Rien n’y fait. Malgré les promesses des gouvernements et les mesures prises pour désengorger le réseau de la santé, les urgences et les unités de soins des hôpitaux continuent d’être bondées.

À la défense des gestionnaires du réseau, le système de santé est complexe. Avec le vieillissement de la population, le nombre de patients souffrant de maladies chroniques nécessitant des soins et une prise en charge est en croissance. Des quartiers qui connaissent une forte croissance de leur population ont davantage besoin de professionnels qui vont offrir des soins de base et faire de la prévention. De plus, il y a pénurie de personnel dans les hôpitaux et ailleurs dans le réseau. Et encore beaucoup de personnes n’ont pas de médecin de famille.

Cela fait en sorte que beaucoup de citoyens se présentent aux urgences pour soigner des problèmes mineurs parce qu’ils ne peuvent avoir un rendez-vous rapidement à une clinique de première ligne.

Ainsi, le nombre plus grand de personnes aux urgences a pour conséquence que le personnel est débordé et que des cas plus graves peuvent devoir attendre de longues heures avant d’être pris en charge.

Or, les urgences sont souvent considérées comme un baromètre du réseau. Seulement pour décembre, les taux d’occupation des civières aux urgences oscillaient entre 107 et 125 % et la durée de séjour de personnes en attente sur civière pouvait atteindre jusqu’à 30 heures selon l’hôpital et la région. Une des raisons de ce blocage aux urgences est le nombre élevé de patients qui occupent inutilement des lits d’hôpital. Comme rapporté en septembre dans la presse écrite, 2300 patients hospitalisés attendaient d’être transférés en centre d’hébergement, en centre de réadaptation, en ressources intermédiaires ou pour des soins à domicile. On évalue qu’un lit sur sept serait sous-utilisé faute de place ailleurs dans le réseau.

Je vais à Londres

Avec un système de santé et des problèmes comparables aux nôtres, les Britanniques ont innové en développant le concept d’unité virtuelle de soins⁠1. Avec les avancées technologiques, ils se sont demandé pourquoi ne pas miser sur des lits virtuels à la maison.

Pour monter un lit virtuel, rien de trop compliqué : le patient et le proche aidant reçoivent une trousse contenant un iPad et des capteurs capables de mesurer la pression artérielle, la température, le pouls et la saturation en oxygène.

Cela permet à l’infirmière et au médecin de suivre le patient en temps réel et d’interagir avec ce dernier. Les suivis peuvent alors être faits à distance ou en service hybride, c’est-à-dire avec un suivi virtuel et des soins en personne. Avec des unités virtuelles qui pourraient s’apparenter à un centre d’appels, les gestionnaires et leurs équipes tentent ainsi de rediriger des patients qui sont sur le point d’être admis à l’hôpital et aussi de transférer des patients de l’hôpital vers des unités virtuelles pour qu’ils puissent continuer leur réadaptation à la maison.

Néanmoins, pour que les unités virtuelles de soins fonctionnent, il importe de bien sélectionner les patients. Les unités virtuelles ne sont pas faites pour les patients très malades, elles sont conçues pour les patients à faible risque de réadmissions qui peuvent être suivis à la maison, des patients de gériatrie, des patients avec des problèmes respiratoires ou cardiaques et même des patients souffrant de troubles de santé mentale.

Les Britanniques ont de grandes visées. Ils veulent créer 50 unités virtuelles par tranche de 100 000 personnes afin de traiter jusqu’à 50 000 patients par mois à la maison. Et pour y arriver, 10 000 lits virtuels ont été déployés à l’automne 2023 et 24 000 lits le seront au début de 2024.

Dans mon lit

Au Québec, huit projets d’hospitalisation à domicile sont en branle. Les patients rencontrent l’équipe de soins de façon virtuelle et peuvent obtenir des suivis médicaux à la maison. Les patients sont heureux de rester à la maison avec leur famille. Il y a moins de risque de contracter des infections. De plus, les patients sur les unités virtuelles sont suivis plus longtemps et à moindre coût. Il y a des preuves que les patients sur les unités virtuelles de soins ont des résultats et des expériences comparables, sinon meilleurs, à ceux des personnes malades traitées à l’hôpital.

Le défi reste la standardisation et les protocoles, étant donné l’hétérogénéité des patients et le peu de règles sur les ratios infirmière/patients. D’où l’importance de développer des algorithmes et des modèles permettant de prédire les risques de détérioration de l’état de santé et de limiter les réadmissions. Parce que si l’état de santé se détériore, les services ambulanciers ont besoin de se déplacer rapidement pour ramener le patient à l’hôpital.

Le système de santé a tout intérêt à encourager l’innovation, la flexibilité et les meilleures pratiques pour que les unités virtuelles de soins reflètent les populations servies. Le défi de construire des unités virtuelles est de se préparer au monde de demain.

1. Lisez l’article « How the rapid growth of virtual wards is helping the NHS » sur le site de The Economist (en anglais, abonnement requis) Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue