Parce qu’il ne voulait pas placer les jeunes électeurs « au centre d’un débat d’interprétation », le parti Québec solidaire a retiré samedi des dépliants appelant des étudiants à changer leur adresse pour voter dans la circonscription, afin de soutenir des candidats.

« Le Directeur général des élections ne nous a jamais signalé une infraction à la loi. Il y a eu un débat d’avocat sur la notion de domicile, et on a préféré ne pas s’embarquer dans un débat d’avocat en pleine campagne électorale. Les tracts ont été corrigés et on continue notre mobilisation », a plaidé le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois.

Le tract en question interpellait les étudiants en leur demandant de changer leur adresse pour voter dans des circonscriptions ciblées par Québec solidaire. « Si tu vis dans la circonscription de Sherbrooke ou de Saint-François pendant tes études, Christine Labrie et Mélissa Généreux ont besoin de toi pour gagner. Tu peux changer facilement ton adresse lors du vote sur ton campus », pouvait-on lire sur l’affichage distribué sur le campus de l’Université de Sherbrooke au cours des derniers jours. Le même exercice avait d’ailleurs été fait à l’Université Laval, à Québec, pour soutenir Sol Zanetti, Olivier Bolduc et Étienne Grandmont.

Dans les deux cas, la formation insistait en disant directement à l’étudiant : « tu n’as qu’à te présenter sur les lieux de vote sur ton campus avec une preuve d’identité avec photo et une preuve d’adresse […] qui confirme que tu habites dans la circonscription de ton campus pour faire ton changement d’adresse ». Puis, on conclut en affirmant que « la loi électorale reconnaît le droit de voter là où tu résides principalement ».

Cette dernière affirmation, en soi, n’est pas fausse. Mais le dépliant dans son ensemble, lui, a mené dans les derniers jours à une demande de retrait du Directeur général des élections du Québec (DGEQ).

M. Nadeau-Dubois estime que son parti n’est pas en faute et que le tract intitulé « change ton adresse » « ne demandait pas de changer d’adresse ».

« Il y a un débat sur la notion de domicile. Si vous restez pendant deux ans au même endroit et que vous allez deux semaines à Noël chez vos parents à l’autre bout du Québec, c’est quoi vraiment votre domicile ? Est-ce là où vous avez passé l’année au complet, ou là où vous êtes allé passez vos vacances de Noël ? », a précisé le chef parlementaire de Québec solidaire.

Une guerre partisane ?

Par écrit, une porte-parole du parti, Gabrielle Arguin, a confirmé samedi que les dépliants ont été retirés. « Nous ne voulions pas mettre les centaines de jeunes qui s’impliquent sur leur campus pour Québec solidaire au centre d’un débat d’interprétation de loi et se faire menacer d’amendes. Clairement, qu’il y a des partis qui n’ont pas intérêt à ce que les jeunes votent là où ils habitent réellement », a-t-elle aussi insisté.

Elle faisait ainsi référence, dans une attaque à peine voilée, au fait que d’autres partis adverses de Québec solidaire dans Sherbrooke — notamment la Coalition avenir Québec (CAQ), qui y présente Caroline St-Hilaire — pourraient être derrière l’affaire, en ayant signalé la situation au DGEQ. M. Nadeau-Dubois est allé plus loin. « Je pense que la CAQ a peur du vote des jeunes. La CAQ a peur du vote des jeunes parce que les jeunes, leur priorité, c’est la lutte aux changements climatiques, le principal talon d’Achille de François Legault », a-t-il affirmé.

Plus tôt cette semaine, vendredi, Élections Québec avait justement annoncé que les étudiants pourront exercer leur droit de vote directement sur leurs campus dès le 23 septembre, et ce, durant quatre jours.

Lors des dernières élections générales au Québec, en 2014 et en 2018, environ 80 % des votes enregistrés sur les campus ont été comptabilisés dans une autre circonscription que celle du campus. C’est parce que « souvent, les étudiants vont habiter à proximité de leur lieu d’étude, mais leur domicile est toujours à la maison de leurs parents, qui peut se trouver dans une autre circonscription », avait noté Élections Québec.

« Ils votent alors pour une personne candidate de la circonscription de leur domicile. C’est l’esprit du vote sur les campus : éviter aux étudiants d’avoir à se rendre dans leur circonscription pour exercer leur droit de vote », avait aussi précisé l’organisme.

Ce dernier a par ailleurs précisé « pour faire une demande de changement de domicile, l’électeur doit démontrer qu’il habite réellement dans un autre lieu et qu’il a l’intention d’en faire sa principale demeure ».