Donald Trump s’est assuré l’investiture républicaine il y a deux semaines en remportant un nombre suffisant de délégués lors de la course au leadership de son parti. Mais voici que le premier des quatre procès criminels auxquels il fait face débutera le 15 avril à New York. Qu’arriverait-il s’il était reconnu coupable ?

Ça fait plus de 20 ans que je couvre régulièrement ce qui se passe chez nos voisins du Sud, en particulier sur le plan politique. Alors forcément, j’en ai vu de toutes les couleurs.

Mais depuis que Donald Trump s’est transformé en politicien, la tension a monté de plusieurs crans. J’ai parfois l’impression d’assister à un film scénarisé par une intelligence artificielle à qui on aurait demandé d’imaginer des rebondissements percutants pour nous tenir en haleine.

Le prochain est une première : l’ouverture d’un procès criminel contre un ancien président américain. Ce moment, que Donald Trump et ses avocats ont tenté de repousser par tous les moyens, est prévu pour le 15 avril. Dans cette affaire, l’ex-président est accusé d’avoir falsifié des documents pour dissimuler le versement, peu avant l’élection de 2016, de 130 000 $ à l’actrice porno Stormy Daniels en échange de son silence sur une relation sexuelle avec lui.

La question la plus importante à se poser avant ce nouvel épisode du Trump Show est la suivante : que se passe-t-il si le politicien républicain est reconnu coupable ?

« Il me semble que ça ne changerait pas grand-chose sur l’avis de ses partisans. Ça illustre à quel point c’est un phénomène, cette candidature. C’est lié à sa notoriété, au fait que c’est un politicien pas comme les autres et que ses partisans l’aiment parce que ce n’est pas un politicien comme les autres », répond Frédérick Gagnon.

Le titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques convient cependant que « quand on décortique le vote », on se rend compte qu’une condamnation pourrait nuire au candidat républicain.

Un exemple : les électeurs qui détestent à la fois Donald Trump et Joe Biden (et qu’on surnomme aux États-Unis les double haters) « pourraient être tentés de dire : il y a une candidature qui est moins pire que l’autre, et c’est celle de Biden, parce qu’il faut y regarder à deux fois avant d’élire un criminel à la Maison-Blanche ».

Poussons la réflexion encore plus loin. Si Donald Trump était reconnu coupable d’ici la convention républicaine du mois de juillet, où les délégués doivent officialiser sa candidature, celle-ci pourrait-elle être remise en question ?

« Du point de vue constitutionnel, un candidat reconnu coupable d’un crime ou qui écope d’une peine de prison peut être élu président et exercer ses fonctions », rappelle Antoine Yoshinaka, politologue de l’Université de l’État de New York à Buffalo.

Un candidat à la Maison-Blanche qui fait campagne derrière les barreaux, ça s’est déjà vu. Il y a notamment eu Eugene V. Debs, leader du Parti socialiste, qui était dans un pénitencier fédéral à Atlanta le jour de l’élection en 1920.

« Donc, le parti n’est pas forcé d’agir. Il peut investir un candidat même si celui-ci est reconnu coupable d’un crime ou écope d’une peine de prison. Mais ça, c’est purement du point de vue constitutionnel », précise le professeur, qui a répondu à mes questions par courriel.

Il faut savoir que c’est le Comité national républicain (RNC) qui décide comment on sélectionne le candidat du parti à l’élection présidentielle. Alors théoriquement, cette instance pourrait « modifier les règles de telle sorte que les délégués auraient l’option de ne pas respecter le choix des électeurs exprimé lors des primaires et des caucus ».

Le mot « théoriquement » est ici, à mon sens, le plus important.

Je n’arrive pas à croire que les ténors républicains, qui finissent toujours par courber l’échine devant Donald Trump, puissent tout à coup trouver le courage de lui montrer la porte.

Frédérick Gagnon est du même avis. Il estime que si Donald Trump était condamné, il continuerait de soutenir qu’il est victime d’une chasse aux sorcières. Ses partisans seraient alors « encore plus gonflés à bloc ».

PHOTO MIKE STEWART, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Si Donald Trump était condamné, estime Frédérick Gagnon, il continuerait de soutenir qu’il est victime d’une chasse aux sorcières. Ses partisans seraient alors « encore plus gonflés à bloc ». Ci-dessus, des partisans de Donald Trump lors d’un rallye de campagne, plus tôt ce mois-ci.

« Que feraient les politiciens républicains dans un contexte comme ça ? Pour l’instant, ils gardent le silence, alors j’ai tendance à croire qu’on serait dans le même genre de dynamique », dit-il.

Non seulement les partisans du candidat pourraient se rebeller, mais le pays n’est pas à l’abri d’une crise politico-juridique. C’est ce qui se produirait vraisemblablement si Donald Trump était élu en novembre prochain alors qu’il est en prison (un scénario encore très hypothétique, je tiens à le préciser).

Ses avocats feraient sûrement appel aux tribunaux pour plaider qu’il ne peut pas diriger le pays dans de telles circonstances.

« Le meilleur scénario pour le pays, si on veut éviter de l’instabilité, de la colère et des affrontements, c’est peut-être que Trump ne se retrouve pas derrière les barreaux avant l’élection. Et que ce soit le jury de l’opinion publique, c’est-à-dire les électeurs et électrices, qui lui disent de façon nette : on préfère que tu ne reviennes pas », résume Frédérick Gagnon.

Mais dans le contexte actuel, Joe Biden est tout sauf certain de pouvoir vaincre Donald Trump une deuxième fois. « Si on regarde les sondages, ils sont extrêmement serrés, confirme l’expert. On va donc devoir s’acheter un popcorn pour la suite ! »

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