Les politiciens aguerris ont cette faculté, comme les requins, de humer l’odeur du sang et de flairer la blessure. Cette fragrance s’exhale quand un gouvernement ou un chef politique trébuche et subit le désamour de la population.

Et ça ressemble pas mal à ça au Québec actuellement.

C’est entendu, le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) s’enlise, et le sondage du 19 mars dernier de la firme Léger le confirme de nouveau⁠1.

On le sait, le premier bénéficiaire de cet embourbement est le Parti québécois (PQ) de Paul St-Pierre Plamondon (PSPP). Cela est quelque part mérité parce que ce dernier a probablement été le politicien le plus décent sur la scène provinciale depuis les dernières élections.

Le retour des souverainistes et des plus nationalistes au PQ a été assez fulgurant. Ça a viré sur un dix cents, les amis !

Mes obligations de gérant d’estrade qui sait tout me forcent à commenter ce mouvement brusque, et, tant qu’à y être, à me demander qui aurait assez de nez pour viser la tête du Parti libéral du Québec (PLQ) et vérifier s’il est vrai que bon sang ne saurait mentir.

Il n’est pas fou de prétendre qu’en plus de profiter de la descente abrupte de la CAQ, le PQ bénéficie également de la faiblesse des autres partis de l’opposition. Une petite facile, celle-là.

Et nous sommes dans un contexte où un parti politique pourrait l’emporter avec un peu plus du tiers des votes aux prochaines élections provinciales.

Comme de fait, la firme Léger et le site QC125 pensent qu’avec 34 % des votes que lui donne ce sondage, le PQ pourrait former un gouvernement majoritaire, essentiellement à cause de la portion de 42 % du vote francophone qu’il attire.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Paul Saint-Pierre Plamondon

Et 32 % de l’ensemble des Québécois pensent que PSPP ferait le meilleur premier ministre. Il est premier, et de loin, à cet égard.

A contrario, le PLQ ne jouit que de 4 % de la faveur des francos. Une misère. Montesquieu aurait parlé d’une méchante drop ! Et Marc Tanguay n’est considéré comme le leader qui ferait le meilleur premier ministre que par sa famille proche, et peut-être quelques cousins.

Mais même avec seulement 14 % du vote total, le PLQ demeurerait l’opposition officielle à l’Assemblée nationale, grâce à la concentration du vote anglophone et des communautés culturelles chez ce parti.

Quant à la souveraineté, 36 % de tous les électeurs seraient en accord avec ce projet, mais le quart de ceux qui voteraient pour le PQ ne le sont pas, eux. Ennuyeux, quand même…

Hypothétiquement, ce quart de non-souverainistes pourrait devenir disponible sur le marché électoral, comme le seraient les fédéralistes qui voteraient aujourd’hui pour la CAQ, ou plus généralement ceux qui sont insatisfaits de la gestion caquiste.

Quand on additionne tout ça, ça commence à faire de la clientèle sensible potentielle pour le PLQ avec un chef qui a de l’allure !

PSPP jure dur comme fer qu’aux prochaines élections, il proposera un référendum dans le mandat, s’il est élu.

Mais avec seulement 36 % de fervents souverainistes actuellement, les 50 % +1 nécessaires pour l’emporter seraient mauditement difficiles à atteindre.

Et comme de très grosses pointures comme Lévesque, Parizeau, Bouchard et Dumont n’ont jamais réussi à atteindre ce niveau, on se demande comment le chef actuel du PQ pourrait, lui, convaincre les Québécois. Le Québec n’est tout de même pas un immense cégep.

Je connais même des souverainistes qui ne souhaitent pas un référendum où le projet d’indépendance frappe le mur de nouveau, et que l’idée soit perdue à jamais.

Entre-temps, bien sûr, la CAQ pourrait toujours se sortir de la merde, le parti en a amplement le temps. Mais ça sent mauvais…  

Je l’ai écrit au lendemain des dernières élections, je suis toujours convaincu que M. Legault se retirera et ne fera pas les prochaines.

Sa successeure pourrait être la ministre Geneviève Guilbault.

Mais pensons seulement que, statistiquement, dans la grande région de Québec, aucun caquiste ne serait réélu selon QC125 toujours, y compris Mme Guilbault dans la circonscription de Louis-Hébert.

Finalement, revenons à l’odeur du sang et au Parti libéral.

Peut-on vraiment exclure qu’un bon chef francophone à la tête du PLQ puisse faire 20-25 % dans le vote franco ? Un sur quatre-cinq, on n’en demande pas tant.

Et PSPP est peut-être devenu la saveur du jour trop tôt. Il lui sera difficile de le rester encore deux ans et demi jusqu’aux prochaines élections, alors qu’un nouveau chef libéral pourrait devenir cette saveur s’il était élu dans son parti à 12 ou 18 mois du scrutin, et le demeurer.

Pourquoi des individus intéressants ne sentiraient-ils pas cette odeur du sang, et ne croiraient-ils pas qu’il y a dans la situation politique actuelle une volatilité potentielle de l’électorat, et peut-être une occasion pour le PLQ ?

Mais ce serait jouable avec un chef qui a un peu de fraîcheur, qui peut défendre son pays, le Canada, avec élégance et confiance, et non pas repartir à la chasse aux « séparatissss » !

D’autant plus que le PLQ pourrait redevenir le parti de l’économie, en opposant une stratégie de développement économique plus endogène et différente de celle de la CAQ, qui investit lourdement dans l’aide à l’établissement d’entreprises étrangères chez nous.

Avec le fonds de commerce solide que lui procurent le vote anglo et celui des communautés culturelles, un chef libéral franco, avec un bon CV et un peu de bagout, pourrait surprendre.

Entre nous

Deux auteurs italiens.

Antonio Scurati, avec M, Les derniers jours de l’Europe. Un roman historique qui sent plutôt la réalité historique, tellement il est documenté. La politique italienne entre 1938 et 1940, où Mussolini tombe dans les griffes d’Hitler. Fascinant. Vous vous coucherez tard !

Paolo Nori, avec Ça saigne encore. Encore là, un livre qualifié de roman, mais plutôt une description de la vie de l’écrivain Fiodor Dostoïevski, où l’on croise au passage d’autres auteurs russes comme Pouchkine, Gogol ou Tourgueniev. Tout cela voisinant les états d’âme de Nori. Très bon, mais il faut aimer le genre.

1. Consultez le plus récent sondage Léger sur les intentions de vote au Québec Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue