Qui dit campagne électorale dit grands rassemblements, poignées de main, accolades. Sans mesures sanitaires, et au moment où la COVID-19 semble repartir à la hausse, des spécialistes appellent les candidats et les chefs de parti à « user de prudence » sur le terrain, particulièrement auprès des plus âgés et des plus vulnérables.

« Ils devraient tous être plus prudents, globalement, surtout en présence de personnes plus à risque. On comprend que c’est difficile pour quelqu’un qui fait campagne de porter un masque, mais c’est une question de respect. Il n’y a pas un candidat qui veut se retrouver à générer une éclosion qui pourrait causer décès et hospitalisations », affirme le DDavid Lussier, de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Fin juillet, avant même le déclenchement de la campagne, le Dr Lussier avait lancé un vif appel à la vigilance, alors que plusieurs élus avaient été vus en train de côtoyer des personnes âgées sans masque. Tous les partis s’étaient alors engagés à faire respecter la consigne autant que possible. Depuis, des écarts ont toutefois été remarqués. Tout récemment, lundi, le candidat caquiste Bernard Drainville a d’ailleurs retiré une photo des réseaux sociaux, où on le voyait sans couvre-visage avec une femme de 96 ans.

Plusieurs indicateurs pointent actuellement vers une reprise de la propagation de la COVID-19 au Québec. La province a rapporté mardi 902 nouveaux cas. Ceux-ci portent la moyenne quotidienne à 765. La tendance est ainsi en hausse de 11 % sur une semaine. La part des tests de dépistage par PCR s’avérant positifs à la COVID-19 demeure élevée, à 8,6 %. Le nombre de travailleurs absents en raison de la pandémie a aussi augmenté depuis une semaine. Ils étaient 3470 mardi à devoir s’isoler, soit 9 % de plus qu’il y a sept jours.

« Une menace réelle »

À l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM), la professeure Roxane Borgès Da Silva prévient « qu’à partir de la semaine prochaine, avec l’arrivée du temps plus froid, on peut penser que la transmission de la COVID-19 risque de redoubler, ou du moins augmenter ».

« On en a tous marre. Mais épuisement ou pas, c’est une menace réelle, donc il faut absolument développer une résilience pour faire face à ça, et éviter une catastrophe. Toutes les personnes en campagne doivent appliquer le principe de précaution au maximum », soutient-elle du même souffle.

Pour le DAndré Veillette, chercheur à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM), il est évident qu’une huitième vague de contamination doit être envisagée. « Avec le froid qui arrive, oui, mais aussi les rencontres qui se multiplient, les services qui reprennent, la baisse en même temps de la protection vaccinale, on doit s’y attendre en pleine campagne électorale », évoque-t-il.

Campagne ou pas campagne, je pense qu’on devrait tous suivre les mêmes mesures. S’il y a soudainement beaucoup de cas, on porte le masque, on se rencontre dans des endroits bien ventilés, on pratique la distanciation, et on fait faire des tests rapides aux gens au besoin.

André Veillette, chercheur à l’IRCM

Il dit regretter que les politiciens ne donnent « pas assez souvent le bon exemple ». « On devra être prêts à réagir si les cas repartent à la hausse », martèle-t-il aussi, en appelant les partis à prévoir des protocoles spécifiques en ce sens.

« La COVID existe encore »

Dans les caravanes, les partis assurent être conscients du contexte sanitaire dans lequel ils font campagne. « La COVID existe encore. On continue à se tester régulièrement, l’ensemble de mon équipe et moi. On continue à prendre les mesures qu’on avait mises en place au début de la campagne », a soulevé mardi le solidaire Gabriel Nadeau-Dubois. Son parti assure qu’il s’adaptera si la situation épidémiologique change.

« On pense qu’on en fait assez. C’est à la Santé publique de nous dire s’il y a d’autres choses qu’il nous faut changer, mais on va respecter les règles », a assuré mardi la cheffe libérale, Dominique Anglade, disant essayer au maximum « de faire des activités à l’extérieur ». « Dès que je monte [dans l’autocar], je me lave les mains pendant plusieurs secondes pour nous assurer d’éviter toute contamination. Quand on va dans des endroits qui sont fermés avec des personnes qui sont en résidence, on porte le masque », a-t-elle insisté.

Rappelant qu’il faut toujours demeurer prudent, François Legault, lui, a dit trouver « rassurant de voir les cas et les hospitalisations baisser » depuis quelques semaines. Il a d’ailleurs assuré que tout le monde se faisait tester contre la COVID-19 en cas de symptômes ; c’était le cas mardi de la ministre Chantal Rouleau, qui toussait fréquemment lors du point de presse du premier ministre sortant.

« Il y a un exercice démocratique qui doit être fait une fois aux quatre ans, et on ne peut pas enlever cet espace-là au nom de l’existence du virus, parce que ce virus-là est là pour un long bout […]. On fait attention dans la mesure de ce qui est indiqué », a offert le péquiste Paul St-Pierre Plamondon.

Le chef conservateur Éric Duhaime a quant à lui affirmé que la gestion d’une nouvelle vague de COVID-19 serait à l’image de celle que nous avons connue l’été dernier. Aucune mesure ne serait imposée. « Pour nous, les mesures coercitives n’ont pas fait leurs preuves », a-t-il évalué.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, Charles Lecavalier, Fanny Lévesque, Hugo Pilon-Larose et Mylène Crête, La Presse