(Sherbrooke) Il était temps que Dominique Anglade sorte de la grande région de Québec. Qu’elle change d’air. Parce que sa campagne était en train de s’enliser.

C’est encore loin d’aller comme sur des roulettes, l’autocar n’a pu éviter un nid-de-poule – un autre candidat s’est retiré ! –, mais la petite virée de la cheffe libérale à Sherbrooke mercredi a été sa meilleure performance jusqu’ici.

Un bain de foule au Carrefour de l’Estrie où l’accueil a été positif. Un rassemblement militant digne de ce nom, sans être exceptionnel. Et un discours plus senti. Enfin, on dirait une « vraie » campagne, pour reprendre le slogan libéral.

C’était plutôt anormal jusqu’à maintenant. A-t-on déjà vu un chef de parti faire un bain de foule dans une circonscription où il n’a pas encore de candidat ? Participer à des rassemblements de 30 militants pour les jours 2 et 3 d’une campagne ? Annuler un évènement, en promettre un autre à la place puis y renoncer pour laisser l’autocar des médias poireauter pendant des heures ?

« On joue à l’offensive », a expliqué Dominique Anglade mercredi. Le Parti libéral du Québec (PLQ) ne comptait aucun député dans la grande région de Québec à la dissolution de la Chambre. « C’est sûr qu’une stratégie où on joue à l’offensive, ça peut paraître plus difficile. »

Fort bien, mais passer autant de temps à Québec – et pas du « temps de qualité », pour ainsi dire ! – reste inexplicable.

Elle en a eu, de la chance, Dominique Anglade, d’avoir une certaine attention dans les circonstances depuis le début de la campagne. Le faux pas de François Legault sur « cette madame » au jour 1, sa promesse de baisser les impôts le lendemain en même temps que celle du chef caquiste, idem ensuite avec l’allocation aux aînés : elle a pu se tailler une place dans les médias, presque par accident. Sinon, les difficultés du parti auraient pris toute la place.

Ratiba Fares a retiré sa candidature dans Mégantic pour des raisons professionnelles, selon les explications du parti. Plus tôt cette semaine, les mêmes raisons avaient été invoquées par François Beaulé pour justifier son retrait de la course électorale dans Vanier-Les Rivières.

C’est sans compter une candidate pressentie dans Richmond qui s’est désistée – le parti a finalement trouvé une candidature mardi pour cette circonscription de l’Estrie.

Il manque encore 16 candidats. On aura beau dire dans le camp libéral que c’est déjà arrivé lors d’autres campagnes, il reste que c’était généralement dans le but d’annoncer des vedettes lors de la première semaine de campagne. Comme le trio Carlos Leitão, Martin Coiteux et Jacques Daoust sous Philippe Couillard. Ce n’est pas la même situation aujourd’hui.

Dans la grande région de Québec, Portneuf et Bellechasse sont toujours orphelines de candidature libérale. Le PLQ n’a pas de porte-couleurs dans six circonscriptions de l’est du Québec. Il lui en manque aussi en Montérégie, dans Lanaudière, en Estrie et au Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Dominique Anglade a reconnu que son plan pour stimuler le dépôt de candidatures n’a pas été « aussi évident qu’on pensait ».

En février, elle s’engageait à tenir des investitures ouvertes dans « une bonne majorité » des 125 circonscriptions. Avec une investiture ouverte, un chef laisse les membres choisir le candidat. Il cherche à stimuler le dépôt de candidatures et à faire augmenter le nombre de membres.

Or, le PLQ a tenu des investitures ouvertes dans seulement neuf circonscriptions, selon les avis envoyés aux médias au cours de l’année.

Dominique Anglade se dit satisfaite des investitures ouvertes qui se sont tenues dans Chomedey, à Laval, et Bourassa-Sauvé, à Montréal. Dans les deux cas, le nombre de membres est passé d’environ 250 à « plus de 2000 ». Cela ne s’est « jamais vu dans l’histoire du parti », a-t-elle insisté. Mais dans Maurice-Richard, à Montréal, l’investiture ouverte n’a pas donné lieu à une course : le candidat Jonathan Marleau a été élu par acclamation puisque son adversaire n’était pas parvenu à recueillir la signature d’au moins 25 membres, une condition prévue dans les règlements du parti.

Annoncées lors du dévoilement de la plateforme libérale au printemps, les promesses de Dominique Anglade ne réservent pas beaucoup de surprises jusqu’ici. Et la cheffe libérale a du mal à leur donner un nouvel élan. C’est Marwah Rizqy qui a sorti des formules-chocs pour vendre l’engagement de la gratuité des programmes particuliers pédagogiques dans les écoles publiques. Elle a fait mouche en accusant le gouvernement Legault d’avoir « légalisé un système à double vitesse » dans le réseau public et de compromettre l’égalité des chances.

Mercredi après-midi, au Carrefour de l’Estrie, Dominique Anglade est allée à la rencontre d’un nombre appréciable d’électeurs pour la première fois de la campagne.

Les libéraux du coin reconnaissent que la lutte sera très difficile contre la députée solidaire sortante Christine Labrie et la caquiste Caroline St-Hilaire dans cette circonscription représentée auparavant par Jean Charest puis Luc Fortin.

En soirée, devant des militants de Sherbrooke, Dominique Anglade a pris le temps de répondre aux questions de l’auditoire dans une formule town hall qu’on voit rarement de la part d’un chef en campagne. Le risque est plutôt limité, mais Dominique Anglade a pu montrer un nouveau visage. Elle a changé d’air.

« Mademoiselle Anglade », lui a lancé un participant qui s’apprêtait à lui poser une question. « Oh, j’aime ça, ça, a-t-elle répondu du tac au tac. Ça me change de la madame ! »