(Lévis et La Pêche) François Legault concède que le poids démographique du Québec au Canada pourrait diminuer dans le contexte où la CAQ promet de limiter le seuil d’immigration à 50 000 par année. Les partis politiques se livrent une bataille de chiffres sur le nombre d’immigrants à accueillir. Le Parti québécois est le seul à vouloir le réduire en l’abaissant à 35 000.

Le Parti québécois (PQ) a ouvert le bal lundi en promettant d’abaisser les seuils d’immigration. La formation politique ne souscrit pas à l’argumentaire voulant que la hausse des seuils d’immigration comble la pénurie de main-d’œuvre. Paul St-Pierre Plamondon affirme que « cette prémisse est fausse et non fondée » et estime en ce sens que ses adversaires font fausse route avec leurs engagements.

Le Parti libéral du Québec (PLQ) et Québec solidaire (QS) promettent de rehausser le seuil, tandis que la Coalition avenir Québec (CAQ) veut le maintenir au niveau actuel. Le Parti conservateur du Québec se dit de son côté à l’aise avec un seuil fixé à 50 000.

Pour juguler la crise de la main-d’œuvre, le Conseil du patronat du Québec presse le prochain gouvernement de faire passer le seuil d’accueil annuel à 80 000 immigrants.

« Le fait d’ajouter des personnes ne change pas, ne règle rien à la pénurie de main-d’œuvre parce que ces personnes-là sont à la fois travailleurs et consommateurs, et leur consommation nécessite l’équivalent de travail que leur prestation de travail individuel », a plaidé le chef du PQ lors d’un court arrêt à Lévis.

Il a par ailleurs affirmé qu’il fallait tenir compte de la capacité d’accueil du Québec tandis que la province est frappée par une crise du logement et touchée par une pénurie de médecins et d’enseignants. Le PQ précise que ses engagements ne touchent pas à l’accueil de travailleurs temporaires.

Un argument similaire à celui du chef caquiste, qui estime qu’augmenter le seuil d’immigration à plus de 50 000 dépasserait la « capacité d’accueil » du Québec. Il n’existe à ce jour aucune étude qui a mesuré ce seuil.

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Le chef caquiste, François Legault, lors d’un arrêt dans un restaurant de Gatineau lundi

François Legault balaie également du revers de la main les demandes répétées des groupes économiques pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. La CAQ préfère à ce sujet miser sur la requalification des employés qui travaillent dans des secteurs en perte de vitesse plutôt que de hausser le seuil d’immigration.

Selon le chef caquiste, le seuil proposé par le Parti québécois, 35 000, est cependant trop bas et nuirait à la croissance économique.

Dans la première année d’un mandat libéral, le Québec accueillerait 70 000 nouveaux arrivants.

C’est nécessaire pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre et pourvoir les 270 000 postes vacants au Québec, a plaidé Dominique Anglade.

Des ententes seraient conclues avec chacune des régions afin de fixer le seuil qui s’appliquerait sur leur territoire pour les années suivantes. Donc, pour les années à venir, « ça peut être plus que 70 000, ça peut être moins, ça va dépendre des régions ».

Or, la cheffe libérale a précisé par la suite que « réduire le seuil ne va pas dans la bonne direction ». « C’est sûr qu’on ne sera pas d’accord avec 35 000 », a-t-elle également dit en réaction à la promesse du PQ.

Le poids du Québec au Canada

Malgré tout, si Ottawa choisit d’aller de l’avant en accélérant comme il entend le faire le nombre d’immigrants qui viennent s’établir chaque année au pays, le poids démographique du Québec diminuera dans la fédération canadienne au profit des autres provinces qui accueilleront ces nouvelles familles.

François Legault a affirmé lundi qu’il acceptait ce fait au nom de la protection du français.

Et pourquoi le gouvernement fédéral accorderait-il alors une attention particulière aux demandes du Québec, si son poids au sein de la Chambre des communes diminue ?

« Parce que le Québec, c’est une nation. On a parlé longtemps d’être une société distincte, on est un des peuples fondateurs, et je pense que oui, on doit garder un certain poids à la Chambre des communes et on doit respecter le fait que le Québec est une nation qui a besoin de certains pouvoirs, par exemple en immigration, par exemple en matière de langue », a répondu François Legault.

Selon Paul St-Pierre Plamondon, la CAQ plonge la province « dans un dilemme sans issue » de devoir choisir entre une diminution du poids démographique du Québec ou le déclin de la langue en augmentant l’immigration. Une raison de plus de faire l’indépendance, a-t-il plaidé lundi.

Seuils et protection du français

François Legault estime que la position libérale ou celle de QS, qui souhaiterait en accueillir entre 60 000 et 80 000, pourrait accélérer le déclin du français.

« J’aurais une question pour [Gabriel Nadeau-Dubois] : comment va-t-il arrêter le déclin du français avec 80 000 immigrants par année ? Je serais bien curieux d’entendre sa réponse, à moins qu’il nous dise que ce n’est pas important pour lui, le déclin du français », a déclaré M. Legault lundi.

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Gabriel Nadeau-Dubois

Le chef parlementaire de QS a rapidement répliqué : « La différence entre M. Legault et moi, c’est que lui, il pointe du doigt et moi, j’ouvre les bras. »

« Moi, je pense que l’immigration peut fonctionner au Québec si on fait ça comme du monde. Si on accueille les gens, si on a des ressources pour que les gens s’installent dans toutes les belles régions du Québec. Si on fait le travail pour qu’il y ait de la francisation en milieu de travail », a ajouté M. Nadeau-Dubois.

Nouveauté : un gouvernement libéral pourrait réduire les exigences en matière de connaissance du français pour les immigrants qui acceptent de s’établir en région.

Avec la collaboration de Tommy Chouinard, de Charles Lecavalier et de Mylène Crête, La Presse

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