François Legault a reconnu vendredi que le tunnel autoroutier à quatre voies qu’il projette entre Québec et Lévis ne repose sur aucune étude valide, la dernière datant du temps des libéraux et concernant un tout autre projet. Un constat « étonnant », mais qui appelle surtout à se mettre au travail, selon des experts.

« C’est encore juste une idée »

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Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal

Pour Jean-Philippe Meloche, professeur à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal, l’absence d’études à jour sur le projet de troisième lien est « un peu étonnante ». « Mais en même temps, pour être pour le projet, il ne faut pas avoir vu une étude dessus, parce que si on en avait vu, on réaliserait que ça n’a pas d’allure », lance-t-il. « Au fond, tout ce qu’on véhicule à ce jour au gouvernement, c’est encore juste une idée d’un projet, mais on n’a pas encore fait d’étude approfondie pour évaluer si ça cadre avec nos besoins », juge-t-il.

Comparer avec d’autres solutions

Chez Trajectoire Québec, la directrice générale Sarah V. Doyon déplore que les propos de François Legault « viennent confirmer qu’on a besoin de comparer [le troisième lien] avec des alternatives peut-être plus durables ». La réalité, dit-elle, c’est qu’« il n’y a jamais eu d’analyse d’opportunité depuis 2018 ». « Ça vient confirmer que ce n’est pas en ajoutant une infrastructure routière qu’on vient régler les problèmes de congestion. En fait, le troisième lien serait une première », ironise celle qui est aussi membre de la coalition Non au troisième lien, en se disant impatiente de voir d’autres études gouvernementales.

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Sarah V. Doyon, directrice générale de Trajectoire Québec

Accélération de l’étalement urbain

Pierre Barrieau, expert en planification des transports et chargé de cours à l’UQAM, est d’avis qu’une question se pose maintenant : « Est-ce que le gouvernement a manqué de temps, ou il a juste décidé de ne pas faire les études parce qu’il savait que le résultat serait négatif pour lui ? » Dans les deux cas, ajoute M. Barrieau, il faut s’appuyer sur les faits. « Dès 1974, les études ont démontré que toute amélioration de temps de déplacement amène l’accélération de l’étalement urbain, ce qui fait en sorte que quelques années plus tard, on arrive au même temps de déplacement. Les études que M. Legault aurait fait faire, elles auraient démontré ça », lance-t-il, rappelant toutefois qu’« un projet politique, au fond, n’a pas besoin d’acceptabilité sociale ».

« Il faut faire un vrai état des lieux »

Le titulaire de la Chaire UNESCO en paysage urbain de l’Université de Montréal, Shin Koseki, estime pour sa part qu’il faut surtout « faire un vrai état des lieux » du projet. « Il nous faut maintenant mettre à jour les études qui ont été faites, en évaluant dans quelle mesure la situation a changé par rapport à 2018, et aussi le risque que les modifications au projet aient un impact sur les résultats de l’étude », explique-t-il. « Tout ça illustre la nécessité de ne pas y aller de décisions hâtives pour des raisons politiques, de prendre le processus au sérieux. C’est un projet qui aurait un impact considérable sur des générations de Québécois. On doit être vraiment certain de comprendre les enjeux que ça génère », conclut M. Koseki.