Ayant subi plusieurs fausses couches, Désirée était tout heureuse de voir que cette grossesse-ci se déroulait sans problème. À 35 semaines, les examens indiquaient que Catherine était en pleine forme. Elle allait naître dans quelques jours, par césarienne. Puis, Désirée a été frappée par un virus. Le fonctionnement du placenta a été compromis. Le fœtus est mort asphyxié.

« Vous voyez, explique Désirée, lorsque vous perdez un enfant, il est fréquent que les parents se sentent coupables, ou se blâment l’un l’autre, selon les circonstances. Mais quand un enfant meurt dans votre propre corps, il n’y a vraiment personne d’autre à blâmer que vous-même. Alors, on peut vraiment broyer du noir. »

Huit ans après la mort de Catherine, mercredi, Désirée McGraw, députée de Notre-Dame-de-Grâce, a fait adopter le projet de loi 595 proclamant le 15 octobre Journée québécoise de sensibilisation au deuil périnatal.

Cette initiative transpartisane vise à améliorer le soutien offert aux 23 000 familles québécoises qui, chaque année, perdent un enfant pendant ou peu après la grossesse.

Comme l’a expliqué Mme McGraw, le deuil périnatal « est parfois particulièrement difficile à vivre pour des raisons comme le décès soudain et imprévisible, l’absence de souvenirs concrets et, dans certains cas, le manque de reconnaissance sociale ». Cela est vrai même si par la suite, comme ce fut le cas de la députée et de son conjoint, la mère donne naissance à des enfants en parfaite santé. Le souvenir de l’enfant perdu demeure profondément ancré, une réalité qui est parfois mal comprise, même par le personnel de santé.

Une grande peine

Il y a une quarantaine d’années, ma conjointe et moi avons perdu un petit garçon qui vivait dans le ventre de sa mère depuis quatre mois et demi. Le fœtus a été victime d’une grave malformation. Outre le choc d’apprendre que son bébé n’était pas viable, ma femme a dû subir un accouchement provoqué, accouchement qu’elle savait futile.

« Voulez-vous le voir ? » Nous n’étions pas prêts à répondre à cette question, posée par une infirmière peu avant l’accouchement. Nous n’avons eu que quelques minutes pour y penser, sans soutien quel qu’il soit. Nous étions pourtant à l’hôpital Sainte-Justine, haut lieu de la médecine pédiatrique au Québec. Notre réponse fut négative. Nous le regrettons depuis. Notre premier garçon est mort-né, et nous n’avons de lui aucun souvenir. Juste une grande peine.

Après l’accouchement, on nous a laissés partir, sans documentation, sans référence à un psychologue ou à un groupe d’aide.

Pendant des mois, ma conjointe a souffert en silence, alors que dans notre entourage, la plupart ne comprenaient pas : « Tu vas en avoir d’autres, voyons ! » Et nous avons en effet eu deux autres garçons. Des enfants en parfaite santé, que nous aimons plus que tout et qui nous rendent immensément fiers. Mais ce grand bonheur, qui fait de nous des gens privilégiés, n’efface pas le deuil de notre petit prince à qui nous n’avons même pas eu le temps de donner un nom.

Selon ce que j’ai entendu et lu, le soutien aux parents ainsi endeuillés s’est amélioré au fil des ans. Mais l’initiative de la députée de Notre-Dame-de-Grâce nous rappelle que beaucoup reste à faire. Selon Mme McGraw, « alors que le Québec a déjà fait preuve de leadership en matière de politique familiale, en ce qui concerne le deuil périnatal, notre province est plutôt en retard. […] Les impacts documentés sur la santé mentale des pères et des mères ainsi que les effets sur la relation conjugale indiquent le besoin urgent d’un meilleur soutien aux parents qui vivent la mort périnatale de leur enfant, faisant de la mort périnatale une question sociétale urgente ».

L’adoption du projet de loi 595 est une étape modeste, mais néanmoins importante vers une amélioration de ce soutien. La Journée québécoise de sensibilisation sur le deuil périnatal permettra de mieux informer les Québécois sur les particularités de ces deuils, de sorte que le personnel de santé et l’entourage des parents touchés soient en mesure de les appuyer au lieu de les culpabiliser en croyant bien faire.

D’où elle est, Catherine est sûrement très fière de sa mère Désirée. Avec raison.

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