Aujourd’hui, notre chroniqueur rencontre le président-directeur général de Tourisme Montréal Yves Lalumière

Il a beaucoup été question de surtourisme au cours des derniers mois. La reprise des voyages après une longue période de pandémie nous a fait prendre conscience des blessures écologiques que des dizaines de millions de visiteurs causent aux villes attrayantes.

Même si la situation à Montréal n’a rien à voir avec certaines villes françaises, italiennes ou espagnoles, le président-directeur général de Tourisme Montréal, Yves Lalumière, observe la situation avec beaucoup d’intérêt.

« Le tourisme ne va pas arrêter, me dit-il dans une brasserie de Montréal située à côté de la place d’Armes, où sont massés de nombreux touristes. Ça ne va pas diminuer. Je crois même que la croissance du tourisme va se poursuivre au cours des 20 prochaines années. »

Celui qui est entré en poste à Tourisme Montréal il y a exactement 10 ans croit toutefois qu’il y a un gros travail à faire avec les visiteurs.

On doit prendre conscience de l’empreinte qu’on laisse quand on débarque dans une ville ou un pays.

Yves Lalumière, président-directeur général de Tourisme Montréal

C’est dans cet esprit que Tourisme Montréal a créé un calculateur d’empreinte carbone, offert depuis l’été 2022 sur son site web. Après avoir répondu à six questions, on découvre le bilan de son empreinte. On nous indique ensuite le montant du don que nous devrions laisser pour la recherche ou la plantation d’arbres.

Le surtourisme est lié à la capacité d’accueil du lieu qui est visité. Plus la ville est petite et attrayante, plus elle risque de souffrir du nombre excessif de visiteurs. « Il faut se préparer à devoir réserver et à payer davantage pour avoir accès à des lieux touristiques prisés, reprend Yves Lalumière. On le voit déjà avec des villes comme Amsterdam et Venise, qui ont récemment adopté des mesures en ce qui a trait à la présence des navires. »

Les grands espaces dont nous jouissons au Québec ont un impact sur notre perception de la capacité d’accueil. Dans un sondage commandé par Tourisme Montréal au printemps dernier, on apprend que le sentiment de « tourismophobie » est plus bas chez les Montréalais que pour les habitants d’autres grandes villes.

À Montréal, la zone triangulaire touristique est délimitée par le parc du Mont-Royal, le Parc olympique et le parc Jean-Drapeau. « C’est vraiment là que ça se passe, dit Yves Lalumière. On tente d’agrandir ce territoire pour que personne ne se sente étouffé par les visiteurs. »

L’éternelle « coolitude » de Montréal

Un des effets des préoccupations environnementales liées au tourisme est le nombre décroissant des petits vols d’affaires. Même si Montréal a retrouvé au cours de la dernière année une activité touristique comparable à celle de 2019, elle la doit à sa manière de diversifier les raisons d’attirer les visiteurs.

« Nous ne pourrons pas retrouver la cadence des vols Toronto-Montréal ou Ottawa-Montréal d’autrefois, dit Yves Lalumière. Ces voyages ne font presque plus partie des politiques des grandes entreprises. Les vols d’une heure trente ou moins font maintenant l’objet d’une réflexion. »

À Tourisme Montréal, on préfère miser sur les grands happenings culturels, comme les spectacles de Metallica l’été dernier, ou les évènements sportifs, comme les Championnats du monde de patinage artistique, qui auront lieu en mars prochain.

Si on choisit de tenir une réunion à Montréal, on tente de la relier à un évènement. Comme Montréal est une ville qui offre une grande mixité, on peut travailler là-dessus. C’est comme ça qu’on se distingue de Toronto. Montréal est un vaste terrain de jeux, je le dis souvent.

