Il y a 50 ans naissait le quotidien indépendantiste Le Jour. Le premier média québécois voué à la promotion de l’indépendance du Québec.

« Un organe du Parti québécois », disaient les langues sales. C’est en partie vrai et en partie faux. Vrai parce que tous les journalistes et éditorialistes du journal étaient de fiers indépendantistes. Faux parce que le contenu du journal et l’orientation de la page éditoriale étaient décidés quotidiennement par le conseil de rédaction à pleins pouvoirs (ce conseil était formé du rédacteur en chef et de son adjoint – disposant toutefois d’un seul droit de vote – et deux journalistes élus par leurs confrères) et qu’aucun de ces journalistes intègres n’étaient des béni-oui-oui du Parti québécois (PQ). C’est d’ailleurs, selon ma courte expérience politique à l’époque, ce qui a causé la fermeture du journal Le Jour deux ans et demi après sa naissance.

J’y étais entré à l’âge de 20 ans comme journaliste aux sports, avant même de terminer mon cégep en lettres. J’ai été un des rares journalistes (je crois que nous étions cinq) à vivre toute la courte mais combien enrichissante existence du quotidien.

La raison probable de ma longévité : mon salaire de très novice, même si j’étais devenu la dernière année adjoint au chef de pupitre de l’information !

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Le premier numéro du journal Le Jour

Côtoyer durant ces deux ans et demi des journalistes tels Jacques Guay, Pierre Godin, Pierre Vallières, Paule Beaugrand-Champagne, Gil Courtemanche, Michel Samson, Rock Côté, Jean-Noël Bilodeau, Jacques Keable, Jean-Pierre Fournier, Antoine Char, sans oublier les René Lévesque, Yves Michaud, Jacques Parizeau, le caricaturiste Berthio, le légendaire Antoine Désilets et même le chroniqueur Doris Lussier (alias le père Gédéon)… et tant d’autres, a probablement été plus profitable pour moi à cette époque que de détenir un bac en journalisme, cours qui n’existait d’ailleurs même pas à cette époque, selon mon souvenir, dans nos universités.

Un avenir « prometteur »

Le Jour fut une belle aventure avec ses hauts et ses bas financiers, mais après deux ans d’existence, l’avenir s’annonçait prometteur. Le tirage était souvent supérieur à celui du Devoir et des annonceurs nationaux osaient enfin acheter de l’espace publicitaire dans nos pages.

Mais nous étions en 1976, année d’élections provinciales ! Est-ce la réalité ou une fabulation de ma part, mais les « têtes bien pensantes du PQ », qui voyaient dans les sondages internes une chance de remporter les élections, ont décidé qu’il serait plus sage de contrôler le contenu du journal pendant la campagne électorale et ils ont changé les règles du conseil de rédaction. Ils savaient très bien que les journalistes ne se gêneraient pas pour applaudir mais aussi critiquer les idées du parti, tout comme ils le faisaient pour tous les autres partis. L’objectivité d’abord.

Évidemment, les journalistes sont montés aux barricades et leur Société des rédacteurs a littéralement organisé un putsch pour reprendre le contrôle du contenu.

C’est probablement pour cette raison que le mardi 24 août 1976, même si la veille l’économiste Jacques Parizeau nous avait assuré que les finances du journal se portaient très bien, un communiqué signé par le même Jacques Parizeau est entré sur le fil de presse Telbec annonçant la fermeture du journal ! Et pour la première fois de son histoire – hasard ou prémonition –, le logo de l’édition du Jour ce matin-là était en noir, décision prise conjointement par Henri Jalbert, chef de pupitre, et moi-même, son adjoint, pour une question purement esthétique !

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Le dernier numéro du journal Le Jour

J’ai donc vécu trois mois plus tard l’élection du PQ le 15 novembre 1976 en tant que journaliste au quotidien Le Droit d’Ottawa puisqu’aucun média du Québec ne voulait prendre le risque à cette époque d’embaucher un indépendantiste !

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