Chaque vendredi nous revenons sur la semaine médiatique d’une personnalité qui s’est retrouvée au cœur de l’actualité. Décryptage en cinq temps.

On aurait pu choisir le ministre de l’Éducation Bernard Drainville, qui connaît une rentrée sur les chapeaux de roue. Après la pénurie d’enseignants et les morceaux de plâtre tombés du plafond d’une école, M. Drainville s’est retrouvé au cœur d’une polémique à propos des toilettes non genrées dans les écoles.

On aurait également pu parler de la semaine de la députée libérale Marwah Rizky, qui a avoué être tiraillée à propos de son éventuelle candidature à la chefferie du PLQ, une déclaration qui a fait couler beaucoup d’encre.

Mais celui qui a eu la plus grosse semaine est sans contredit le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Une semaine qui a très mal commencé à la rencontre du G20, en Inde, où les échanges avec le premier ministre indien Narendra Modi étaient tout sauf chaleureux.

Une relation froide

La position du Canada à l’endroit des militants indépendantistes sikhs, qui n’a pas l’heur de plaire au gouvernement indien, a jeté une ombre sur les échanges entre les deux dirigeants et a valu au premier ministre une manchette peu élogieuse du Toronto Sun. « This Way Out », pouvait-on lire lundi à la une du tabloïd où on a l’impression que le premier ministre Modi indique la sortie à M. Trudeau.

« Les médias s’attendaient à ce que ça se passe mal », affirme Mireille Lalancette, professeure de communication politique à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Elle souligne que c’est le deuxième voyage en Inde de M. Trudeau qui ne se passe pas bien.

Le précédent voyage avait été catastrophique sur le plan de l’image. Il y avait eu les costumes traditionnels, bien sûr, même si on a fait fi de la culture indienne où les gens sont toujours invités à revêtir ces habits traditionnels.

Mireille Lalancette, professeure de communication politique

« Les médias avaient également souligné que le premier ministre indien n’avait pas accueilli M. Trudeau à son arrivée alors que dans les faits, son avion avait atterri en pleine nuit. »

Cloué au sol

On peut imaginer que M. Trudeau avait hâte de quitter l’Inde. Or, comble de malchance, l’appareil CC-150 Polaris de l’Aviation royale canadienne qui devait le ramener au pays n’a pas pu décoller. Ouch ! Les railleries de Pierre Poilievre n’ont pas tardé : « Aujourd’hui, Trudeau subit les mêmes retards de vol qu’il a imposés aux Canadiens en raison de sa mauvaise gestion des aéroports fédéraux », pouvait-on lire sur le réseau social X lundi dernier.

L’image est quand même assassine : « L’avion d’un leader d’un pays industrialisé qui reste cloué au sol pour des raisons de maintenance, ce n’est pas très reluisant pour le Canada », reconnaît la professeure Lalancette qui est également chercheuse au Groupe de recherche en communication politique.

Les Aïeux de Poilievre

Pendant que le premier ministre était coincé en Inde, son adversaire politique marquait des points à Québec. De l’avis des analystes politiques, Pierre Poilievre a pratiquement fait un sans-faute lors du congrès du Parti conservateur. « Il tient des propos populistes et incendiaires, un peu comme Trump, mais les médias n’osent pas encore trop le critiquer », note Mireille Lalancette.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

De l’avis des analystes politiques, Pierre Poilievre a pratiquement fait un sans-faute lors du congrès du Parti conservateur.

M. Poilievre a livré un discours truffé de références culturelles québécoises, dont un clin d’œil à une chanson du groupe Mes Aïeux.

La chanson Dégénérations, inscrite dans une tendance « néo-trad », fait appel à la nostalgie et à un certain conservatisme, rappelant l’époque des grandes tablées familiales et écorchant au passage la facilité avec laquelle les femmes ont recours à l’avortement aujourd’hui. Message subliminal ? Chose certaine, ce n’est pas un choix innocent.

Pas de chicane dans ma cabane

De retour au pays, Justin Trudeau aurait pu se consoler en se disant que des cieux plus cléments l’attendaient à la maison. Hélas, c’est un caucus libéral agité qui l’a accueilli à London, en Ontario. Plus les conservateurs montent dans les sondages, plus la grogne au sein des rangs libéraux est audible dans les médias.

Comme un parent qui revient de voyage d’affaires dans une maison en désordre où les enfants se disputent, M. Trudeau doit faire un peu de ménage et rasseoir son autorité.

« M. Poilievre amorce sa lune de miel alors que celle de Justin Trudeau, au pouvoir depuis 2015, est terminée, observe la professeure Lalancette. Il n’est plus un jeune politicien, il a un bilan à défendre, ce qui est toujours plus difficile que de se faire élire une première fois. M. Poilievre est en mode attaque et M. Trudeau est sur la défensive. »

Le vent peut-il tourner ?

Comme le supplice de la goutte, chaque article négatif dans les médias amplifie la spirale négative de laquelle M. Trudeau semble avoir de la difficulté à s’extirper.

Comment renverser la vapeur ? L’abolition de la TPS sur les nouveaux immeubles annoncée jeudi par le premier ministre est loin d’être le genre de mesure qui frappe l’imaginaire. Alors quoi ? « M. Trudeau doit être à l’écoute de son caucus et tenter de comprendre l’insatisfaction, croit la professeure de communication politique. Il doit montrer qu’il n’est pas usé par le pouvoir, revenir à la base et aux raisons pour lesquelles il est en politique. L’humour, qu’il a utilisé lors de ses pépins techniques en Inde, peut lui servir. Mais la politique positive aussi, comme il l’avait fait en 2015. C’est quelque chose qui est apprécié des jeunes et qui peut le distinguer de son adversaire. » En revanche, ses intentions de forcer une baisse des prix à l’épicerie pourraient faire mouche, car ceux-ci ont une incidence directe sur le quotidien des Canadiens.

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