Trente-trois kilos.

C’est la perte de poids vécue par Valérie Lemesle depuis l’été 2022.

Si impressionnant soit-il, ce chiffre ne réussit pas à traduire l’amélioration radicale du quotidien de la mère de famille de la Montérégie.

J’ai l’impression d’avoir retrouvé ma vie. J’étais en forte dépression, et depuis, j’ai pu diminuer ma médication, car le moral est revenu. C’est aussi beaucoup plus facile pour moi de bouger, d’être active.

Valérie Lemesle, utilisatrice d’Ozempic qui a perdu 33 kg

La transformation vécue par Mme Lemesle est en partie due à Ozempic, le nouveau médicament mis au point au Danemark qui s’attaque à l’excès de poids en ralentissant la digestion et en donnant un fort sentiment de satiété.

« J’ai essayé des régimes avant, mais ça ne fonctionnait pas. Ce médicament pour moi a été une révélation et me rassure pour ma santé à long terme », dit-elle.

Tour à tour décrit dans les médias comme un produit « trop beau pour être vrai », puis « en pénurie tellement il est populaire », Ozempic est en train de changer le visage de l’obésité.

Le DSylvain Iceta, médecin psychiatre et professeur adjoint sous octroi au département de psychiatrie et de neurosciences de la faculté de médecine de l’Université Laval, croit que la popularité phénoménale du médicament et la multiplication des articles à son sujet peuvent donner la fausse impression que l’obésité est désormais une maladie facile à traiter.

Bien des gens pensent déjà que l’obésité est une question de volonté, alors qu’on sait que c’est en grande partie génétique… Le danger, c’est que la société voie une personne obèse et se dise : “Pourquoi elle ne prend pas ce médicament ? Ça va tout régler !”

Le DSylvain Iceta, médecin psychiatre

Il faut dire que les façons de traiter l’obésité jusqu’ici ne donnaient pas des résultats encourageants.

Le DIceta remarque que les diètes alimentaires ne fonctionnent généralement pas à long terme pour perdre du poids et que l’activité physique est difficile pour les gens obèses. Les chirurgies bariatriques ne donnent pas toujours les résultats escomptés. Dans un tel contexte, il est favorable à l’utilisation d’Ozempic si la prise du médicament s’accompagne d’un suivi avec des nutritionnistes et autres spécialistes.

« Contrairement à ce que pensent bien des gens, on ne devient pas mince parce qu’on l’a décidé. Et il ne faut pas oublier que dès qu’on arrête l’Ozempic, on a une reprise de poids. D’où l’importance d’utiliser le médicament dans un contexte plus global. »

« J’ai retrouvé la santé »

Paul a commencé à utiliser Ozempic en août 2022. Opéré au cœur en 2011, l’homme aujourd’hui âgé de 62 ans souffrait d’hypertension, de cholestérol élevé, d’apnée du sommeil et d’essoufflement.

En un an, Ozempic l’a aidé à faire passer son poids de 91 kg à 73 kg.

« Aujourd’hui, ma cholestérolémie est normale, ma tension est normale, mon apnée du sommeil a disparu, je n’ai plus d’essoufflements. Bref, j’ai retrouvé la santé. Je marche 10 km chaque jour ! », dit-il.

Ce genre de résultat fait dire aux gens que ce médicament est magique. Mais Paul nuance.

Ce n’est pas magique. C’est un médicament qui nous donne l’occasion de changer notre mode de vie et de retrouver la santé. Je vais bientôt cesser la prise du médicament, et si je reviens à mes anciennes habitudes, eh bien, je vais revenir à la case départ.

Paul, utilisateur d’Ozempic

Christian, 68 ans, est du même avis. Utilisant Ozempic depuis six semaines à peine, il a bon espoir de s’attaquer à son problème d’obésité morbide, un terme appliqué aux personnes obèses dont l’indice de masse corporelle (IMC) est supérieur à 40 kg/m².

« Déjà, mon appétit a beaucoup diminué, dit Christian. Ça te rend moins attiré par les choses lourdes et grasses, et plus par des repas légers comme les salades. Maintenant, je mange un repas et demi par jour. »

Même si Ozempic et d’autres médicaments analogues comme Wegovy ou Mounjaro ont le potentiel de changer la vie des personnes obèses, obtenir le médicament n’est pas à la portée de tous.

Au Québec, le gouvernement ne rembourse ces médicaments qu’aux personnes atteintes de diabète. Les médicaments visant à faire perdre du poids font partie de la liste des produits exclus du régime public d’assurance médicaments du Québec.

La Dre Marie-Philippe Morin, spécialiste en médecine bariatrique à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ), note que c’est une raison historique qui explique l’exclusion de ces médicaments.

« C’est à cause d’un vieux règlement qui date de 1997 et qui exclut les médicaments pour traiter l’obésité, qui étaient dangereux à cette époque. Aujourd’hui, on est ailleurs, il y a eu beaucoup de progrès dans ce domaine, donc le temps est venu de lever le règlement d’exclusion. Le rôle de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) est d’évaluer l’efficacité des médicaments, mais il ne le fait pas actuellement dans le cas de l’obésité. »

À l’INESSS, le service des communications indique qu’un projet pilote pourrait voir le jour. « Des échanges ont lieu avec le ministère de la Santé pour une contribution de l’INESSS à un projet en milieu clinique de soins qui vise la prise en charge de patients avec problématique d’obésité. Les détails de ce projet seront communiqués en temps et lieu par le MSSS », nous dit-on.

Pour Christian, Ozempic et les médicaments analogues qui arrivent ou sont en voie d’arriver sur le marché offrent une lueur d’espoir… coûteuse. Son traitement lui coûte près de 300 $ par mois, une somme importante dans son budget, lui qui touche de petits revenus. En attente d’une chirurgie bariatrique depuis un an, Christian ne comprend pas que la RAMQ ne rembourse pas Ozempic aux gens qui sont atteints d’obésité morbide.

« L’obésité morbide, c’est une maladie mortelle ! Je fais mes efforts, je marche et je fais du vélo régulièrement depuis des années, mais ça ne fonctionne pas. J’ai déjà subi un quadruple pontage cardiaque, qui coûte au bas mot 25 000 $ au gouvernement.

Pourquoi ne pas investir en amont dans la prévention avec Ozempic, plutôt que de traiter les problèmes médicaux coûteux liés à l’obésité ensuite ? C’est un non-sens.

Christian, utilisateur d’Ozempic atteint d’obésité morbide

Au-delà du physique, c’est aussi la question de la santé mentale des personnes obèses qui est en jeu, dit-il.

« La grossophobie, soit la peur des gens obèses, c’est un vrai phénomène. Souvent, les gens obèses s’isolent, vivent des difficultés de socialisation. Alors quand on a finalement un outil qui permet d’attaquer de front l’ensemble de ces problèmes, on devrait s’en servir. »

En savoir plus
  • Deuxième entreprise d’Europe
    Depuis le succès d’Ozempic et de Wegovy, les deux médicaments de perte de poids fabriqués par l’entreprise Novo Nordisk, cette dernière est devenue la plus importante entreprise du Danemark et la deuxième entreprise d’Europe, tout juste derrière LVMH, le groupe qui possède Louis Vuitton et Dior, notamment.
    Novo Nordisk
    Huit chances sur dix
    C’est le risque que des enfants nés de deux parents obèses développent la maladie de l’obésité. Le risque tombe à quatre sur dix si seulement un des deux parents est obèse, et à moins de une chance sur dix pour les enfants nés de parents de poids moyen.
    Fondation Ronald-Denis