La région de Québec se trouve jusqu’ici au cœur de la campagne électorale 2022, surtout chez les conservateurs et les caquistes, qui y passent beaucoup de temps pour espérer faire des gains, ou défendre des fiefs. Chez Québec solidaire, on adopte une stratégie différente, en privilégiant les régions hors des grands centres.

Chaque jour, les chefs des cinq principaux partis politiques se déplacent dans la province, dans l’espoir de convaincre le plus d’électeurs de voter pour eux. Mais au-delà de leurs promesses, leur simple présence dans une circonscription témoigne de leur espoir d’y faire élire un candidat ou de conserver leur siège.

D’emblée, il semble clair que la région de Québec est particulièrement convoitée par Éric Duhaime et François Legault, qui y ont respectivement passé 41 % et près de 30 % de leur temps. Avec seulement 10 % de la population, la région a recueilli près du quart des visites des chefs jusqu’ici, au total. À titre de comparaison, les chefs ont passé le tiers de leur temps dans le Grand Montréal, où l’on retrouve la moitié de la population.

Le reste du Québec, quant à lui, a reçu environ 42 % des visites politiques, alors qu’il représente 40 % de la population provinciale.

CAQ : dans ses fiefs d’abord

Nom de l’autocar : Le Bec-de-sœur (5750 km parcourus)

Signe que le parti de François Legault veut d’abord préserver ses acquis, nos données montrent que près des trois quarts des circonscriptions visitées par le premier ministre sortant (72,5 %) étaient déjà en territoire caquiste, la plupart acquises lors des élections de 2018. Le reste du temps, M. Legault s’est surtout rendu en territoire libéral (17,6 %), délaissant les terres péquistes (3,9 %) ou solidaires (5,9 %). « La CAQ est très consciente de la montée des conservateurs. Elle fait donc campagne dans des fiefs où elle se sent en danger. On joue plus défensif », observe le directeur du Groupe de recherche en communication politique de l’Université Laval, Thierry Giasson.

QS : tendance à la régionalisation

Nom de l’autocar : L’Orange mécanique (5670 km parcourus)

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Jusqu’ici, Gabriel Nadeau-Dubois a passé près des deux tiers de son temps en région. Beaucoup y voient un signe clair que le parti de gauche veut faire encore plus de gains hors des grands centres urbains et, surtout, de Montréal. Sur le podium de presse du parti, on a pu lire à quelques reprises : « La nouvelle voix des régions ». La formation est de plus celle ayant passé le moins de temps dans la région de Québec (10 %) et parmi celles ayant le moins fait campagne à Montréal (29 %). « Ça montre que QS essaie vraiment de se débarrasser une fois pour toutes de l’étiquette de Clique du Plateau, de parti montréalais. Ils mettent le paquet pour se positionner en région », analyse le professeur en journalisme politique de l’UQAM Patrick White.

PCQ : dans les terres caquistes

Nom de l’autocar : Liberté 125 (5588 km parcourus)

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec, lors d’une annonce portant sur l’opposition du parti au projet actuel de tramway de Québec, le 7 septembre

Les visées d’Éric Duhaime sont claires : faire des gains dans des terres acquises par la Coalition avenir Québec en 2018. Il y passe d’ailleurs l’essentiel de son temps, avec tout près de 70 % de ses visites. Le reste va à des fiefs libéraux (13 %) et solidaires (17,4 %). Depuis le début de la campagne, M. Duhaime et ses troupes ont passé 41% de leur temps dans la région de Québec, contre 28% dans la métropole et 30% dans le reste des régions. « Leur stratégie se concentre vraiment sur Québec, mais ça risque en même temps de marginaliser le parti géographiquement. Peut-être ont-ils une stratégie étapiste, sur plusieurs années. Mais là, on met tous ses œufs dans le même panier », commente Patrick White.

PQ : à Montréal et ailleurs

Nom de l’autocar : Le carrosse de Cendrillon (5453 km parcourus)

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois, serre la main d’un électeur après avoir présenté sa candidature dans Camille-Laurin au bureau d’Élections Québec, le 9 septembre.

Le chef Paul St-Pierre Plamondon a fait campagne à plusieurs reprises dans la circonscription où il tente de se faire élire pour la première fois : celle de Camille-Laurin, détenue par le caquiste Richard Campeau, l’un des deux seuls représentants du gouvernement Legault dans l’île de Montréal, avec Chantal Rouleau. Les péquistes ont ainsi passé beaucoup de temps dans la métropole (43 %), mais aussi en région (45 %), mais très peu dans la région de Québec (12 %). La moitié du temps, le parti était dans des terres de la CAQ (49 %), et environ le cinquième du temps dans ses circonscriptions (20 %) ou celles des solidaires (18,5 %), voire des libéraux (12 %). « Pour les péquistes, il s’agit surtout de ne pas perdre l’est du Québec, Jonquière ou voir la Gaspésie basculer chez QS. Ça se sent dans les chiffres », conclut M. Giasson.

PLQ : maintenir les acquis

Nom de l’autocar : Le Voyant rouge (4918 km parcourus)

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du Québec, faisant du porte-à-porte dans la circonscription libérale de Laval-des-Rapides, le 11 septembre

À ce jour, les libéraux de Dominique Anglade sont ceux qui passent le plus de temps dans leurs propres circonscriptions parmi les partis de l’opposition (35 %). Le parti, qui assurait en début de campagne vouloir partir à l’offensive, vise largement les fiefs caquistes (48 %), mais aussi solidaires (17 %) dans ses arrêts de campagne. Pour le reste, la formation a partagé le gros de son temps entre le Grand Montréal (40 %) et le reste de la province (40 %), ne passant ainsi que le cinquième de son temps dans la région de Québec (20 %). « On sent une volonté d’aller jouer sur le terrain de la CAQ, probablement beaucoup dans la région de Montréal et de l’Outaouais. C’est là qu’ils peuvent faire des gains », dit Thierry Giasson.

Avec la collaboration de Pierre-André Normandin, La Presse

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    Nombre de visites depuis le début de la campagne dans Camille-Laurin, qui remporte la palme de la circonscription la plus fréquentée. Sept sont venues des péquistes et de leur chef, Paul St-Pierre Plamondon. Sherbrooke suit, avec neuf visites, dont six ont été libérales.
    Source : DONNÉES COLLIGÉES PAR LA PRESSE