À première vue, on pourrait penser que le gouvernement Legault vient de créer une nouvelle version de la commission Bélanger-Campeau de 1991.

Évidemment, le contexte n’est plus du tout le même. Le débat constitutionnel est loin d’être au centre des préoccupations du gouvernement et des électeurs. Il n’y a pas de grande demande de la société civile pour des changements fondamentaux du régime politique.

Reste qu’on est, encore une fois, devant un groupe de travail de personnalités éminentes qui vont essayer de trouver une issue à une situation compliquée pour le gouvernement. Mais là devraient s’arrêter les comparaisons.

Bélanger-Campeau était une commission très large, ouverte à toutes les tendances politiques et à la société civile, qui cherchait une solution constitutionnelle dans la foulée de la mort de l’accord du lac Meech.

On y trouvait autant des représentants du Parti libéral fédéral – alors dans l’opposition – qu’un siège pour le Bloc québécois, parti nouvellement formé qui n’était alors même pas reconnu comme groupe parlementaire aux Communes. S’y côtoyaient les centrales syndicales, les groupes représentant le patronat et le mouvement coopératif.

Le groupe de travail formé par M. Legault réunit des fédéralistes et des souverainistes, mais ne fait pas de place particulière aux autres tendances politiques ou groupes de la société civile.

Il y a même un malaise à voir le professeur de droit Guillaume Rousseau nommé coprésident quand on sait qu’il a récemment accusé Québec solidaire d’être favorable à la charia parce qu’il ne désapprouve pas l’instauration de prêts hypothécaires islamiques – une attaque gratuite puisqu’il s’agit d’un instrument offert aux États-Unis, en Grande-Bretagne et même dans la très laïque France. Une petite vérification préalable aurait permis d’éviter une inutile controverse partisane.

Aujourd’hui, on a beaucoup plus l’impression que le gouvernement est à court d’idées et crée un groupe de travail pour lui en trouver quelques-unes à mettre en œuvre d’ici la fin de son mandat.

Contrairement à Bélanger-Campeau, il ne sera pas question de chercher à imaginer une solution en dehors du régime constitutionnel actuel. On cherchera à « accroître l’autonomie du Québec à l’intérieur du Canada » et pas autre chose.

Les partis de l’opposition n’ont pas tort de souligner que cela montre l’échec de la politique constitutionnelle ambiguë du gouvernement Legault. On pensait que la CAQ n’étant ni fédéraliste ni souverainiste, un courant nationaliste modéré émergerait pour faire avancer le Québec.

L’illusion de faire des gains en chevauchant la ligne du milieu a longtemps été séduisante pour une partie de l’électorat. Mais maintenant que cette approche ne semble pas fonctionner – et en prévoyant le rejet des demandes de Québec dans le dossier chaud de l’immigration lors de la rencontre de lundi entre les premiers ministres Legault et Trudeau –, il faut bien essayer quelque chose. Mais quoi ?

Il y a bien la voie unilatérale. Le Québec peut, en effet, changer sa constitution interne sans demander l’avis de quiconque. Mais cela équivaut à des changements superficiels, comme ceux apportés par la loi 96.

La Constitution canadienne permet aux provinces de modifier leur constitution interne. Le texte de la Constitution dit donc depuis la loi 96 que « les Québécoises et les Québécois forment une nation » et que « le français est la seule langue officielle du Québec. Il est aussi la langue commune de la nation québécoise ».

Mais, pour l’instant en tout cas, c’est une reconnaissance essentiellement de façade et ça ne change aucunement la situation du français au Québec ou au Canada. Ça ne donne, par exemple, pas un meilleur rapport de force quand vient le temps de demander des changements en immigration.

Alors, pourquoi créer un nouveau comité ? Pour la même raison que Robert Bourassa avait créé la commission Bélanger-Campeau : gagner du temps.

Le gouvernement Legault n’en sera qu’à la mi-mandat l’automne prochain. Il a deux ans pour renverser la situation et espérer gagner un troisième mandat. Mais il ne peut espérer trouver à Ottawa un interlocuteur prêt à discuter avec lui.

Si Justin Trudeau ne part pas au cours de l’été, la dernière chose qui pourrait l’intéresser pour ce qui reste de son mandat serait bien de négocier une entente visant à donner plus de pouvoirs à Québec. Quant à Pierre Poilievre, il ne faudrait pas s’attendre à ce qu’il veuille le faire en tout début de mandat, s’il devait être élu, comme le prévoient les sondages.

De toute façon, les prochaines élections québécoises ne se joueront pas sur de très hypothétiques et éventuels nouveaux pouvoirs pour le Québec. Elles se joueront bien plus sur la qualité des services publics, en particulier la santé, et le résultat sera aussi affecté par les effets d’un certain nombre d’impondérables, comme la possible élection de Donald Trump et un retour du protectionnisme américain.

Le gouvernement Legault aura peut-être réussi à gagner un peu de temps, mais il ne devrait pas gager que son comité, quelle que soit la qualité de ses travaux, lui offrira une nouvelle porte de sortie.

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