Quand je demande à la première co-porte-parole féminine de Québec solidaire, Françoise David, si on peut encore espérer faire de la politique autrement au Québec, sa réponse fuse : « Bien sûr ! lance-t-elle. QS, ça marche depuis 18 ans, alors avant de dire que c’est fini, est-ce qu’on peut respirer par le nez ? »

Françoise David se souvient qu’à la fondation du parti, en 2006, « des chroniqueurs connus et estimables pensaient que ça ne durerait pas un an. Et là, parce qu’on est face à un écueil, ils décrètent que la formule des deux co-porte-parole ne fonctionne pas. Or, le simple fait d’avoir duré aussi longtemps sans scission est la preuve que c’est possible. Des crises, il y en a dans tous les partis. À QS, on a de vrais débats et les membres sont libres de s’exprimer. »

Françoise David le dit sans détour : faire de la politique autrement, ça prend du temps et de l’énergie. Il faut se parler encore et encore. « Est-ce qu’Amir Khadir et moi, on était tout le temps d’accord ? Bien sûr que non. Quand on n’était pas d’accord, on se parlait, mais il n’y a jamais eu d’esclandres entre nous. »

Françoise David rappelle qu’un porte-parole, contrairement à un chef de parti, doit respecter les décisions des membres. « Ça a l’air naïf, souligne-t-elle, mais ça ne l’est pas. Ils tiennent compte pour vrai de la parole exprimée en congrès, c’est une ligne rouge que Québec solidaire a toujours respectée. »

Et la présence d’une équipe de communication ne change en rien les principes et les valeurs de QS, assure-t-elle.

« C’est normal qu’il y ait plus de communications qu’avant, affirme Françoise David. Les médias couvrent plus Québec solidaire qu’à l’époque. Sans compter que QS est face à un gouvernement qui est boulimique en matière de projets de loi. QS est appelé à réagir tous les jours, ça va vite. Alors oui, le rôle des communications est important. C’est ça, la politique au quotidien. »

L’ex-co-porte-parole de QS se dit fière du parti qu’elle a quitté en 2017. Et qui, selon elle, se distingue de ses adversaires à l’Assemblée nationale par ses idées et ses valeurs. « Québec solidaire est un parti “des urnes et de la rue”, ce qui veut dire qu’il est aux côtés des mouvements sociaux. »

À ma connaissance, [QS] est le parti le plus à gauche en Amérique du Nord. Depuis sa fondation, il défend des principes féministes, écologiques, indépendantistes. Avec le temps s’est aussi ajoutée la défense des minorités. Ce sont les valeurs profondes de Québec solidaire qu’il porte encore.

Françoise David, première co-porte-parole féminine de Québec solidaire

Françoise David se dit impressionnée par le travail des députés de QS et estime qu’il y a plus de propositions concrètes qu’à son époque. « Il n’y a pas grand-chose qui leur échappe, ajoute-t-elle. Et ils ne passent pas leur temps à s’ajuster à l’opinion publique. »

Est-ce que c’est plus compliqué de faire de la politique autrement que de suivre les voies traditionnelles ? D’être plus à l’écoute des membres et d’accorder de l’importance au processus démocratique à l’intérieur du parti ? Absolument. Françoise David le reconnaît : il faut être patient. « On ne fait pas bouger un paquebot facilement », ajoute-t-elle. « Regardez Manon Massé : elle a refusé de faire de la vieille politique, elle s’est imposée et on l’a acceptée. Elle a fini par faire le débat des chefs ! »

« Je comprends l’impatience, poursuit Françoise David. Mais il ne faut pas lâcher, il faut montrer de la persévérance. Il n’y a pas d’autres recettes que d’être ensemble, de faire preuve de persévérance et de ténacité. Est-ce qu’il faut rentrer dans le rang ? Moi, je dis non ! »