Peut-on réunir autour d’une table tous les acteurs d’un quartier pour imaginer l’avenir ? C’est le défi de la nouvelle vice-rectrice associée à la relance du Quartier latin de l’UQAM. Nous l’avons rencontrée.

Il y a de l’effervescence dans l’air, ces temps-ci, autour de la rue Saint-Denis. Le cœur du Quartier latin semble être redevenu attirant pour plusieurs institutions.

La portion comprise entre la rue Sherbrooke et la rue Sainte-Catherine pourrait complètement changer d’allure. On sait déjà que la Maison de la chanson et de la musique s’installera dans l’ancienne bibliothèque Saint-Sulpice. Si tout se déroule comme prévu, les travaux devraient débuter cette année. L’ITHQ a des plans pour installer son futur pavillon de gestion dans l’édifice qui abrite actuellement le restaurant Vego. L’École de l’humour a fait savoir qu’elle aimerait, elle aussi, déménager rue Saint-Denis, tout comme l’ADISQ et la Maison Théâtre.

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L’ancienne bibliothèque Saint-Sulpice, sise au 1700 rue Saint-Denis, abritera sous peu la Maison de la chanson et de la musique.

Ajoutons à cela qu’en janvier dernier, l’administration Plante a présenté sa stratégie pour relancer le centre-ville. Parmi ses priorités : mettre en valeur le Quartier latin en le désignant « Quartier de la francophonie », et en développant un secteur où les bars seraient ouverts 24 heures sur 24.

La Ville prévoit également construire 700 logements sur le site de l’îlot Voyageur, rue Berri.

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Vue aérienne du site de l’îlot Voyageur, rue Berri

Un quartier « apprenant »

S’il y a une personne qui s’intéresse à l’activité autour de la rue Saint-Denis, c’est Priscilla Ananian, la nouvelle vice-rectrice associée à la relance du Quartier latin de l’UQAM.

Nommée au début de janvier pour un mandat de cinq ans, cette architecte et urbaniste de formation occupe un poste qui n’existe pas dans les autres universités. Son travail : réunir les forces vives du quartier avec qui elle souhaite développer une vision commune et porteuse qui va bien au-delà du simple projet immobilier.

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Priscilla Ananian, nouvelle vice-rectrice associée à la relance du Quartier latin de l’UQAM

Mme Ananian a une idée qu’elle a commencé à exposer à certains acteurs du secteur, dont l’arrondissement de Ville-Marie. Il s’agirait de faire du Quartier latin un « quartier apprenant ».

J’avoue que je n’avais jamais entendu parler de ce concept, imaginé par l’UNESCO. Il faut dire qu’il n’y a qu’une « ville apprenante » dans toute l’Amérique du Nord : Edmonton. On trouve 356 de ces villes réparties un peu partout sur la planète. Lille, Bristol et Lucca, entre autres, font partie de ce réseau présent dans 79 pays.

« Un quartier apprenant, c’est un quartier où on apprend tout au long de sa vie, m’explique la vice-rectrice, qui a déjà été commissaire à l’Office de consultation publique de Montréal. De la garderie à l’université en passant par le cégep, mais aussi en dehors des institutions, auprès des groupes communautaires, par exemple. »

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Priscilla Ananian, nouvelle vice-rectrice associée à la relance du Quartier latin de l’UQAM

L’idée est de créer des liens entre les institutions d’enseignement et de recherche, les organismes sur le terrain, et la population.

Priscilla Ananian, nouvelle vice-rectrice associée à la relance du Quartier latin de l’UQAM

« L’identité première du Quartier latin est le savoir », poursuit Mme Ananian, qui brandit une carte illustrant la concentration de tous les établissements autour de la rue Saint-Denis. À distance de marche, en partant du Centre de recherche du CHUM, on remonte jusqu’à l’ITHQ en passant par l’UQAM et la Grande Bibliothèque, pour ne nommer que ceux-là.

Le travail de la vice-rectrice consiste donc à dérouler un fil qui reliera toutes ces entités, à les asseoir autour d’une table et à stimuler les échanges pour élaborer une vision commune. Pas une mince tâche quand on sait comment il est difficile de mobiliser tous les ordres de gouvernement autour d’un même projet. Les ministères travaillent en silo et les programmes de subvention sont tellement définis que tout projet le moindrement novateur peine à rentrer dans les petites cases. Mme Ananian dit être très consciente des obstacles qui l’attendent, mais assure qu’elle est TRÈS motivée.

« L’institution que je représente est un acteur majeur qui peut jouer un rôle de catalyseur, croit-elle. Avec ses 5000 employés, l’UQAM est le plus gros employeur du quartier. Et le plus important propriétaire foncier avec ses pavillons de la rue Saint-Denis et son complexe des sciences. On peut faire plus que ce qu’on fait déjà. »

S’ouvrir sur les autres

Comment créer un lien entre les établissements et la rue ? De manière très pragmatique, ça commence par l’aspect des façades des édifices. Mme Ananian me rappelle que plusieurs bâtiments du Quartier latin, dont l’UQAM, ont été construits dans les années 1960-1970. Ils sont très robustes, et peu ouverts sur l’extérieur. Le projet Métamorphose, qui vise à moderniser la bibliothèque du pavillon Hubert-Aquin de l’UQAM, prévoit donc des ouvertures sur la façade de la rue Berri, entre la rue Sainte-Catherine et le boulevard René-Lévesque, question de créer un lien entre la communauté universitaire et l’espace public. La vice-rectrice estime que les autres établissements devraient, eux aussi, repenser leur façade.

Mais l’ouverture dont me parle la vice-rectrice va bien au-delà de l’architecture. Il y a aussi une volonté de mettre en lien les différentes communautés du secteur.

Le Quartier latin est un quartier mixte (les condos de luxe côtoient les Habitations Jeanne-Mance, par exemple) et complexe. Les problèmes sociaux comme l’itinérance y sont criants.

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L’entrée du métro Berri-UQAM à l’angle des rues Maisonneuve et Berri, où est situé l’îlot Voyageur

Mme Ananian m’assure qu’il n’est pas question d’embourgeoisement ni d’exclusion dans le concept de « quartier apprenant ». Au contraire, elle veut inclure tout le monde, y compris la population itinérante, qui n’a peut-être pas eu la chance d’accéder à une éducation supérieure. On pourrait l’intéresser à des programmes conçus pour elle, ou à une formation plus technique.

Un plan d’ici cinq ans

Le défi qui attend Priscilla Ananian est de taille. Mais elle a la chance d’avoir accès à une communauté de 35 000 étudiants, ainsi qu’à des experts et des chercheurs qui vont pouvoir contribuer à la réflexion.

La vice-rectrice s’est donné quelques mois encore pour asseoir tout le monde autour de la même table, et un an pour accoucher d’une vision précise.

Souhaitons que cette fois-ci soit la bonne et qu’un projet porteur et consensuel ressorte de ce travail de consultation et de discussion. Le Quartier latin le mérite.

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