Cher père Noël, cette année, je ne demande qu’une chose : le bon sens collectif, surtout de l'autre côté de la frontière.

À moins d’un an de l’élection présidentielle aux États-Unis, voilà que mon anxiété électorale est de retour. Les sondages m’inquiètent, même si plusieurs stratèges politiques américains préconisent – à 11 mois de l’élection – d’ignorer les chiffres. Mais comment faire ? Voir que le président Joe Biden et Donald Trump sont ex æquo dans les intentions de vote donne le vertige.

Au-delà des pourcentages, c’est la critique envers la vice-présidente Kamala Harris que je trouve particulièrement dingue. Pour la majorité des démocrates qui jugent le président Biden trop vieux pour un deuxième mandat, Mme Harris devrait être un choix évident et rassurant – elle qui est plus qualifiée que plusieurs de ses prédécesseurs.

Pourtant, en juillet dernier, ce n’est que 13 % des démocrates qui souhaitaient voir Mme Harris en lice pour la présidence, si Joe Biden devait renoncer à la course.

Un peu comme l’énigme de l’œuf et de la poule, je ne sais pas si le bas taux d’approbation de Kamala Harris a fait surface avant la mauvaise presse qu’elle a reçue ou si les manchettes peu flatteuses ont devancé les mauvais scores de la vice-présidente.

Mais dès l’été, il y a eu une pluie de titres assassins la ciblant. Par exemple, celui du magazine New York qui, en grandes lettres, proposait « Les arguments pour que Biden abandonne Kamala Harris ». Puis, est venue une suggestion semblable du grand David Ignatius dans le Washington Post – qui est devenue un sujet de discussion pendant des jours dans plusieurs émissions d’analyses à la télévision et à la radio.

Mais que reproche-t-on à Kamala Harris qui lui vaut ce si mauvais bulletin ?

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Vous avez le câble et l’internet là-haut, père Noël ? Si oui, vous avez alors pu suivre les dossiers que gèrent Mme Harris, plusieurs avec tact malgré leur caractère épineux comme l’immigration, l’avortement et le droit de vote.

Peut-être que les Américains préféreraient que Mme Harris se limite aux pelletées de terre symboliques et aux coupures inaugurales de ruban ? Si les attentes du président Biden s’étaient limitées à cela, je ne crois pas qu’une bosseuse comme Mme Harris aurait accepté le poste de V.-P.

En analysant l’élection de George Santos, le Pinocchio du Congrès américain membre d’un parti dont le leader est aussi un grand menteur, un journaliste a récemment fait remarquer que les Trump et Santos de ce monde profitaient d’un moment politique qui récompensait les fanfaronnades et l’exagération. C’est vrai, et pas seulement aux États-Unis. Tout récemment, l’Argentine l’a prouvé et le Canada nous le rappelle depuis des mois.

Alors, est-ce le manque de flamboyance de Kamala Harris qui la coule ? Pour plaire, aurait-elle dû voler le micro du président Biden et prendre la parole lors du dernier discours à la nation ?

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AFFICHE DU FILM

À elle seule, l’affiche du documentaire President in Waiting rappelle combien Kamala Harris détonne dans le paysage de la vice-présidence américaine…

Père Noël, vous savez que le temps des Fêtes représente pour moi une période de rattrapage de séries télévisées et de documentaires. Cette année, j’ai commencé avec quelques semaines d’avance. Je viens de voir – pour la seconde fois – President in Waiting, de Jeffrey Roth, sorti en 2020. À elle seule, l’affiche du documentaire rappelle combien Kamala Harris détonne. Le titre, lui, évoque la fonction première de la vice-présidence, soit d’être en attente. Dans le docu, Joe Biden – qui a été vice-président pendant huit ans – répète une phrase que je l’ai déjà entendu dire à une émission de fin de soirée et aussi aux funérailles de Walter Mondale, lui aussi ancien vice-président : « La vice-présidence ne détient aucun pouvoir inhérent. Aucun. Zéro. » Alors pourquoi les attentes envers Kamala Harris sont-elles si élevées ? Et pourquoi ses succès ne sont-ils pas plus reconnus ?

En partie, c’est parce que le Parti démocrate semble, trop souvent, incapable de mettre en lumière le travail de Mme Harris. Et surtout, les ténors du Parti ne l’appuient pas de manière unanime, convaincante et sans détour. Comme ils sont aussi incapables d’appuyer d’une seule voix le président Biden. Mais cette erreur de communication est la leur et celle de certains médias qui ont choisi d’ignorer les réalisations de Kamala Harris. La concernée, elle, les partage de manière ponctuelle sur ses diverses plateformes.

Il y a quelques jours, par exemple, elle a souligné son 32e vote décisif au Sénat – un record pour le nombre de votes au Sénat par un vice-président. Ces votes, comme elle l’a écrit sur son compte Instagram, ont contribué, notamment, à financer le plus important investissement de l’histoire des États-Unis pour lutter contre la crise climatique. Entre son rôle important au Sénat et ses multiples réalisations, Kamala Harris en fait beaucoup plus que ceux qui l’ont précédée.

Dans l’annuel palmarès Forbes des femmes les plus puissantes du monde, publié la semaine dernière, Kamala Harris arrive au troisième rang. Pas mal, pour la vice-présidence affichant le plus bas taux d’approbation de l’histoire des États-Unis.

Plus bas même que celui du très risible Dan Quayle, qui était toujours à une gaffe et à une controverse de se retrouver en une de tous les journaux du monde.

Les critiques de Kamala Harris viennent des États-Unis, mais aussi d’ailleurs. Elles me paraissent davantage révélatrices de qui nous sommes, collectivement, qu’elles ne le sont de la vice-présidente. Et ça, père Noël, c’est inquiétant.

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