(Montréal) Un duel fort attendu avec Éric Duhaime sur la gestion de la pandémie. Des échanges vifs avec Gabriel Nadeau-Dubois sur l’environnement et les impôts. Une passe d’armes avec Paul St-Pierre Plamondon sur la protection du français. Une collision avec Dominique Anglade sur l’immigration. Visiblement irrité par moments, François Legault a été malmené par ses adversaires lors du premier débat des chefs jeudi soir.

Le chef caquiste a été attaqué sur sa gauche et sur sa droite, alors que Gabriel Nadeau-Dubois et Éric Duhaime l’ont rapidement mis sur la défensive au cours du Face-à-Face 2022 de TVA. Sous le feu des critiques, on a vu M. Legault baisser la tête et faire la moue à plusieurs reprises.

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Le chef caquiste a souvent cherché à répliquer à ses adversaires en mettant en doute le sérieux de certains de leurs engagements et en leur posant des questions. Une stratégie qui n’a pas toujours été heureuse : l’animateur Pierre Bruneau lui a lancé un avertissement, car il était nettement hors sujet.

S’il a gardé un ton posé pendant la plus grande partie du débat – fidèle à son style depuis le début de la campagne –, Paul St-Pierre Plamondon a eu non pas un, mais deux débats corsés avec M. Legault à la fin du Face-à-Face.

Effacée pendant une bonne partie du débat, Dominique Anglade avait manifestement comme stratégie de parler de ses promesses au maximum. Elle a eu un regain d’énergie en clôture de débat sur le thème de l’immigration.

Troisième lien

Dès le lever de rideau sur l’environnement, François Legault a fait face à un tir groupé, chose à laquelle il devait s’attendre à titre de meneur de la course électorale. Le chef conservateur Éric Duhaime lui a d’abord reproché son manque de transparence. Il a coincé M. Legault en le mettant au défi de rendre publiques les études déjà réalisées sur son projet de tunnel autoroutier entre Québec et Lévis. « Je veux que vous regardiez les Québécois dans les yeux. Est-ce que oui ou non vous allez les diffuser ? Les électeurs ont le droit de savoir avant le 3 octobre ! », a lancé M. Duhaime.

M. Legault a décliné l’invitation, plaidant que ces études ne tenaient pas compte de l’arrivée massive du télétravail et des modifications apportées au projet.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon s’en est mêlé.

La CAQ se concentre sur des projets de tunnel en fonction du sondage du jour. C’est à se demander si les architectes de leur tunnel, c’est les animateurs de Radio X !

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, l’a aussi attaqué sur cette question : « On aura beau toutes boire nos 7 UP avec une paille en carton, si M. Legault fait un troisième lien, ça va annuler tous les efforts des gens ! » Il a décoché une flèche en direction de M. Duhaime, dont le programme en environnement « est un peu le programme de M. Legault sur les stéroïdes », croit-il. « Présentez-vous comme gouverneur du Texas, vous allez être vraiment à votre place ! »

François Legault et Gabriel Nadeau-Dubois ont également connu de vifs échanges au sujet des taxes et des impôts. « Vous passez beaucoup de temps à parler de la classe moyenne, mais la vérité, c’est que vous ne la connaissez pas. […] La classe moyenne n’a pas 2 millions mis de côté […]. Vous êtes déconnecté », a asséné M. Nadeau-Dubois.

Piqué au vif, M. Legault a répliqué : « Quand vous dites que vous allez mettre une taxe orange de 4800 $ sur une Toyota Camry et une taxe orange de 7500 $ sur quelqu’un qui achète une fourgonnette familiale, si c’est pas la classe moyenne, c’est qui, ça ? La classe moyenne, là, c’est pas des gros riches qu’il faut taxer ! »

En matière d’imposition, le chef conservateur s’est vanté d’être celui qui promet les baisses les plus importantes. « Mais justement, est-ce que vous allez gérer les finances du Québec comme vous gérez vos finances personnelles ? », lui a demandé Pierre Bruneau, qui faisait allusion aux reportages sur ses taxes impayées. Il n’a pas vraiment eu de réponse.

Duel sur la pandémie

On l’attendait depuis longtemps, ce premier affrontement Duhaime-Legault sur la pandémie. Le chef conservateur a accusé François Legault d’avoir « infantilisé » les Québécois et d’avoir été « le pire confineur du continent » en imposant des mesures sanitaires.

Je ne suis pas venu en politique pour fermer les commerces et mettre des masques. J’ai fait ça pour sauver des vies.

François Legault, premier ministre du Québec

Il ne s’est pas fait prier pour dégainer à son tour : « Je comprends que les Québécois soient tannés des mesures, mais qu’un leader comme vous, pour gagner des votes, n’appuie pas les mesures alors que tout le monde ramait dans la même direction, vous avez tiré dans le fond de la chaloupe ! »

Les deux chefs politiques se sont aussi colletés lorsque M. Legault a sommé M. Duhaime de s’expliquer sur les coupes qu’il veut faire pour réduire la taille de l’État.

Vous avez clignoté à droite pour vous faire élire il y a quatre ans, et vous avez viré à gauche.

Éric Duhaime à François Legault

Dominique Anglade ne l’a pas eue facile à certains moments, surtout lorsqu’Éric Duhaime et Gabriel Nadeau-Dubois ont souligné à grands traits son passé caquiste. Alors que Dominique Anglade reprochait au premier de réfléchir comme dans les « années 1950 » en faisant la promotion des hydrocarbures, il lui a remémoré un passé plus récent. « Vous étiez avec M. Legault, comme présidente de la CAQ, et vous étiez une championne qui disait qu’il fallait développer les hydrocarbures. Vous vouliez avec M. Legault faire du Québec la Norvège d’Amérique. Avez-vous oublié ça ? », a-t-il demandé.

M. Nadeau-Dubois a dénoncé sa vision caquiste, qui nuit selon lui à la capacité de Mme Anglade à être une bonne opposition à M. Legault. « Des fois, les gens se demandent pourquoi le Parti libéral n’a pas été une bonne opposition officielle durant quatre ans, et on vient d’en avoir un bel exemple. Vous venez de parler exactement comme François Legault parle tout le temps. […] Vous avez la même vision pour le Québec, d’ailleurs vous êtes une ancienne caquiste. Toute est dans toute ! », a-t-il lancé.

Échanges corsés

Plus tard dans le débat, les esprits se sont échauffés entre Mme Anglade et M. Nadeau-Dubois. La cheffe libérale a critiqué le solidaire sur son intention d’investir un demi-milliard pour faire l’indépendance du Québec alors que les besoins sont criants en santé mentale. « Êtes-vous en train d’instrumentaliser l’indépendance dans un débat sur la santé mentale ? », a répondu M. Nadeau-Dubois.

Vous savez qui vous me rappelez, Mme Anglade, quand vous faites ça ? Vous me rappelez Jean Charest !

Gabriel Nadeau-Dubois à Dominique Anglade

Dominique Anglade a eu une bonne pique sur le thème de l’éducation au moment où François Legault vantait son bilan. « Si l’éducation était une priorité pour vous, vous n’auriez jamais gardé Jean-François Roberge », a-t-elle décoché.

C’est sur le sujet de l’immigration qu’elle a paru la plus énergique. Mis devant ses récentes déclarations controversées sur l’immigration, François Legault a bien plaidé que l’immigration était une « richesse », mais Dominique Anglade l’attendait de pied ferme. « Chaque fois que vous parlez d’immigration, vous le faites de manière négative. Ça envoie un très mauvais message », a-t-elle déploré.

La liberté d’expression a donné lieu à un échange corsé entre Gabriel Nadeau-Dubois et Paul St-Pierre Plamondon. D’abord assez d’accord sur les principes, le chef péquiste a forcé la main au leader solidaire pour qu’il cite le titre du livre de Pierre Vallières, ce qu’il a fini par faire.

« Bien sûr qu’on peut dire le titre du livre de Pierre Vallières Nègres blancs d’Amérique. Il n’y a aucun problème avec ça. Ce que je trouve particulier, M. St-Pierre Plamondon, c’est que vous en faites un combat personnel », lui a-t-il rétorqué.

Loi 96

Paul St-Pierre Plamondon a attaqué François Legault sur la question de la protection du français. Il a affirmé que le chef caquiste était responsable de l’anglicisation du Québec, puisque la loi 96 sur la langue française ne renverse pas le déclin selon lui. « En tant que premier ministre du Québec, vous aviez le devoir de tout faire pour protéger notre langue […] Vous avez échoué. Jamais dans l’histoire du Québec il n’y a eu une anglicisation aussi rapide parce que votre loi, c’est une loi de demi-mesures », a-t-il dénoncé.

À ce sujet, Dominique Anglade a vertement critiqué Gabriel Nadeau-Dubois pour avoir voté pour la loi 96, même si certains aspects – comme l’obligation pour les immigrants de ne recevoir des services gouvernementaux qu’en français six mois après leur arrivée – sont controversés.

Vous avez trahi vos principes en votant en faveur de ça. […] Le jour où vous avez décidé de voter pour cette loi, c’est le jour où vous avez arrêté d’être solidaire.

Dominique Anglade à Gabriel Nadeau-Dubois

Mais Éric Duhaime, du Parti conservateur, a rapidement répliqué que Mme Anglade était favorable au projet de loi avant de voter contre. « Vous l’avez même amendé pour le rendre encore pire ! You betrayed English Quebeckers ! », a-t-il lancé.

En réponse à une question de Pierre Bruneau, François Legault s’est engagé à ne jamais tenir de référendum sur la souveraineté. « Absolument, notre projet est à l’intérieur du Canada. Ce qu’on veut, à la CAQ, c’est d’aller chercher plus de pouvoirs à Ottawa », a-t-il répondu. Il a reproché à Québec solidaire et au Parti québécois de vouloir dépenser des « centaines de millions » pour le projet d’indépendance. En guise de réplique, Paul St-Pierre Plamondon a défini la CAQ comme « dépendantiste » d’Ottawa en réclamant des pouvoirs qu’ils n’arrivent jamais à obtenir. « Ils n’obtiennent que des refus, et ensuite ils disent : “Continuons.” »