Depuis hier, les chefs des différents partis ont pris du recul en vue de la première de deux épreuves qui marqueront la campagne électorale : les débats des chefs. Comment se préparent-ils à cette épreuve décrite par d’anciens stratèges et au moins une ancienne participante comme la plus « stressante » d’une carrière politique ? En lisant, beaucoup, en faisant des simulations, et parfois même en regardant leurs performances passées.

Jeudi soir, ils se retrouvent dans un format face-à-face, dans les locaux de TVA Nouvelles, à Montréal, une formule différente du débat ouvert de Radio-Canada, qui aura lieu le 22 septembre, et où des questions du public ont déjà été posées par le passé.

Tous ces détails peuvent sembler techniques, mais les équipes qui s’occupent de la préparation des chefs les étudient avec minutie. Chaque parti a d’ailleurs délégué un représentant dans les bureaux de TVA Nouvelles le mois dernier afin de se faire présenter les lieux et le déroulement de la journée.

Très important : connaître ses chiffres

Mais si tous les chefs consacrent du temps à la préparation du débat, ils ne le font pas tous de la même manière. Par exemple, l’ancienne cheffe du Parti québécois Pauline Marois, s’attaquait à des centaines de pages afin de connaître du bout des doigts les détails de la plateforme électorale, se remémore son ancien chef de cabinet adjoint, Dominique Lebel.

« Les chiffres, c’est très important pour elle. Madame les questionnait, les apprenait par cœur, les notait, etc. Elle accordait beaucoup d’importance à avoir des informations exactes, c’est vraiment quelque chose qui la caractérise », explique celui qui a participé à la préparation de « la dame de béton » à deux reprises, en 2012 et en 2014.

Mais les candidats ne s’arrêtent pas là. Ils ajoutent des simulations, où leurs équipes tentent de voir venir les coups des adversaires et tentent de préparer des ripostes.

Déjà, cette année, plusieurs députés, dont les libéraux André Fortin et Christine St-Pierre, le solidaire Vincent Marissal et le péquiste Pascal Bérubé, ont confirmé qu’ils participeraient à la préparation de leurs chefs respectifs dans le cadre de simulation.

On tente alors de prévenir toute surprise qui pourrait déboussoler le chef, le faire trébucher. Certains candidats, lors de simulations, vont même jusqu’à recréer la hauteur du lutrin, et ce, afin de s’assurer que le candidat soit le moins surpris possible avant la joute oratoire.

« Moins il y a de surprise, plus le candidat va être à l’aise. Tu veux recevoir des questions que tu as déjà entendues à l’entraînement, avec une idée de quoi répondre, même si ce n’est pas la ligne géniale que tu souhaites », explique Dominique Lebel.

Un débat cacophonique en vue ?

Pour la première fois dans l’histoire du Québec, cinq chefs vont prendre part aux débats, une crainte pour l’ancienne co-porte-parole de Québec solidaire Françoise David, qui s’est prêtée à l’exercice en 2012 et en 2014. « La cacophonie, je suis la première à trouver ça un peu insupportable. À quatre, il y avait déjà un défi, donc à cinq, je peux imaginer que les diffuseurs s’arrachent un peu les cheveux. Ça ne sera pas facile », estime-t-elle.

En tant que co-porte-parole de Québec solidaire, Françoise David s’y est soumise en 2012, puis en 2014.

C’est horriblement stressant. […] Le souvenir que j’ai de 2012, c’est celui d’un stress incroyable qui commence le matin et qui se termine une fois le débat terminé, se souvient-elle. Non, c’est éprouvant, il ne faut pas sous-estimer ce que ça demande, et ça doit être pareil pour tout le monde.

Françoise David

Cette dernière insiste sur l’importance de performer « dès la première heure », au moment où le plus de spectateurs sont encore attentifs.

L’avantage de l’expérience ?

François Legault est le seul des cinq chefs qui participeront au débat des chefs ce jeudi soir à s’être déjà prêté à l’exercice, même qu’il l’a déjà fait à trois fois : en 2012, 2014 et 2018.

Mais le vétéran devra pour la première fois défendre son bilan en tant que premier ministre sortant. L’avantage, estime Harold Fortin, qui a participé à la préparation de l’ancien premier ministre libéral Philippe Couillard en 2014 et en 2018, c’est qu’il connaît mieux ses forces et ses faiblesses, mais ses adversaires ont l’avantage de pouvoir visionner ses anciennes performances pour déceler des failles, pointe l’ancien stratège.

Dans certains cas, cela peut être utile aux candidats. Harold Fortin confie avoir déjà regardé des séquences de Philippe Couillard entre deux débats, lors d’une même campagne, afin d’améliorer certains points.

Se faire connaître du public

Pour certains chefs, au-delà d’une bonne performance, il s’agit d’une occasion en or de se faire connaître du public, même si les cotes d’écoute à la télévision sont en chute libre depuis quelques éditions.

Rappelons que cette année, deux chefs de parti, Paul St-Pierre Plamondon, du Parti québécois (PQ), et Éric Duhaime, du Parti conservateur du Québec (PCQ), n’ont jamais été élus. Pas moins de 1 million de téléspectateurs avaient regardé chaque débat en 2018.

« Je me souviens qu’en 2012, dans mon cas, c’était encore plus important pour moi de faire une bonne performance, parce que je savais que ça pouvait peut-être faire la différence pour moi, dans ma circonscription », se souvient à juste titre Françoise David, qui a alors été élue pour la première fois quelques jours plus tard, dans Gouin.

Jeudi, tous ces anciens pourront tranquillement regarder le débat de leur salon, sans s’arracher les cheveux à la moindre bévue de leur candidat.

Les détails du Face-à-face Québec 2022

Animée par Pierre Bruneau, cette édition du Face-à-face Québec 2022 présentera « trois thèmes », chacun composé de « trois blocs », divisés ainsi :

  • L’environnement, la qualité de vie et l’économie
  • La santé, la famille et l’éducation
  • L’immigration, la langue et l’identité

Chaque bloc débutera par un débat ouvert entre tous les candidats, puis suivront des échanges à deux, dont les participants seront déterminés au hasard. Du fait de la présence d’un nombre impair de chefs, l’un d’entre eux aura alors la chance d’intervenir à deux reprises dans chaque bloc. On ne saura pas avant le début du débat quels chefs s’affronteront sur quels thèmes, dont la sélection relève d’un choix éditorial de TVA Nouvelles. Le débat se conclura par un tour de table, puis les chefs auront une minute chacun pour s’adresser directement aux électeurs.

En savoir plus
  • 996 000
    Cotes d’écoute de l’édition 2018 du Face-à-face Québec
    source : Le SOLEIL