(Thetford Mines) Le projet ÉCO de Dominique Anglade sur le développement de l’hydrogène vert nécessiterait l’équivalent de 21 complexes de la Romaine en production d’électricité, beaucoup plus que ce que disait la cheffe libérale en conférence de presse. Pour le réaliser, des éoliennes et des panneaux solaires devraient pousser comme des champignons, puisque la cheffe libérale écarte la construction de nouveaux barrages.

Dominique Anglade en parle dans tous ses discours depuis le début de la campagne électorale, mais pour la première fois, elle a consacré lundi une annonce à son projet ÉCO. « ÉCO pour écologie, ÉCO pour économie », comme elle le martèle. C’est « le plus grand projet économique du Québec depuis la baie James de Robert Bourassa », estime-t-elle. C’est une image, puisque Dominique Anglade ne parle pas ici d’un chantier hydroélectrique.

Son projet vise à développer et à nationaliser une nouvelle source d’énergie, l’hydrogène vert, afin d’atteindre la carboneutralité au Québec en 2050. Il représenterait des investissements publics et privés de 100 milliards de dollars d’ici là, selon elle.

Dans un autre arrêt à Laval (Mille-Îles), Dominique Anglade a expliqué en conférence de presse qu’il faudrait 100 térawattheures (TWh) d’électricité pour réaliser son projet – on extrait l’hydrogène en passant un courant électrique dans l’eau pour décomposer ses molécules.

Mais le projet est beaucoup plus gourmand en électricité que ce qu’a dit Dominique Anglade. Son équipe a en effet précisé par la suite que c’est bien 170 TWh qu’il faudrait dans les faits. C’est 21 fois la production annuelle du plus récent complexe hydroélectrique du Québec, la Romaine, sur la Côte-Nord.

« Il y a une chose qui est claire : le chantier de l’économie d’énergie, le chantier de l’éolien et le chantier du solaire, il va falloir investir de manière massive là-dedans pour y arriver, a reconnu la cheffe libérale. C’est beaucoup d’énergie qu’il va falloir aller chercher, mais c’est de cette manière-là qu’il faut y aller. C’est le projet d’une génération. »

Il est possible, selon elle, de récupérer 16 TWh en économie d’énergie ; deux fois plus que ce qu’Hydro-Québec vise d’ici 2030. Questionnée pour savoir si des mesures toucheront la vie des gens afin de changer leurs habitudes de consommation, elle a répondu que « c’est sûr que tout le monde » devra y mettre « du sien ». « Mais la grande majorité de tout ça va se faire dans les bâtiments, et ça fera l’objet d’une annonce ultérieure », ce mardi.

Cela signifie aussi qu’il faudrait installer des éoliennes et des panneaux solaires pour une production additionnelle d’électricité de pas moins de 154 TWh. C’est gigantesque.

La semaine dernière, François Legault s’est engagé à demander à Hydro-Québec d’évaluer la construction de nouveaux barrages hydroélectriques – réflexion que la société d’État a déjà amorcée, selon son plus récent plan stratégique. Mais pour Dominique Anglade, c’est une solution dépassée. Elle lui reproche de ne pas reconnaître le potentiel que représente l’hydrogène vert pour le Québec.

Dans le même document, Hydro-Québec dit avoir l’intention de « miser sur l’hydrogène vert » dans le but d’être « un moteur de la décarbonation efficiente du Québec ». La société d’État veut ainsi « électrifier indirectement des usages pour lesquels l’électrification directe n’est pas possible techniquement ou économiquement, notamment certains types de transports lourds ainsi que des procédés chimiques et industriels ».

« 45 % de ce qu’on consomme ici au Québec sont des hydrocarbures, a dit Dominique Anglade. Et ce 45 %, il doit être en partie électrifié, mais on ne pourra pas tout électrifier. Il y a des choses au Québec qu’on n’est pas capable d’électrifier parce que ce sont de très longues distances » ou parce que « les batteries sont trop lourdes », d’où la nécessité de recourir à l’hydrogène vert. C’est le cas du transport lourd, ferroviaire, maritime et aéronautique. Les secteurs de l’acier, du raffinage et du ciment pourraient également se convertir à l’hydrogène vert, ajoute le PLQ.

En après-midi, Dominique Anglade a visité une entreprise de Thetford Mines qui développe des technologies liées à l’hydrogène, ASDevices. L’un de ses dirigeants a fait le constat que le Québec tarde à se lancer dans la course mondiale pour cette source d’énergie, ce que déplore d’ailleurs la cheffe libérale. « La Chine bouge extrêmement rapidement, l’Allemagne aussi. [Ici], il manque de volonté, faut qu’on embraye », a-t-il lancé.