(Sherbrooke et Montréal) La libérale Marwah Rizqy accuse le chef conservateur Éric Duhaime de « canaliser la haine et la colère » dans le but de faire son entrée à l’Assemblée nationale. Ce dernier réplique qu’il fait au contraire « partie de la solution ».

La députée sortante de Saint-Laurent a fait cette sortie en conférence de presse jeudi, alors qu’elle accompagnait sa cheffe Dominique Anglade pour l’annonce d’une promesse visant à faciliter l’accès à une première propriété. On la questionnait sur les menaces de mort dont elle a été la victime et sur les mesures de sécurité supplémentaires qu’elle réclame pour les élus.

Selon Mme Rizqy, tous les leaders politiques ont la responsabilité d’apaiser les tensions sociales. Mais il y en a un qui fait exactement le contraire à ses yeux. La libérale a rappelé que « quelqu’un disait en juin que c’est le temps de rentrer la grogne au parlement ». Ce « quelqu’un », c’est Éric Duhaime. Il affirmait alors que son « objectif » est de « prendre toute cette grogne qui était à l’extérieur du parlement, puis de la faire entrer dans les murs du parlement ».

« Non, on ne veut pas une grogne au parlement, on veut des gens avec de la stature, des gens qui veulent travailler pour faire avancer le Québec, des gens qui ont des propositions. Et si votre legs démocratique, c’est de vous dire que vous allez canaliser la haine, la colère, c’est un très mauvais legs démocratique… Peut-être considérer la raison pour laquelle vous voulez faire votre entrée au parlement. Ce sera tout », a déclaré Marwah Rizqy à la toute fin de la conférence de presse. Elle a précisé que, « clairement », elle cible Éric Duhaime, avant de retourner dans l’autocar libéral avec sa cheffe.

De passage dans la région de Portneuf, la candidate caquiste dans la circonscription de Louis-Hébert et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a ajouté un témoignage personnel au sujet d’Éric Duhaime.

« Je me souviens pendant la pandémie où il a fait des gazouillis sur moi [en écrivant] des choses fausses qui attisaient encore une fois la colère des gens. Il prétendait que je vivais librement, que je ne respectais pas les consignes, ce qui était faux. Les gens disaient “on sait bien, les élus se permettent tout, ils nous donnent des consignes qu’ils ne suivent pas”. Mais c’était faux », a-t-elle rappelé.

« Je ne dis pas que c’est à cause de M. Duhaime qu’on est pris avec la haine et les problèmes sur les réseaux sociaux. Ça serait simpliste. Mais je pense qu’on a tous un devoir en tant qu’élu [ou] candidat […] de faire un devoir de véracité et d’objectivité quand on dit ou qu’on fait quelque chose », a-t-elle ajouté.

Le chef caquiste François Legault a également publié un appel à tous sur les réseaux sociaux concernant les menaces ayant été formulées récemment à l’endroit de candidats. Dans une courte vidéo, il demande « de ne pas attiser la colère ». « Ce n’est pas le Québec qu’on veut », énonce-t-il.

Partisanerie « déplorable », rétorque Duhaime

En conférence de presse jeudi, Éric Duhaime a quant à lui rétorqué que Mme Rizqy « vient de passer une ligne ». « C’est dommage, je ne comprends pas pourquoi elle fait ça. Je comprends ce sont les élections, que ça ne va pas bien au PLQ, mais c’est un terrain très glissant et je l’invite à la prudence », a-t-il soulevé.

Condamnant de nouveau la violence contre les candidats et les députés – et réitérant son « appel au calme » – le chef conservateur a toutefois dit trouver « déplorable » que le débat soit « amené sur un terrain plus partisan ». Selon lui, l’enjeu de la sécurité publique ne devrait pas avoir de « couleur politique ».

On a eu deux militants attaqués au couteau, mais moi je n’ai pas commencé à accuser une formation d’être responsable d’une montée de la tension.

Éric Duhaime, chef conservateur

Parmi les cinq principales formations politiques, Éric Duhaime est le seul chef qui ne s’est pas vu offrir de protection de la Sûreté du Québec. Questionné à savoir si, dans le contexte, il aimerait en obtenir, l’homme de 53 ans s’est fait prudent. « Je ne suis pas un expert. […] J’imagine que c’est parce qu’ils évaluent que le risque est moindre pour moi », a-t-il toutefois concédé.

Quant à la grogne sociale, M. Duhaime affirme que plusieurs Québécois ont « raison de ne pas être contents », ayant été « sacrifiés au cours des dernières années. ». « On fait partie de la solution. Quand une partie de la population se sent exclue, abandonnée ou sacrifiée par son gouvernement, la solution est de transformer ça de façon positive dans un mouvement », a-t-il dit.

L’enjeu interpelle les autres caravanes

Le chef parlementaire de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois, lui, a refusé de cibler Éric Duhaime en particulier, mais il a affirmé que certaines idées portées par des candidats du Parti conservateur du Québec lui font carrément peur. « Je n’aime pas ça voir des candidats […] dire qu’on devrait mettre des armes dans les écoles. Ça, c’est sûr. Ces idées-là, je n’aime pas voir ça circuler au Québec. […] Il n’y a personne que je rencontre au Québec et qui me dit “on a besoin de guns dans nos écoles”. Ces idées-là, oui, elles sont importées des États-Unis et elles ne m’intéressent pas », a-t-il lancé à New Richmond, en Gaspésie.

Il s’en prend au candidat du PCQ dans L’Assomption, Ernesto Almeida, qui avait été défendu par Éric Duhaime. En entrevue à l’émission Première heure, M. Duhaime a d’ailleurs affirmé que des parents québécois étaient en faveur d’armer du personnel dans les écoles.

« Nous n’avons pas le droit, directement ou indirectement, de contribuer à des tensions qui après ça mettent en danger des candidats et des candidates », a-t-il lancé. Il ne « pointe personne du doigt », mais il croit que son message est « clair ». « Ce n’est pas que je n’ose pas dire le fond de ma pensée. Il s’agit de ne pas faire de politique partisane quand il y a la sécurité de personnes qui est en jeu. En même temps, je vois des idées circuler au Québec qui me foute la trouille, et je le dis », a-t-il dénoncé.

Une « prime à l’insulte », accuse St-Pierre Plamondon

Paul St-Pierre Plamondon a refusé lui aussi de cibler le chef conservateur. « Je n’embarquerais pas là-dedans parce que j’ai l’impression que l’enjeu de fond, c’est qu’en politique en ce moment, il y a une prime à l’insulte », a expliqué le chef du Parti québécois. « Il y a une prime à insulter ou à dire des choses pour provoquer. Demain matin comme politicien, si je veux tout l’espace médiatique, j’ai juste à vous sortir des mots grossiers et agressifs », a-t-il ajouté devant l’hôpital de Gatineau.

Appelé à préciser ses propos après son annonce, Paul St-Pierre Plamondon a indiqué qu’il ne visait pas Marwah Rizqy, qui a dénoncé Éric Duhaime, puisqu’elle « est la première concernée » dans cette histoire.

Avec Charles Lecavalier, Fanny Lévesque et Hugo Pilon-Larose, La Presse

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