Yves Lalumière, président-directeur général de Tourisme Montréal

Yves Lalumière persiste à croire que le pouvoir attractif de Montréal demeure son effervescence culturelle, la qualité de ses restaurants et son « esprit latin ». « C’est ce que les visiteurs nous disent. Ils aiment notre coolitude et nos nombreux festivals. Nous sommes critiques de notre ville, mais au fond, on est chanceux et on ne le sait pas. »

L’icône du cône

C’est vrai que Montréal est une ville qui vibre. Mais il faut se le dire, l’état des rues, la saleté des trottoirs et les innombrables chantiers de construction sont des facteurs très négatifs. « C’est vrai que le cône orange est devenu l’icône de Montréal, reconnaît Yves Lalumière. Quand tu vas à l’extérieur, tu n’en vois pas. À Paris ou à Mexico, il n’y en a pas. Cela dit, je trouve qu’il y a une certaine amélioration depuis quelque temps. »

J’aimerais être aussi positif qu’Yves Lalumière, mais il me semble que rien n’a changé, malgré les promesses de la mairesse Valérie Plante. Nous vivons un blitz préhivernal de travaux absolument ahurissant.

En septembre 2022, Yves Lalumière a lancé un cri d’alarme dans La Presse. Dans une lettre intitulée « Ramassez-vous ! Notre ville n’est pas votre dépotoir », il s’en prenait aux entrepreneurs et responsables de chantiers.

« Les délinquants sont légion et leur laisser-aller constitue à mes yeux un véritable affront à notre ville […] Le domaine public ne peut servir de lieu d’entreposage pour les bollards, les cônes, les panneaux, ou même les barrières entre deux chantiers. Cette pratique touche lourdement la circulation des piétons, cyclistes et automobilistes. »

Je fais part de mon étonnement à Yves Lalumière de voir que Tourisme Montréal ou la Chambre de commerce sont parmi les rares à secouer le pommier en ce sens. « Je suis d’accord, dit-il. Nous avons une belle ville et elle mérite que tout le monde se ramasse […] Oui, il y a des travaux, mais nous ne sommes pas obligés d’accepter la négligence. Montréal est une ville internationale, elle doit avoir des standards qui sont l’attractivité, la propreté et la fluidité. »

Le pouvoir attractif de l’hiver

La métropole a donc retrouvé sa vitalité touristique. Mais Yves Lalumière refuse de se reposer sur ses lauriers. Son prochain chantier sera de s’attaquer à l’hiver et d’en faire un pôle attractif pour les touristes.

J’aime dire aux partenaires anglophones que je rencontre, ‟Montreal is not cold, Montreal is cool”. On va donc investir dans une stratégie hivernale. Il faut que les hôtels embarquent là-dedans pour créer une magie. Il faut que la ville soit belle et qu’elle vive 12 mois par année.

Yves Lalumière, président-directeur général de Tourisme Montréal

Nous devrions voir les effets de cette approche dès l’hiver prochain. Une campagne internationale a été lancée ces derniers jours. Le slogan est : Winter like no other.

Des évènements comme Montréal en lumière et Igloofest seront exploités davantage. On souhaite attirer plus de familles lors de la semaine de relâche. Yves Lalumière veut aussi bonifier le défilé du père Noël.

Quand même le père Noël et la fée des Étoiles sont mis à profit, c’est que tous les moyens sont bons pour faire de Montréal une ville séduisante.

Questionnaire sans filtre

Le café et moi : Je ne bois pas de café, mais je commence toujours ma journée avec un bon chocolat chaud.

Sur ma table de chevet : Il y a des photos de mes deux garçons et de ma petite-fille.

Le moment où j’aime Montréal : J’aime Montréal à l’année, mais particulièrement lors des grands évènements, car ils provoquent une effervescence collective dans la métropole.

Des personnes, mortes ou vivantes, que j’aimerais réunir autour de ma table : Les choix sont nombreux, mais comme je suis un grand nostalgique, je réunirais des personnes qui ont eu un impact important sur Montréal et sur ma vie, soit Jean Drapeau, Guy Lafleur ainsi que mon papa.

Qui est Yves Lalumière ?

  • Originaire de Rosemont, il obtient un baccalauréat en administration des affaires de l’UQAM en 1986.
  • Après avoir été représentant des ventes commerciales chez Québecair, il se joint à l’équipe d’American Express, où il travaille pendant 20 ans.
  • En 2006, il est embauché chez Transat Distribution Canada comme vice-président, Exploitation et développement des affaires. Cinq ans plus tard, il devient président de ce groupe.
  • En 2013, il est nommé président-directeur général de Tourisme Montréal.