À l’approche d’un colloque sur l’itinérance ouvert au grand public, organisé ce mardi à la Grande Bibliothèque par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), les cinq panélistes proposent des solutions pour résoudre la crise de l’itinérance.

Dans la nuit du 11 au 12 octobre 2022 et dans les jours qui ont suivi, un exercice complexe s’est déployé dans 13 régions du Québec afin d’estimer le nombre de personnes en situation d’itinérance. Le constat est alarmant : environ 10 000 personnes ont été dénombrées. Il s’agit d’une hausse de 44 % par rapport à 2018, la première fois que cet exercice a eu lieu au Québec. Ces personnes se trouvaient soit en service d’hébergement d’urgence, soit dans une autre ressource d’hébergement, dans un logement de transition, dans un milieu institutionnel, par exemple en prison, dans la rue ou dans un lieu non conçu pour l’habitation humaine.

Nous ne pouvons rester les bras croisés alors que des solutions existent. Trois grands axes d’intervention s’imposent. Le premier est d’augmenter le nombre de logements dont les prix sont maintenus à un niveau abordable, que ce soit par l’achat de logements existants pour leur donner une vocation sociale ou par la construction de nouveaux logements abordables. En parallèle, il faut verser une allocation logement suffisante aux personnes à faible revenu qui n’ont pas ou n’ont plus les moyens de demeurer dans leur logement ou de trouver un logement décent. Enfin, on doit renforcer notre capacité d’accompagner les personnes vulnérables en adaptant l’accompagnement aux situations particulières que vivent ces personnes, que ce soit en termes de l’intensité ou de la durée de l’intervention ou de la spécialisation des intervenants. L’accompagnement sera différent pour un jeune sortant d’un centre jeunesse, une personne avec un grave problème de santé mentale, une femme fuyant la violence conjugale ou un homme qui dort dehors depuis des années.

Derrière ces orientations générales se cache une multitude de situations humaines différentes, de possibilités, mais aussi de contraintes matérielles, organisationnelles, de ressources humaines et autres qui rendent la tâche complexe. Il faut réfléchir ensemble, évaluer et réévaluer les progrès accomplis.

Il faut aussi s’inspirer d’expériences réalisées ailleurs, comme en Finlande. Au milieu des années 1980, des efforts organisés, réfléchis, systématiques et soutenus ont été faits et, aujourd’hui, on ne voit presque plus de personnes en situation d’itinérance dans les rues ou les parcs du pays.

On peut aborder la question d’un point de vue purement comptable. Certaines analyses montrent qu’on peut réaliser des économies en prévenant l’itinérance ou en aidant une personne à s’en sortir : économies en lits dans des refuges d’urgence, en transports ambulanciers, en visites aux urgences, en hospitalisations.

Mais est-ce vraiment sous cet angle qu’on doit, comme société, aborder cet enjeu ? Lorsqu’une personne de 70 ans se présente aux urgences à la suite d’un infarctus, est-ce qu’on calcule combien la société économisera en lui fournissant les soins dont elle a besoin ? Est-ce qu’on cherche à savoir si une personne malade a de saines habitudes de vie avant de décider si elle mérite qu’on s’occupe d’elle ?

Mettre fin à l’itinérance est le choix d’une société qui reconnaît le droit fondamental de toute personne à un logement décent. La combinaison d’accessibilité financière et d’accompagnement adapté et individualisé est la clé non seulement pour prévenir l’itinérance, mais aussi pour sortir les personnes de l’itinérance. Cela exige qu’on alloue davantage de fonds publics pour s’attaquer à ce fléau, au moins à court et à moyen terme. Cela peut vouloir dire augmenter nos impôts ou faire un meilleur usage des fonds actuellement consacrés à d’autres programmes. Le résultat sera une société plus égalitaire dont, au bout du compte, nous bénéficierons tous.

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