Vous avez raison de craindre la montée des inégalités économiques.

Un Québécois sur dix a recours aux banques alimentaires. Les ravages de l’itinérance et de la pauvreté extrêmes sont en plus en plus visibles. La crise du logement sévit. Ce sont des problèmes réels, urgents, importants, auxquels les gouvernements et la société québécoise doivent trouver des solutions.

Mais quand ils se comparent, les Québécois peuvent (un peu) se consoler. Les inégalités économiques sont moins importantes au Québec que dans tous les pays du G7, d’après l’indice de Palma pour les revenus après impôts et transferts gouvernementaux (le revenu disponible). De son côté, le Canada est le pays le plus égalitaire du G7, un groupe de pays relativement peu égalitaires, cela dit.

Toutes ces conclusions proviennent du « Bilan de la fiscalité au Québec » de la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke, qui a fait la compilation de l’indice de Palma après impôts et transferts gouvernementaux de 32 États développés, dont les pays du G7. L’indice de Palma mesure l’écart de revenus entre les plus riches et les plus pauvres dans une société.

Parmi les 32 territoires répertoriés par la Chaire, le Québec arrive au 6e rang des États les plus égalitaires après impôts et transferts gouvernementaux. Il est devancé seulement par la Slovaquie, la Slovénie, la Belgique, l’Islande et la Tchéquie. On est même devant les pays scandinaves !

J’utilise l’expression « pays les plus égalitaires », mais au fond, je devrais plutôt parler des pays les moins inégalitaires. L’indice de Palma – du nom de l’économiste chilien José Gabriel Palma – sert à mesurer l’écart de revenus entre les plus riches et les moins nantis d’une société. Ce ratio correspond à la part des revenus gagnée par les 10 % les plus riches sur la part des revenus gagnée par les 40 % les moins nantis. Par exemple, le Québec a un indice de Palma après impôts de 0,91 en 2021. Traduction : les 10 % des Québécois les plus riches ont gagné 91 % des revenus des 40 % des Québécois les moins nantis. Plus l’indice de Palma est élevé, plus les inégalités économiques sont grandes.

À cause de nos impôts plus élevés

Pourquoi le Québec est-il l’un des États les plus égalitaires au monde ? Parce que notre fardeau fiscal est élevé et qu’on se sert de nos impôts pour aider les Québécois les moins nantis.

Au brut (avant impôts et transferts), les inégalités économiques ont augmenté au Québec au cours des 45 dernières années, selon l’indice de Palma. Mais les transferts gouvernementaux aux moins nantis font en sorte que les inégalités économiques nettes (après impôts et transferts) ont légèrement diminué au Québec depuis 1976.

Après impôts et transferts, en 1976, les 10 % des Québécois les plus riches ont gagné 105 % de l’ensemble des revenus des 40 % des Québécois les moins nantis. Cette proportion a diminué jusqu’à 91 % à la fin des années 1980, pour remonter jusqu’à un sommet de 110 % en 2002, pour ensuite redescendre progressivement jusqu’à 91 % en 2021.

Sur le plan économique, le Québec est une société plus égalitaire que le reste du Canada. Mais depuis l’élection des libéraux de Justin Trudeau en 2015, les inégalités économiques ont diminué partout au pays. Entre autres parce que le gouvernement Trudeau a haussé en 2016 le taux d’imposition de 29 % à 33 % pour les revenus supérieurs à 200 000 $ par an.

L’indice de Palma n’est pas une mesure parfaite des inégalités dans toute la société. Il mesure les inégalités entre le sommet de la pyramide économique (les 10 % les plus riches) et les citoyens les moins nantis (les 40 % les moins riches), mais pas celles entre les plus riches et la classe moyenne.

Évidemment, chaque fois que les gouvernements offrent des baisses d’impôt généralisées, on réduit la capacité de l’État à soutenir ses citoyens les moins nantis et à diminuer les inégalités économiques.

« Les inégalités s’amenuisent quand on a un système de redistribution qui fonctionne. Sans revenus fiscaux pour financer des programmes de soutien social, les inégalités vont augmenter », dit l’économiste François Delorme, professeur associé à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke.

C’est populaire, une baisse d’impôt généralisée. Ça se traduit en votes.

Mais ça réduit aussi la capacité de l’État à rendre notre société moins inégalitaire.

Calculer les inégalités

Pour calculer les inégalités économiques au sein d’un pays, l’indice de Palma est moins connu que le coefficient de Gini, mais plusieurs économistes considèrent que l’indice de Palma est une « meilleure mesure des inégalités », écrit la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke dans son dernier « Bilan de la fiscalité au Québec ». En pratique, les classements internationaux des deux indices sont presque identiques. Le Québec arrive au 5e rang du classement Gini et au 6e rang du classement de Palma, selon la compilation de la Chaire.

Consultez le « Bilan de la fiscalité au Québec »
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  • Moins de 38 400 $ par an
    Les 40 % des Québécois les moins nantis gagnaient moins de 38 400 $ (avant impôts) en 2021.
    Source : Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke
    Plus de 108 300 $
    Les 10 % des Québécois les plus riches gagnaient plus de 108 300 $ (avant impôts) en 2021.
    Source : Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke