait selon le chef caquiste une incidence sur le prix de l’essence.

Mais le chef péquiste n’entend pas changer sa stratégie : avoir un ton posé, mettre de l’avant sa plateforme et souligner à grands traits l’opposition de François Legault au projet d’indépendance. Son objectif : rabattre les souverainistes dans la « maison » du PQ.

Avant le débat, jeudi, Paul St-Pierre Plamondon pourrait se surprendre à chanter un air connu de Ginette Reno pour se préparer : « Encore un pas, un petit pas, encore un saut et je suis là, là-haut si je ne tombe pas, non j’y suis, je ne tombe pas. »

Charles Lecavalier, La Presse

Après les pratiques, la joute

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

L’objectif ultime d’Éric Duhaime jeudi sera de faire bouger l’aiguille. Après le Face-à-Face de TVA, le Parti conservateur du Québec s’est retrouvé à égalité dans les intentions de vote avec Québec solidaire et le Parti libéral du Québec, derrière la Coalition avenir Québec, selon la firme de sondage Léger. Du jamais vu dans l’histoire récente de la formation politique.

Il s’agissait du premier débat du chef conservateur. Éric Duhaime s’est montré plus posé que lorsqu’il était animateur à la radio, habitué des déclarations incendiaires. Il a renvoyé une image plus sérieuse, peut-être un peu trop… de l’avis de son équipe.

« Un des grands défis d’Éric est de sourire », reconnaît son attaché de presse, Cédric Lapointe.

Il prend son rôle de politicien très au sérieux, mais je connais l’autre Éric, qui est souriant et qui fait des blagues. On veut s’assurer qu’il ait un air plus sympathique pour le débat.

Cédric Lapointe, attaché de presse d’Éric Duhaime

Bon communicateur, Éric Duhaime a un sens de la répartie très aiguisé. Ses répliques-chocs n’avaient pas toutes été répétées à l’avance pour le Face-à-Face. « Moi, je ne vous dirai jamais de vous présenter à Cuba », avait-il répondu du tac au tac à Gabriel Nadeau-Dubois, qui lui avait dit qu’il serait à sa place comme gouverneur du Texas.

Quelle est l’erreur à ne pas commettre ? « On ne voudrait pas qu’il commence à interrompre les gens, explique M. Lapointe. On veut qu’il reste respectueux. Qu’il ne soit pas trop calme, mais pas trop agressif. » Tâche difficile dans un débat à cinq où chaque chef devra prendre sa place sans écraser ses adversaires.

Peu habitué à ce genre de joute oratoire, Éric Duhaime a commencé à se préparer des semaines avant le premier débat de la campagne électorale. À ce jour, son équipe et lui ont fait « six ou sept pratiques », à raison d’une par semaine.

Mercredi, c’est le footballeur Arnaud Gascon-Nadon qui jouait le rôle de François Legault. Jeudi, le chef conservateur compte se concentrer sur la révision de son cadre financier et de statistiques. Comme il l’avait fait la semaine dernière, il prévoit aller courir deux fois le jour du débat, le matin et l’après-midi, pour évacuer la pression et s’assurer d’avoir une bonne concentration.

Mylène Crête, La Presse