Les tribunaux militaires d'exception réformés par l'administration Obama vont connaître mardi un premier test à Guantanamo, avec l'ouverture du procès du Canadien Omar Khadr, dernier Occidental détenu dans la prison après avoir été arrêté à l'âge de 15 ans.

Le président américain Barack Obama avait promis de fermer en janvier dernier le centre de détention symbole des années Bush mais il a dû y renoncer, en raison notamment de l'opposition du Congrès à tout transfèrement de détenus sur le sol américain. La prison compte encore 176 détenus, contre 240 lors de l'arrivée au pouvoir de Barack Obama.

Aujourd'hui solide jeune homme de 23 ans à la barbe fournie, Omar Khadr a passé un tiers de sa vie dans les geôles de Guantanamo et n'a plus rien du frêle adolescent aux joues rebondies qu'il était lorsqu'il a été capturé par l'armée américaine en Afghanistan, en juillet 2002.

L'accusation lui reproche d'avoir lancé une grenade qui a tué un soldat américain. Elle l'accuse également d'avoir suivi un entraînement dans un camp d'Al-Qaïda puis d'avoir rejoint une cache du réseau d'Oussama ben Laden pour fabriquer des bombes artisanales.

Ces deux chefs d'accusation tombent sous l'appellation de «crimes de guerre», qui justifie aux yeux de l'administration américaine un procès devant les tribunaux militaires d'exception de Guantanamo, réformés en octobre 2009 par le Congrès pour renforcer les droits de la défense.

«Cette affaire est originale parce que l'accusé était très jeune au moment des faits reprochés», observe pour l'AFP Benjamin Wittes, expert à la Brookings Institution, un centre de réflexion de Washington.

«Je suis sûr que l'administration aurait préféré que le premier procès ne soit pas celui-là, parce que ce n'est pas le visage des nouveaux tribunaux d'exception qu'elle voulait montrer», ajoute-t-il.

Vendredi, la Cour suprême des États-Unis, sollicitée par l'avocat de M. Khadr, a refusé de suspendre la procédure judiciaire à son encontre, levant un ultime obstacle à la tenue du procès.

Prévu pour durer trois semaines, celui-ci est suivi sur place par une vingtaine de médias internationaux, dont la moitié sont canadiens. Malgré les protestations de l'opposition, le gouvernement conservateur de Stephen Harper n'a jamais voulu réclamer le rapatriement de son ressortissant.

Grièvement blessé lors de l'assaut qui a conduit à son arrestation, Omar Khadr, qui a perdu l'usage de son oeil gauche, risque la prison à vie s'il est reconnu coupable.

Il affirme avoir été maltraité lors des interrogatoires qui ont suivi son arrestation. Le juge militaire présidant le procès, Patrick Parrish, n'a pas encore dit s'il jugeait recevables les déclarations contestées.

Lors d'audiences préliminaires en juillet, l'accusé a annoncé qu'il renvoyait tous ses avocats - à l'exception d'un avocat militaire américain qu'il est tenu de conserver - et qu'il envisageait de boycotter les débats.

«Quelqu'un doit se sacrifier pour montrer au monde l'injustice (des tribunaux d'exception) et cette personne il semble que ce soit moi», a-t-il écrit fin mai.

Mais personne ne peut prédire quelle sera l'issue du procès, estime Eugene Fidell, professeur de justice militaire à Yale. «Il y a eu beaucoup de débats sur son cas: doit-il être considéré comme un enfant ? Le droit international permet-il de juger un enfant-soldat ? Mais on n'a jamais vraiment su après tout ce temps ce que l'accusation a contre lui», dit-il.

«L'examen sur le fond est peut-être dans son intérêt et qui sait, si l'administration ne parvient pas à remporter l'intime conviction du jury, il sera peut-être acquitté», ajoute ce spécialiste.