On imagine mal, connaissant la stature et la réserve de l’homme, entendre le général Charles de Gaulle fredonner une chanson en se rasant. Ou réciter un poème d’Albert Samain en faisant une réussite (un jeu de patience).

Ces anecdotes intimes, Philippe de Gaulle, unique fils de l’ancien président français, les narre avec un mélange de retenue et d’affection dans ce petit recueil de 160 pages livré en guise de testament, quelques mois avant sa mort à 102 ans. Un autre court chapitre intitulé « Pudeur familiale » se penche sur le tutoiement et le vouvoiement au sein de la famille.

Intéressants, certes, de tels détails demeurent rares au fil des pages. On est un de Gaulle ou on ne l’est pas. Le fils, qui n’en est pas à son premier ouvrage sur son illustre père, préfère présenter ses opinions, parfois très conservatrices, ou encore remettre les pendules à l’heure sur certains aspects de la vie de son père.

Non, dit-il par exemple, ses parents n’ont pas passé leur nuit de noces à l’hôtel Lutetia de Paris. Non, de Gaulle n’a pas, comme certains l’affirment, oublié que l’aviation devait appuyer les chars dans ses directives datant du début de la Seconde Guerre mondiale. Et douteuse est l’affirmation d’un cardiologue s’étant attribué la découverte de l’anévrisme qui allait tuer le général le soir du 9 novembre 1970.

Philippe de Gaulle l’affirme, il a toujours voulu vivre sans être « inféodé » au paternel. De là, par exemple, son choix de faire sa carrière militaire dans la marine, le moins gaulliste des corps de l’armée française. Mais il vole quand même à son secours à plusieurs occasions. Estimant que son père fut plus stratège que rêveur, il affirme ainsi que ce dernier a vu avant tout le monde qu’Hitler allait perdre la guerre.

S’il y a un évènement où il n’a « rien vu venir », c’est Mai 68. Là, de Gaulle a été « surpris par l’histoire » au lieu de la prédire, affirme son fils.

L’auteur consacre un chapitre à l’amiral Émile Henry Muselier qui a mené le ralliement des îles Saint-Pierre-et-Miquelon à la France libre dans la nuit du 24 décembre 1941. Cet évènement avait mis dans l’embarras le gouvernement canadien parce que le raid était parti d’Halifax et que le Canada avait encore des liens avec le régime de Vichy. Or, Philippe de Gaulle évoque ici le « gouvernement de Montréal » au lieu de celui d’Ottawa.

En somme, il y a beaucoup de passages instructifs ou à tout le moins divertissants, dans ce recueil. Alors que d’autres demeurent en surface. De plus, le lecteur ne trouvera pas de liant d’un chapitre à l’autre. On passe du coq à l’âne. On fait des sauts dans le temps. L’ensemble est sympathique, mais inégal. Anecdotique, mais avec de beaux élans de tendresse.

À défaut d’être un ouvrage marquant, ces Derniers souvenirs seront lus comme si l’on feuilletait un album de famille aux photos écornées alors que l’auteur nous transmet à l’oreille des commentaires dans un français élégant sans être ampoulé.

Extrait

Lorsque la France s’effondra en juin 1940, un aîné des enfants (de) Saxcé, Arnaud, rejoignit le général de Gaulle en Grande-Bretagne. Je venais de finir l’École navale, au printemps 1942, lorsque je fus invité à déjeuner à Londres par mes parents à l’hôtel Rubens. S’y trouvait un jeune homme pâle et tendu, en uniforme d’aspirant de l’armée de l’air. C’était Arnaud de Saxcé, très intimidé, qui répondait : « Je suis pilote de Spitfire », lorsqu’on lui demandait dans quelle arme il servait. Nous apprîmes, trois ans plus tard, qu’il avait été tué le 10 avril 1945, en effectuant des attaques à basse altitude sur la côte des Pays-Bas, en Spitfire IX.

Qui est Philippe de Gaulle ?

Seul fils de Charles et d’Yvonne de Gaulle, frère d’Élisabeth et d’Anne, Philippe de Gaulle fait carrière dans la marine où il atteint le grade d'amiral. Il est élu sénateur (parti RPR avant de rejoindre l’UMP) de Paris en 1986, poste qu’il occupe jusqu’en 2004. Il est mort à Paris le 13 mars 2024 à 102 ans. Il repose près de son père au cimetière de Colombey-les-Deux-Églises.

Derniers souvenirs

Derniers souvenirs

Plon

160 pages

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